"C'était comme dans un rêve."
Le vol TU 203 Montréal - Tunis de TUNISAIR atterrissait en avance.
Nous passâmes le temps à se taquiner à qui les bagages en premier. Nous? Un groupe de 37 personnes, dont douze d'origine chinoise, venus en visite de prospection pour la première fois en Tunisie en PPP.
Je me demandais si la Tunisie, qui cherche à relancer son tourisme, pourrait m'apporter des réponses avec ce voyage. Au cours de cette semaine, j'ai réalisé que nous avions les moyens de redevenir, malgré les attentats, une destination de choix où notre bien-être et notre sécurité sont garantis. Les réponses étaient là. Sans ambages. De Tunis jusqu'à Tozeur.
Les réponses sont venues dans la qualité du service à la clientèle des professionnels du secteur, à partir de Lotfi, notre chauffeur, cravaté et courtois; en passant par notre guide, Kais francophile et anglophile accompli, dont l'érudition touristique nous éblouissait tout au long du circuit; ou de Khaled, responsable de la sécurité publique, qui avec son équipe d'agents, déployait un dispositif sécuritaire touristique cohérent pour nous escorter, ou enfin de Lassaad de la Manufacture Tapis des Princes, qui nous raconta avec théâtralité, l'Alloucha, la Zarbia, le Mergoum et el Kilim, les catégories de tapis, devant un parterre ébahi devant autant de savoir-noués, présentés dans de divers formats. Ce renommé centre du tapis se trouve proche de la Grande Mosquée Oqba Ibnou Nafaâ à Kairouan (
ma collègue Anissa Mahdaoui y relate cinq raisons de visiter la capitale des Aghlabides), quadrilatère-forteresse dont les Maupassant, Shaw, et Maria Rilke avaient loué la magnificence des piliers et des proportions, et qui nous subjuguait par sa majesté où pouvait s'y recueillir jusqu'à 12.000 fidèles.
Je joins à ces noms et en hommage pour leur hospitalité et pour leur passion, toutes les Tunisiennes et Tunisiens de cette industrie: du cabin crew de Tunisair jusqu'au chefs de partie buffet et personnels de chaque hôtel Magic Life (Africana, Ksar Rouge, Royal Kenz). En fait, l'organisation est née d'un partenariat public privé entre le bureau de l'ONTT au Canada (M. Issam Khereddine à Montréal et Mme Leila Tekaya à Tunis), Tunisair (M. Faouzi Mouelhi), Flight Tours (Mme. Raja Gharbi à Montréal et la Famille Gharbi à Tunis), Voyage Gama (M. Karim Chefaï) et Magic Hotels Resorts (Mme Wafa Taieb, M. Mourad Ben Cheikh, M. Amine Daoud) pour organiser un circuit riche en découvertes d'Hammamet, à Kairouan, en passant par Tozeur, Tunis et Sousse en une semaine du 23 février au 1er mars.
À Tozeur, j'ai assisté à une superbe soirée sous tente berbère dans un cadre digne des Milles et Une nuits en l'honneur de notre délégation, charmé par le malouf et le culinaire traditionnels. Attablé avec un ex-ministre des Finances du Québec, un ex-président de l'Académie canadienne du cinéma et de la télévision ainsi que du conseil d'administration de Radio-Canada, homme de théâtre, auteur-cuisinier émérite ayant la passion des recettes avec un livre consacré uniquement au Citron, une cinéaste sensible, une journaliste culturelle et une militante de la nutrition bio, nous évoquions la beauté de découvrir la richesse culturelle, historique, et touristique de ce Sud; d'apprécier ses lieux magiques tels que le site de Star Wars à Ong Jmal.
Le mot "oasis" prends son étymologie du mot ancien égyptien waha, qui signifie "lieu fertile dans le désert". L'ironie du Sahara est que, sous sa vaste surface desséchée, se trouvent d'énormes réserves d'eau douce que
mon collègue Farouk Ben Ammar étaye ici. Lorsque vous parcourez les oasis de Tozeur, il est difficile de ne pas se croire dans un Eden. Dans ses bosquets soignés, où des milliers de palmiers se dressent, élancés, protégeant des jardins de fruits et de légumes du soleil, et défiant un climat aride pour un plein air ahurissant.
Les réponses, les mêmes, sont venues de l'Ambassadeur du Canada, Mme. Carol McQueen, qui s'est déplacée pour déjeuner avec nous, Au Bon Vieux Temps, ce restaurant-manoir privé de Sidi Bou Saïd, ville de blanc chaux et de bleu chic, dans la banlieue nord de Tunis. Son Excellence me mentionnât que depuis sa prise de fonction en décembre 2015, comme 19e ambassadeur du Canada et première femme Canadienne à occuper ce poste, elle visitait ce haut lieu de la gastronomie tunisoise pour la première fois. Elle pris le temps de s'adresser à chacun des membres du groupe, en s'adressant aux membres chinois en anglais et aux membres québécois et canadiens en français. Le bilinguisme est une affaire officielle au Canada.
Je m'enquérais sur sa perception des efforts de la Tunisie en matière de tourisme: "
Les touristes commencent à revenir surtout après les attentats du Bardo et de Sousse" estimant que le tourisme balnéaire de nos marchés "
traditionnels comme la France, l'Allemagne, l'Italie, ou l'Angleterre ne touchent pas le sud comme Tozeur. Pour cela, il faut développer des circuits plus sophistiqués dans les oasis et le Sahara. Je pense que ce serait bon pour le marché Canadien car nos touristiques ne veulent pas toujours aller dans un Hôtel de plage. Certains (touristes) oui, mais ils veulent avoir l'opportunité de voir des endroits authentiques" de la Colline Saint-Louis, point culminant de Carthage-Byrsa, l'antique citadelle punique, aux palmeraies-oasis de Tamerza.
En Europe, la Tunisie peut être principalement connue comme une destination de plage bon marché pour les touristes forfaitaires. Au Canada, l'idée est de faire découvrir la Tunisie à plus de Canadiens, en dépassant ce produit classique, avec une formule circuit, pour faire comprendre que c'est une destination plein air à visiter entre déserts, sites archéologiques, et médinas mais aussi une culture de la convivialité à expérimenter.
Concrètement,
"il y a eu 1,396 entrées de touristes canadiens du 1er janvier au 10 Mars 2017 soit une progression +55, 3% par rapport à 2016, et 11,4% par rapport à 2014. Les prémisses sont bonnes pour l'année à venir" renchérissait Issam Kheireddine de l'ONTT, non sans fierté du devoir accompli avec ses partenaires privés pour la réussite de ce voyage sino-canadien, où j'ai eu le loisir de balbutier le mandarin avec mes nouveaux amis chinois.
Le tourisme tunisien reste certes une bataille de ouï-dire-ouï-vivre à remporter, groupe après groupe, contre les préjugés sensationnalistes des étrangers qui visiteraient un pays où l'accueil est fantastique, où on y parle français et langues étrangères, où on y est escorté pour sa sécurité, où on y visite des lieux d'histoire surprenants, où on y voyage sur une géographie restreinte contrairement au vaste Canada et où on y réside moyennant un séjour hospitalité-prix alléchant.
Ces avantages se traduisent par les chiffres mentionnés ci-haut, où le marché Canadien, seul marché des touristes provenant des pays occidentaux (y compris France, Italie, Allemagne et Angleterre) actuellement à consolider une progression positive par rapport à 2014, ne restera pas longtemps l'unique chef de file en Tunisie tant le secteur a amorcé une reprise.
Au delà du tourisme balnéaire d'Hammamet, et du tourisme plein-air dans le Sud, le tourisme du bien-être thérapeutique est un aussi un attrait pour la clientèle canadienne. Ce potentiel trouve toute sa force dans la thalassothérapie de la région du Sahel, précisément à Sousse. Là encore, les réponses me sont venues de mon expérience revitalisante, qui a débuté par un enveloppement aux algues marines détoxifiantes, s'est poursuivie par un bain revigorant à base de sel de la mer Méditerranée et de jus de raisin afin de se conclure par un massage suédois. Rencontré dans un décor Andalou, à la fin de mon parcours après l'élimination de mes toxines, Dr. Anis Sellem, directeur du centre Thalasso & Spa du Royal Kenz, m'expliquait que sur "
plus de 200 centres de Thalasso dans le monde, la Tunisie est le leader mondial avec environ 60 centres. Nos équipes sont des mieux formées dans ces soins au monde", (dois-je ajouter) avec un savoir faire inégalé et à des prix défiant toute opulence.
La thalassothérapie, contrairement aux spas très répandus au Canada pour ses hivers rigoureux, est une cure qui permet de prendre soin de son corps et de son esprit grâce aux vertus de l'eau de mer. Les centres de thalassothérapie sont donc situés proche de la mer pour que les curistes profitent au maximum des bienfaits de l'environnement marin. Mes amis canadiens et moi même étions époustouflés de voir comment la thalasso rehaussait cette expérience de santé-détente totale. Ce leadership tunisien du bien-être préventif, curatif et thérapeutique s'exporte jusqu'en Chine. En effet, Dr. Sellem, m'annonçait non sans fierté patriotique, qu'il supervisera en ambassadeur de la Tunisie, et pendant trois mois, les travaux du premier centre de Thalasso & Spa dans l'empire du Milieu cette année. Bravo!
Dans cette même Sousse, si enchantée en cet après-midi d'hiver de février comme si l'été n'y était pas qu'en juillet, bruissait de joie et de vie des gamins du Ribat. Et là, me promenant dans la vieille ville, j'aperçu, tout d'un coup, ma collègue Hélène Clément (
voir son papier sur les bienfaits de la thalassothérapie au journal Le Devoir), déambulant toute seule en toute quiétude parmi les marchands de céramique. Je la croyais s'être égarée du groupe: "Non" me répondit-elle avec un sourire radieux, "
C'est fou, plus j'y vais et plus j'aime ce petit pays du Maghreb qui travaille fort à remettre sur pied son tourisme grippé depuis quelques années. C'est à travers les yeux de tous ces Tunisiens, qui n'ont jamais baissé les bras pour promouvoir leur pays que j'apprends à l'aimer. J'en viens même à ne plus faire attention aux déchets dans le paysage. Un magnifique paysage d'ailleurs. Je voyage pour visiter des musées, me promener en montagne ou dans le désert, découvrir de jolies villes, des monuments mais aussi pour comprendre le pays visité, pour le meilleur et pour le pire. Oui, la Tunisie passe un moment difficile - il faut apprendre à vivre dans une démocratie, mais si le pays vit une sorte de crise, il n'est pas en guerre. J'y vais toujours avec plaisir. J'adore me promener dans les médinas, même si parfois les commerçants sont un peu insistants. J'ai compris que durant la prière de l'après-midi, beaucoup des petits magasins ferment dans la médina de Sousse. Mais en une heure maximum, les marchands d'épices, de fruits et de légumes et d'art, reprennent leur place et la vie continue. Je n'ai pas peur de m'y promener seule surtout si je sais que j'y ferai des emplettes. Et que j'ai du temps devant moi. Et c'est intéressant de constater que les grands principes du développement durable y sont présents. Entre autres une économie d'énergie par la limitation des automobiles et la densité du bâtiment. Des systèmes de solidarité aussi. Et du recyclage. Voilà pourquoi j'aime la Tunisie". L'émotion de rencontrer mon pays dans le ressenti d'Hélène m'enorgueillit. Hélène vivait sa Tunisie.
Le lendemain, sur la route de Sousse à Tunis, vers l'aéroport, adoucis par la nature du pays et l'hospitalité du peuple, nous avions tous la mélancolie silencieuse que seules les terres agricoles, les oliveraies et les vignobles de ce trajet de l'au revoir rendaient tristes-gais. Certains Arabes l'appelaient "la Terre Verte", le nom remontant à l'époque où les occupants de Carthage en firent le grenier de Rome.
Je ne pus m'empêcher de penser, un long moment, que celle que j'ai cherché s'était installée en nous: phénicienne, carthaginoise, punique, romaine, chrétienne, vandale, byzantine, musulmane et arabe, comme dans un rêve. Le blé, les olives, les dattes, la laine et le vin coulaient dorénavant au nord de nos désirs et au sud de nos souvenirs comme dans un rêve.
"C'était comme dans un rêve" répétait Nicole. "C'était comme dans un rêve."
Oui, Nicole. "C'était comme dans un rêve."
Tunisie, tu m'inspires.
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Compositions Photographiques
Direction artistique: Mohamed Chebbi + Khalil Akremi
Retouche d'images: Mehdi Ben Mahmoud
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