Au lendemain de l'intronisation de Youssef Chahed, grands étaient les espoirs d'une partie de la société tunisienne.
Espoir ne veut pas dire illusions, et si une très large majorité de la population sait pertinemment que Chahed ne dispose pas de poudre de perlimpinpin pour faire croire qu'on peut transformer toutes les tares accumulées par des années de mauvaise gestion en réussites flamboyantes, une lueur d'espoir, celle de l'avènement d'une ère nouvelle, s'est allumée.
Une jeunesse trop longtemps dénigrée, stigmatisée, oppressée et souvent négligée s'est mise à espérer voir sa voix raisonner dans les couloirs de la Kasbah. Toute une frange de la société qui glissait lentement mais surement vers un cynisme politique s'est surprise à tendre l'oreille vers une voix et un ton qui sonne différemment.
Une équipe gouvernementale et un cabinet jeune s'est mis en place, avec le désir d'incarner le renouveau après de longs et ennuyeux mois d'une gestion archaïque et administrative des affaires du pays par un gouvernement portant le tampon de la bureaucratie comme le dévot porte la marque du tapis de prière sur son front.
Les discours tranchants en dialecte tunisien du nouveau chef de file, ont marqué une rupture assumée et voulue avec son prédécesseur tant au niveau du contenu que de la méthode. Les convictions progressistes avouées du nouveau locataire de la Kasbah, ont également contribué à renfoncer l'espoir de voir les lignes bouger et les éternelles réformes sociales et économiques se concrétiser.
Son baptême du feu face à l'ARP, même si limité à un discours faisant un constat lucide de la situation tremblante du pays sans pour autant présenter d'actions concrète devait être l'avènement de ce renouveau.
A l'aube d'une phase éminemment politique du calendrier gouvernemental, à la veille de discussions centrales sur ce qui sera sans aucun doute la Loi de Finance et le budget de l'État le plus important de la dernière décennie, au cœur des préparatifs autour de la conférence de l'année sur l'investissement étranger dans le pays, que reste il du renouveau annoncé? Qu'en est-il de l'espoir secrètement gardé de voir enfin une politique 2.0 émerger?
A en juger des dispositions et des prétendues réformes présentées, seuls quelques fin filaments lumineux traversent encore l'épais nuage noir de doute qui recouvre la nation.
Il est certes bien aisé de se positionner en outsider pour juger en quelques semaines l'action d'un gouvernement encore fraichement vêtis de ses fonctions, mais c'est sur la vision que nous attendions une réponse qui n'est pas encore arrivée.
Aucun citoyen censé ne peut espérer de résultats concrets en l'espace de 60 jours, mais tout un peuple, pour qu'il puisse adhérer à une politique gouvernementale, surtout si elle est douloureuse, doit d'abord partager la vision qui lui est présentée. Or, malgré quelques dispositions relatives à l'environnement, les premières propositions de l'exécutif n'offrent pas l'électrochoc espéré, notamment au niveau du cœur du problème: l'axe socio-économique.
Les dispositions de la nouvelle loi de finances sont dans leur philosophie les mêmes que celles du passé. On continue à prendre le chemin de la facilité, et à ponctionner les salariés et les entreprises déjà dans le cercle de l'impôt.
La volonté de casser une économie parallèle dont le manque à gagner pour l'État est faramineux, n'est que très peu visible. On présente la réduction du chômage comme la bataille centrale du programme, puis on propose une taxe supplémentaire sur les entreprises, sapant une compétitivité déjà fragile.
Sans nous épancher à commenter des dispositions barbantes d'une Loi de Finance qui endort déjà les masses, c'est au niveau de la vision que nous attendions du changement. C'est à partir de la vision de son modèle économique et social que le premier ministre aurait du commencer.
Au delà des réformes techniques à engager, comment doit se transformer notre économie pour renouer avec une croissance juste? Comment doit évoluer notre corpus de loi, pour que cessent les injustices et pour couper l'herbe au pied des rétrogrades? Quelle est la politique qui fera naitre un sentiment d'égalité et donnera l'envie aux citoyens d'entreprendre, de créer? Quels sont les contours de ce modèle?
Une fois cette vision exposée, dans un discours non pas technique, mais de convictions et d'engagement, ce sont des actions chocs, rapides qui auraient entériné le changement d'ère.
Mario Monti, technocrate au passé de banquier s'est vu confié la tête de l'Italie au milieu de la tourmente économique. Sa vision était claire, combattre l'évasion fiscale pour que l'État puisse récupérer les fonds nécessaire au service de sa dette. Le lendemain, les paiements en liquide supérieurs à mille euros ont été interdits et la police contrôlait les accès des lieux prisés de la jet-set pour relever les plaques d'immatriculation des voitures de luxe pour les comparer aux déclarations fiscales de leurs propriétaires. La vision était claire, les dispositions immédiates.
Arrivé à la tête du Canada l'année dernière Justin Trudeau a basé sa campagne sur un modèle sociale bien défini et un programme qualifié de "positif": en finir avec l'austérité pour renouer avec la croissance à travers de grands projets d'État et une redistribution aux ménages, pour faire du Canada un pays plus égalitaire et plus juste. Un an plus tard, sa cote de popularité est supérieure à 65% et la majorité des réformes promises ont été entreprises.
Quels que soient les maux d'un pays, seule une véritable vision de ce que doit être son modèle peut faire naitre un espoir. Ce ne sont pas des pourcentages ou des chiffres qui réveillent les énergies, mais des mots courageux qui habillent une véritable conviction.
Youssef Chahed est face à une opportunité unique pour changer la marche du pays, et il a entre les mains des atouts que très peu avant lui ont eu. À lui de rectifier le tir, et d'avoir le courage d'exposer et d'engager la nation autour de sa vision de la Tunisie du futur avant qu'elle ne sombre dans un débat autour de la taxe sur les piscines...
Espoir ne veut pas dire illusions, et si une très large majorité de la population sait pertinemment que Chahed ne dispose pas de poudre de perlimpinpin pour faire croire qu'on peut transformer toutes les tares accumulées par des années de mauvaise gestion en réussites flamboyantes, une lueur d'espoir, celle de l'avènement d'une ère nouvelle, s'est allumée.
Une jeunesse trop longtemps dénigrée, stigmatisée, oppressée et souvent négligée s'est mise à espérer voir sa voix raisonner dans les couloirs de la Kasbah. Toute une frange de la société qui glissait lentement mais surement vers un cynisme politique s'est surprise à tendre l'oreille vers une voix et un ton qui sonne différemment.
Une équipe gouvernementale et un cabinet jeune s'est mis en place, avec le désir d'incarner le renouveau après de longs et ennuyeux mois d'une gestion archaïque et administrative des affaires du pays par un gouvernement portant le tampon de la bureaucratie comme le dévot porte la marque du tapis de prière sur son front.
Les discours tranchants en dialecte tunisien du nouveau chef de file, ont marqué une rupture assumée et voulue avec son prédécesseur tant au niveau du contenu que de la méthode. Les convictions progressistes avouées du nouveau locataire de la Kasbah, ont également contribué à renfoncer l'espoir de voir les lignes bouger et les éternelles réformes sociales et économiques se concrétiser.
Son baptême du feu face à l'ARP, même si limité à un discours faisant un constat lucide de la situation tremblante du pays sans pour autant présenter d'actions concrète devait être l'avènement de ce renouveau.
A l'aube d'une phase éminemment politique du calendrier gouvernemental, à la veille de discussions centrales sur ce qui sera sans aucun doute la Loi de Finance et le budget de l'État le plus important de la dernière décennie, au cœur des préparatifs autour de la conférence de l'année sur l'investissement étranger dans le pays, que reste il du renouveau annoncé? Qu'en est-il de l'espoir secrètement gardé de voir enfin une politique 2.0 émerger?
A en juger des dispositions et des prétendues réformes présentées, seuls quelques fin filaments lumineux traversent encore l'épais nuage noir de doute qui recouvre la nation.
Il est certes bien aisé de se positionner en outsider pour juger en quelques semaines l'action d'un gouvernement encore fraichement vêtis de ses fonctions, mais c'est sur la vision que nous attendions une réponse qui n'est pas encore arrivée.
Aucun citoyen censé ne peut espérer de résultats concrets en l'espace de 60 jours, mais tout un peuple, pour qu'il puisse adhérer à une politique gouvernementale, surtout si elle est douloureuse, doit d'abord partager la vision qui lui est présentée. Or, malgré quelques dispositions relatives à l'environnement, les premières propositions de l'exécutif n'offrent pas l'électrochoc espéré, notamment au niveau du cœur du problème: l'axe socio-économique.
Les dispositions de la nouvelle loi de finances sont dans leur philosophie les mêmes que celles du passé. On continue à prendre le chemin de la facilité, et à ponctionner les salariés et les entreprises déjà dans le cercle de l'impôt.
La volonté de casser une économie parallèle dont le manque à gagner pour l'État est faramineux, n'est que très peu visible. On présente la réduction du chômage comme la bataille centrale du programme, puis on propose une taxe supplémentaire sur les entreprises, sapant une compétitivité déjà fragile.
Sans nous épancher à commenter des dispositions barbantes d'une Loi de Finance qui endort déjà les masses, c'est au niveau de la vision que nous attendions du changement. C'est à partir de la vision de son modèle économique et social que le premier ministre aurait du commencer.
Au delà des réformes techniques à engager, comment doit se transformer notre économie pour renouer avec une croissance juste? Comment doit évoluer notre corpus de loi, pour que cessent les injustices et pour couper l'herbe au pied des rétrogrades? Quelle est la politique qui fera naitre un sentiment d'égalité et donnera l'envie aux citoyens d'entreprendre, de créer? Quels sont les contours de ce modèle?
Une fois cette vision exposée, dans un discours non pas technique, mais de convictions et d'engagement, ce sont des actions chocs, rapides qui auraient entériné le changement d'ère.
Mario Monti, technocrate au passé de banquier s'est vu confié la tête de l'Italie au milieu de la tourmente économique. Sa vision était claire, combattre l'évasion fiscale pour que l'État puisse récupérer les fonds nécessaire au service de sa dette. Le lendemain, les paiements en liquide supérieurs à mille euros ont été interdits et la police contrôlait les accès des lieux prisés de la jet-set pour relever les plaques d'immatriculation des voitures de luxe pour les comparer aux déclarations fiscales de leurs propriétaires. La vision était claire, les dispositions immédiates.
Arrivé à la tête du Canada l'année dernière Justin Trudeau a basé sa campagne sur un modèle sociale bien défini et un programme qualifié de "positif": en finir avec l'austérité pour renouer avec la croissance à travers de grands projets d'État et une redistribution aux ménages, pour faire du Canada un pays plus égalitaire et plus juste. Un an plus tard, sa cote de popularité est supérieure à 65% et la majorité des réformes promises ont été entreprises.
Quels que soient les maux d'un pays, seule une véritable vision de ce que doit être son modèle peut faire naitre un espoir. Ce ne sont pas des pourcentages ou des chiffres qui réveillent les énergies, mais des mots courageux qui habillent une véritable conviction.
Youssef Chahed est face à une opportunité unique pour changer la marche du pays, et il a entre les mains des atouts que très peu avant lui ont eu. À lui de rectifier le tir, et d'avoir le courage d'exposer et d'engager la nation autour de sa vision de la Tunisie du futur avant qu'elle ne sombre dans un débat autour de la taxe sur les piscines...
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