BARDO - Un an après l'attentat du Bardo revendiqué par l'Etat islamique, qui a tué 24 personnes (21 touristes étrangers, un policier tunisien et deux terroristes), la plaie n'est pas refermée. Plusieurs suspects ont été abattus ou incarcérés, mais aucun procès n'est encore annoncé, certains suspects sont toujours en cavale - ou peut-être morts -, et certains ont été libérés sans explication au terme d'une procédure entachée d'allégations d'irrégularités.
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Plus de 40 suspects ont été incarcérés en lien avec l'attaque du Bardo. Crédit: AP
Une semaine après l'attentat, le ministère de l'Intérieur a annoncé l'arrestation de 23 personnes, affiliées à l'Etat islamique, et impliquées dans l'attaque du Bardo. Cette arrestation aurait permis, selon le ministère, le démantèlement de 80% de la cellule terroriste en question. L'Intérieur a alors ajouté que quatre autres individus étaient en fuite: deux Marocains, un Algérien et un Tunisien. L'un d'eux étant même suspecté d'avoir été le complice opérationnel des deux terroristes abattus. "De toute façon, il n’ira pas très loin, parce que nous sommes très vigilants", avait alors assuré à son sujet le président Béji Caïd Essebsi, le 22 mars.
Le 28 mars, la veille de la marche contre le terrorisme organisée à Tunis (voir diaporama en fin d'article), les autorités ont annoncé avoir abattu dans la région de Gafsa Lokmane Abou Sakhr, chef jihadiste algérien présenté comme le "chef" de l'attentat.
En avril, le ministère de la Justice a annoncé que le nombre de suspects incarcérés en lien avec cette affaire était de 46, issus de deux cellules terroristes différentes.
Le pôle antiterroriste n'a pas donné suite aux multiples sollicitations du HuffPost Tunisie pour réactualiser ce bilan.
Fin mai, la liste des fugitifs recherchés comportait cinq noms: Noureddine Neybi, Adel Ghandri, Chamseddine Sendi, Noureddine Chouchène et Maher Gaïdi (l'un d'eux étant suspecté d'avoir été le complice opérationnel des deux terroristes abattus lors de l'attaque du Bardo).
Le 24 mai, Noureddine Neybi était arrêté au poste-frontière de Ras Jdir.
Pendant plusieurs mois, les recherches se sont poursuivies, la liste des "terroristes recherchés" s'allongeant même à 16 personnes en septembre dernier.
C'est en fin de compte le bombardement américain à Sabratha en Libye qui a changé la donne.
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Débris de la maison détruite par le bombardement américain. Crédit: AP
Le 19 février dernier, un bombardement américain près de la ville libyenne de Sabratha, à une centaine de kilomètres de la frontière tunisienne, a visé une cellule terroriste constituée exclusivement de Tunisiens, selon les autorités libyennes. Un responsable américain a déclaré que le Tunisien Noureddine Chouchane, l'un des cinq fugitifs recherchés par la justice tunisienne pour les attentats du Bardo et de Sousse en 2015, a "probablement été tué".
On ignore également le sort des fugitifs Maher Gaïdi et Chamseddine Sandi à l'issue de cet assaut.
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De gauche à droite: Noureddine Chouchane, Maher Gaïdi, Chamseddine Sandi.
Le pôle antiterroriste n'a pas donné suite aux sollicitations du HuffPost Tunisie.
Toutefois, dans sa dernière mise à jour de la liste des "terroristes recherchés", le ministère de l'Intérieur ne mentionne désormais que trois noms: Moez Fazani, Mefteh Manita et Adel Ghandri.
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De gauche à droite: Mefteh Manita, Moez Fazani et Adel Ghandri.
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Sur le plateau d'El Hiwar El Tounsi, confrontation tendue entre Ahmed Rahmouni et Néji Jalloul.
En août, le juge d'instruction chargé de l'affaire a libéré 8 suspects, dont Mohamed Emine Guebli, présenté alors par le ministère de l'Intérieur comme le chef de la cellule terroriste derrière l'attentat. Aucune explication officielle n'est donnée sur ce revirement.
Cinq mois plus tard, la diffusion d'une vidéo le 30 janvier 2016 dans l'émission "Labess" sur la chaîne El Hiwar Ettounsi déclenche une polémique. Le document a été diffusé en présence sur le plateau d'Issam Dardouri (fonctionnaire du ministère de l'Intérieur, présenté comme un syndicaliste sécuritaire, et président fondateur de l'association Organisation tunisienne pour les forces de sécurité et le citoyen) qui a expliqué qu'on y voyait Mohamed Emine Guebli montrer "le chemin menant à une cachette d'armes" à des agents de la police antiterroriste, dans "la montagne de Sejnane", dans le nord de la Tunisie. Issam Dardouri a alors critiqué la décision de libérer Mohamed Emine Guebli. La vidéo, courte et confuse, est en fait faiblement exploitable:
Issam Dardouri a été mis en détention le 6 février suite à ses déclarations sur le plateau d'El Hiwar Ettounsi, puis un mandat de dépôt pour "divulgation d'éléments d'enquête, vol de preuves matérielles liées à une affaire criminelle et entrave à la poursuite d'une organisation terroriste" a été émis à son encontre par le juge d'instruction du pôle judiciaire de lutte antiterroriste" le 11 février, avant qu'il ne bénéficie d'une libération provisoire peu après.
Mais le 11 février, toujours sur le plateau de la chaîne Al Hiwar Ettounsi, une vive confrontation oppose cette fois Ahmed Rahmouni, président de l'Observatoire tunisien pour l'indépendance de la magistrature (OTIM) et Néji Jalloul, ministre de l'Education. Le premier a expliqué qu'une "enquête interne du ministère de l'Intérieur sur l'unité antiterroriste de Gorjeni" a révélé "des actes de torture et des falsifications" de la part de celle-ci: c'est ce qui a justifié la libération des 8 suspects en août (ce n'était pas la première fois que le magistrat pointait du doigt des faits de torture lors d'interrogatoires). Le ministre accuse en retour le magistrat de "blanchiment du terrorisme".
Peu après, l'association des magistrats tunisiens a publié un communiqué dans lequel elle dénonce une "campagne de dénigrement à l'encontre des magistrats" menés par "des syndicats de sécurité, des hommes politiques et des médias", visant explicitement Al Hiwar El Tounsi.
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L'avocat de la famille poursuivant l'Etat tunisien, Philippe de Veuille. Crédit: iTélé
En août 2015, la famille de l'une des victimes françaises de l'attentat a annoncé son intention de porter plainte contre l'Etat tunisien pour négligence, et de demander des réparations, alors que le vice-président de l'Assemblée, Abdelfattah Mourou, avait affirmé dès mars que les gardes devant assurer la sécurité du Parlement tunisien, mitoyen du musée du Bardo, étaient au café au moment de l'attaque. Mohammed Salah Ben Aissa, le ministre de la Justice, avait répondu qu'il incombait à la famille de prouver "toutes les conditions d'engagement de cette responsabilité de l'Etat".
Pour rappel, l'organisation de l'Etat islamique, lors de sa revendication de l'attaque, avait indiqué que "deux chevaliers du califat" étaient "parvenus à assiéger un groupe de ressortissants des pays croisés (...) semant la terreur dans le cœur des infidèles", avant d'avertir: "Ce que vous avez vu, ce n'est que le début. Vous n'allez jouir ni de sécurité ni de paix".
Plus de 40 suspects arrêtés, ou abattus

Une semaine après l'attentat, le ministère de l'Intérieur a annoncé l'arrestation de 23 personnes, affiliées à l'Etat islamique, et impliquées dans l'attaque du Bardo. Cette arrestation aurait permis, selon le ministère, le démantèlement de 80% de la cellule terroriste en question. L'Intérieur a alors ajouté que quatre autres individus étaient en fuite: deux Marocains, un Algérien et un Tunisien. L'un d'eux étant même suspecté d'avoir été le complice opérationnel des deux terroristes abattus. "De toute façon, il n’ira pas très loin, parce que nous sommes très vigilants", avait alors assuré à son sujet le président Béji Caïd Essebsi, le 22 mars.
Le 28 mars, la veille de la marche contre le terrorisme organisée à Tunis (voir diaporama en fin d'article), les autorités ont annoncé avoir abattu dans la région de Gafsa Lokmane Abou Sakhr, chef jihadiste algérien présenté comme le "chef" de l'attentat.
En avril, le ministère de la Justice a annoncé que le nombre de suspects incarcérés en lien avec cette affaire était de 46, issus de deux cellules terroristes différentes.
Le pôle antiterroriste n'a pas donné suite aux multiples sollicitations du HuffPost Tunisie pour réactualiser ce bilan.
Lire aussi : Le droit d'accès à l'information administrative en Tunisie: Une loi à réviser et des habitudes à changer
Traque des fugitifs
Fin mai, la liste des fugitifs recherchés comportait cinq noms: Noureddine Neybi, Adel Ghandri, Chamseddine Sendi, Noureddine Chouchène et Maher Gaïdi (l'un d'eux étant suspecté d'avoir été le complice opérationnel des deux terroristes abattus lors de l'attaque du Bardo).
Le 24 mai, Noureddine Neybi était arrêté au poste-frontière de Ras Jdir.
Pendant plusieurs mois, les recherches se sont poursuivies, la liste des "terroristes recherchés" s'allongeant même à 16 personnes en septembre dernier.
C'est en fin de compte le bombardement américain à Sabratha en Libye qui a changé la donne.
Mort "probable" de certains des fugitifs à Sabratha

Le 19 février dernier, un bombardement américain près de la ville libyenne de Sabratha, à une centaine de kilomètres de la frontière tunisienne, a visé une cellule terroriste constituée exclusivement de Tunisiens, selon les autorités libyennes. Un responsable américain a déclaré que le Tunisien Noureddine Chouchane, l'un des cinq fugitifs recherchés par la justice tunisienne pour les attentats du Bardo et de Sousse en 2015, a "probablement été tué".
On ignore également le sort des fugitifs Maher Gaïdi et Chamseddine Sandi à l'issue de cet assaut.

Le pôle antiterroriste n'a pas donné suite aux sollicitations du HuffPost Tunisie.
Toutefois, dans sa dernière mise à jour de la liste des "terroristes recherchés", le ministère de l'Intérieur ne mentionne désormais que trois noms: Moez Fazani, Mefteh Manita et Adel Ghandri.

Extradition rejetée pour un suspect
Mais entre les arrestations et les morts de suspects, l'avancée de la justice connait aussi des accrocs. Le 20 mai, Abdelmajid Touil, l'un des Marocains en fuite suspecté d'implication dans cet attentat avait été arrêté près de Milan, en Italie. Mais le jeune homme de 22 ans, qui clame son innocence et qui était en Italie au moment de l'attentat, a refusé son extradition vers la Tunisie.
L'Italie a finalement rejeté la demande des autorités tunisiennes de l'extrader en octobre dernier, du fait de la présence de la peine de mort en droit tunisien.
Libération polémique de huit suspects

En août, le juge d'instruction chargé de l'affaire a libéré 8 suspects, dont Mohamed Emine Guebli, présenté alors par le ministère de l'Intérieur comme le chef de la cellule terroriste derrière l'attentat. Aucune explication officielle n'est donnée sur ce revirement.
Cinq mois plus tard, la diffusion d'une vidéo le 30 janvier 2016 dans l'émission "Labess" sur la chaîne El Hiwar Ettounsi déclenche une polémique. Le document a été diffusé en présence sur le plateau d'Issam Dardouri (fonctionnaire du ministère de l'Intérieur, présenté comme un syndicaliste sécuritaire, et président fondateur de l'association Organisation tunisienne pour les forces de sécurité et le citoyen) qui a expliqué qu'on y voyait Mohamed Emine Guebli montrer "le chemin menant à une cachette d'armes" à des agents de la police antiterroriste, dans "la montagne de Sejnane", dans le nord de la Tunisie. Issam Dardouri a alors critiqué la décision de libérer Mohamed Emine Guebli. La vidéo, courte et confuse, est en fait faiblement exploitable:
Issam Dardouri a été mis en détention le 6 février suite à ses déclarations sur le plateau d'El Hiwar Ettounsi, puis un mandat de dépôt pour "divulgation d'éléments d'enquête, vol de preuves matérielles liées à une affaire criminelle et entrave à la poursuite d'une organisation terroriste" a été émis à son encontre par le juge d'instruction du pôle judiciaire de lutte antiterroriste" le 11 février, avant qu'il ne bénéficie d'une libération provisoire peu après.
Mais le 11 février, toujours sur le plateau de la chaîne Al Hiwar Ettounsi, une vive confrontation oppose cette fois Ahmed Rahmouni, président de l'Observatoire tunisien pour l'indépendance de la magistrature (OTIM) et Néji Jalloul, ministre de l'Education. Le premier a expliqué qu'une "enquête interne du ministère de l'Intérieur sur l'unité antiterroriste de Gorjeni" a révélé "des actes de torture et des falsifications" de la part de celle-ci: c'est ce qui a justifié la libération des 8 suspects en août (ce n'était pas la première fois que le magistrat pointait du doigt des faits de torture lors d'interrogatoires). Le ministre accuse en retour le magistrat de "blanchiment du terrorisme".
Peu après, l'association des magistrats tunisiens a publié un communiqué dans lequel elle dénonce une "campagne de dénigrement à l'encontre des magistrats" menés par "des syndicats de sécurité, des hommes politiques et des médias", visant explicitement Al Hiwar El Tounsi.
La famille d'une victime française poursuit l'Etat tunisien en justice

En août 2015, la famille de l'une des victimes françaises de l'attentat a annoncé son intention de porter plainte contre l'Etat tunisien pour négligence, et de demander des réparations, alors que le vice-président de l'Assemblée, Abdelfattah Mourou, avait affirmé dès mars que les gardes devant assurer la sécurité du Parlement tunisien, mitoyen du musée du Bardo, étaient au café au moment de l'attaque. Mohammed Salah Ben Aissa, le ministre de la Justice, avait répondu qu'il incombait à la famille de prouver "toutes les conditions d'engagement de cette responsabilité de l'Etat".
Pour rappel, l'organisation de l'Etat islamique, lors de sa revendication de l'attaque, avait indiqué que "deux chevaliers du califat" étaient "parvenus à assiéger un groupe de ressortissants des pays croisés (...) semant la terreur dans le cœur des infidèles", avant d'avertir: "Ce que vous avez vu, ce n'est que le début. Vous n'allez jouir ni de sécurité ni de paix".
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