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Petite histoire d'un grand musée: Le Bardo

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Le Musée National du Bardo fut créé par un décret beylical datant du 7 novembre 1882 et paru dans le journal officiel. Bien que sa création soit l'œuvre des archéologues envoyés en mission au XIXème siècle par le ministère français de l'Instruction publique et des Beaux-arts, l'idée de regrouper les antiquités, pour en faire un musée publique, a été formulée bien avant l'instauration du protectorat par le réformateur tunisien Kheireddine Pacha, Premier ministre de 1873 à 1877.

En 1885 Ali Bey, le souverain de Tunis, décida de céder une partie du palais du Bardo pour qu'on y installe le musée. Ce dernier sera baptisé le musée Alaoui en hommage à la monarchie de la Régence. Les bâtiments accueillant le musée correspondent au harem du palais: C'est la partie résidentielle et privée, située dans l'aile Nord d'un grand ensemble palatial. Le Bey continua à occuper la partie publique du palais: C'est le bâtiment accueillant aujourd'hui l'Assemblée des Représentants du Peuple. Il y exerçait ses fonctions politiques. Cet endroit a depuis toujours servi de local officiel de l'État.

Lorsqu'il fut choisi pour abriter le musée, le harem était déjà désaffecté et laissé à l'abandon depuis une trentaine d'années. La famille beylicale l'avait abandonné au profit d'un autre palais, celui de Ksar Saïd, situé à proximité du palais du Bardo. Une grande partie des bâtiments environnants était alors en ruine et fut totalement arasée. Néanmoins, la valeur architecturale du palais du Bardo est reconnue dès le XIXème siècle.

Un palais méconnu:

Le palais du Bardo est cité dans les premiers guides de voyage sur la Tunisie. Il était un passage incontournable pour les étrangers visitant la Régence de Tunis. De nombreux voyageurs se rendirent sur les lieux du XVIème au XIXème et décrivirent l'agglomération qui s'était constituée autour du palais, la comparant tantôt à un village, tantôt à une cité fortifiée étrange et composite dont l'aspect extérieur contrastait avec les riches et luxueux décors intérieurs. Toutefois, malgré le nombre important de récits citant le palais, très peu donnent une description précise de la partie occupée aujourd'hui par le musée, probablement parce que celle-ci était réservée au harem du Bey, alors inaccessible aux voyageurs. Le rez-de-chaussée de ce harem fut réservé aux espaces de services: cuisines (probablement installées au niveau de l'actuelle salle de Tunis), magasins, écuries, etc. L'étage fut réservé aux espaces nobles où habitaient le Bey et sa cour.

Vu l'état de l'ancien palais quand il a été cédé par le Bey pour qu'il devienne musée, des travaux de consolidation s'avéraient nécessaires avant son ouverture au public. Seules les salles dans un relatif bon état sont préservées comme la salle de Carthage ou la salle des fêtes. Les pans en ruine du palais sont progressivement détruits. Une partie du décor qui nous est parvenu aujourd'hui résulte d'un travail de restauration très particulier: Des éléments décoratifs sont également récupérés dans les ruines pour orner des salles du futur musée, comme les panneaux de plâtre sculpté.

Les premières salles du musée

Après 4 ans de travaux et de restaurations des parties les mieux préservées, le musée fut inauguré le 7 mai 1888. Lors de son ouverture il ne comptait encore que quatre salles: "le musée épigraphique", dans le Grand Patio ; "le musée des antiques", dans la Grande Salle des Fêtes, le "musée des industries d'art tunisien" dans les Chambres des Femmes (actuelle salle des trésors) et "le musée ethnographique" dans la Salle de Musique. Le musée n'accueillait pas uniquement des objets archéologiques mais aussi ethnographiques. Les travaux de consolidation et de remodelage continuèrent après l'ouverture du musée et ceci même après l'Indépendance. Après cet événement le musée changea de nom et devint le Musée National du Bardo.

bardo museum

Entre 2008 et 2012 un vaste chantier a été lancé au musée afin de le rénover, de le réaménager et de construire une nouvelle aile. Aujourd'hui on peut encore voir les traces de l'ancien palais et des anciennes salles du musée dans plusieurs endroits:

  • La driba: Cette longue galerie ponctuée d'arcades avec le sol tapissé de mosaïques jouait le rôle de vestibule. Le palais possède plusieurs vestibules reliant les différents espaces du rez-de-chaussée.


  • La salle du baptistère: Actuellement appelée la salle de Constantin, elle fut ouverte en 1903. Au milieu de cette salle, qui fut l'entrée principale du harem du palais, on peut voir le baptistère d'El Kantara installé vers 1900. Les derniers travaux (2008-2012) ont permis de dévoiler les revêtements en faïences couvrant les murs ainsi que les encadrements en marbre marquant l'accès principal. On pense que la porte cochère se trouvant dans la driba sous-jacente a été en effet déplacée, elle était jadis dans cet espace.


  • Les citernes du palais: Les derniers travaux de rénovation, de réaménagement et d'extension ont permis d'intégrer à l'exposition un espace insolite, à savoir les citernes du palais, devenues accessibles par la salle Ecclesia Mater. Cet espace sombre et humide, présentant principalement des sarcophages, alimentait autrefois le palais en eau; il est visitable grâce à une passerelle en verre.


  • L'allée cavalière: Il s'agit d'un vestibule qui donnait accès probablement aux écuries du palais. Fermé au public pendant longtemps, l'allée cavalière est devenue un espace d'exposition suite aux travaux de 2008-2012. On y voit plusieurs pièces maitresses du musée telles que : le baptistère de Demna, la mosaïque de Matrone à sa toilette, etc.


  • Le petit palais: Appelé aussi le palais arabe, il fut construit sous le règne du Bey Hussein II (1824-1835). Ses espaces et ses décors sont représentatifs de l'architecture traditionnelle locale. Les décors de faïences et de stuc (technique dite nakcha Hadida) ornant les plafonds proviennent des ruines du palais mais aussi de bâtiments de la Médina de Tunis. En fait lors des travaux visant à transformer le palais en musée, on a modifié la configuration de plusieurs espaces ; on a récupéré des éléments de décors dans les ruines qu'on a réemployés dans les nouvelles salles.


  • La salle de Carthage: La construction de cette salle de Carthage, dite aussi le grand patio, démarra sous le règne de Mohamed Bey et fut terminée par son frère Sadok Bey. Elle se distingue par son décor italianisant d'influence baroque. Les revêtements en faïences qu'on voit sur ses murs ont été retrouvés grâce aux derniers travaux de rénovation et de réaménagement ; ils étaient dissimulés sous une épaisse couche de peinture. Au milieu du grand patio, il y avait une fontaine qu'on peut voir sur les anciennes photos du musée. Le décor du plafond, aujourd'hui invisible sous une peinture blanche, représentait les armes des beys de Tunis.


bardo museum

  • La salle d'Oudhna : C'est l'ancienne salle à manger du palais; elle possède un plafond en bois peint richement décoré.


  • La salle de la musique: L'influence italienne est particulièrement évidente dans cette salle, appelée aussi la salle d'Althiburos, tout comme dans la galerie de la salle de Carthage et sur le plafond de la salle de Sousse. La salle de la musique a subi quelques modifications : Jadis, derrière le mur donnant sur l'Assemblée des Représentants du Peuple il y avait des escaliers dérobés permettant aux musiciens d'accéder à cette salle en toute discrétion pour s'installer sur la mezzanine. L'autre mezzanine était réservée aux princesses.


  • La salle des trésors: Lors de son ouverture au public en 1888, cette salle abritait le musée des industries d'art tunisien. Anciennes chambres des Femmes au plan en croix grecque, elle fut pendant longtemps appelée la salle de Virgile. Il s'agit des appartements privés du Bey. Les murs ornés de faïences tunisiennes sont surmontés de panneaux de stucs finement ajourés. Les panneaux en céramique de Qallaline (ateliers qui se trouvaient dans la Médina de Tunis) reprennent des motifs traditionnels.


  • La salle des fêtes: Ancienne salle des fêtes du palais, elle a accueilli pendant des dizaines d'années la mosaïque Triomphe de Neptune retrouvée qui trône aujourd'hui dans le hall d'accueil du musée. La magnifique coupole de cette salle, faite avec du bois de cèdre du Liban, est l'œuvre d'ébénistes tunisiens.


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  • La salle de Dougga: Ouverte en 1903, cette salle possède des fenêtres traditionnelles qu'on appelle « gannariyyas ». Ces dernières semblent avoir été recomposées lors des travaux de reconstruction du palais au XIXème siècle. À partir de ces « gannariyyas » s'offre une vue imprenable sur la mosquée du palais et sur la caserne comprenant les bâtiments de l'ancienne école militaire (installée à côté du palais dès 1840) et de l'ancien hôtel de monnaie de la Régence de Tunis.


Depuis sa création le Musée National du Bardo a connu diverses transformations qui lui ont donné son allure actuelle. Même s'il nous est difficile aujourd'hui de distinguer les traces de l'ancien palais, le musée reste un espace d'exception; sa visite est une expérience unique qui suscite l'émotion et attise la curiosité non seulement grâce à son architecture mais aussi grâce aux trésors archéologiques qu'il présente.

Bibliographie:

-BACHA Myriam, 2005, Le patrimoine monumental en Tunisie pendant le protectorat, 1881-1914 : Étudier, sauvegarder, faire connaître, Thèse de Doctorat en histoire de l'art, Université Paris IV Sorbonne.
-BEAUGRAND Honoré, 1889, Lettres de voyage : France, Italie, Sicile, Malte, Tunisie, Algérie, Espagne, Montréal: des presses de la Patrie.
-DUMAS Alexandre, 1855, Le Véloce ou Tanger, Alger et Tunis, snnl.
-FANTAR M'hamed, 1989, Le Bardo, un musée, un palais, Tunis, Alif.
-FLAUX Armand, 1865, La Régence de Tunis au dix-neuvième siècle, Paris, Challamel.
-GHARSALLAH-HIZEM Soumaya, 2011, « Le projet de rénovation et d'extension du palais-musée national du Bardo à Tunis : entre conservation, modernisation et création », pp. 209-226, in L'architecture au Maghreb (XIXè-XXè siècles) Réinvention du patrimoine. Sous la direction de Myriam Bacha, Institut de Recherche sur le Maghreb Contemporain. Tours, Presses Universitaires François Rabelais.
-GRENVILLE Temple, 1835, Excursion in the Mediterranean, Algiers and Tunis, London, Saunders and Otley, vol.I.
-JAÏDI Houcine, 2001, « Kheireddine Pacha et son projet de musée archéologique de Tunis », pp.93- 117, in Pallas : études sur l'antiquité, Toulouse, Faculté des lettres, N°56.
-YACOUB Mohamed, 1993, Le Musée du Bardo : départements antiques, Tunis, Agence nationale du patrimoine.



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