Bruxelles, quelques semaines après les événements du Bataclan, un homme raconte l'histoire d'un événement important.
La jeune femme mit le dictaphone en marche et observa silencieusement la personne en face d'elle. L'homme prit la parole après plusieurs minutes de silence, il dit alors: "Nous nous sommes réunis, afin d'apporter un renouveau dans cette société. Nous n'avions pas le choix, nous nous devions de penser à l'avenir de nos enfants, car le futur avait un visage obscur, saignant, et nuageux."
Qui étions-nous? Nous étions de simples citoyens, des personnes qui en avaient assez de suivre l'actualité et de subir des décisions politiques qui ne correspondaient pas aux priorités que nous attendions. Oui, il n'était plus possible de continuer de la sorte, au sein même de notre foyer, il n'y avait plus de sécurité. A l'intérieur de notre esprit, il y avait du stress, de l'angoisse, de la frustration et même de la peur. Mais tout cela ne résolvait pas les problèmes de notre quotidien, celui de l'absence d'emplois ou de terminer difficilement la fin de chaque mois.
La vie était de plus en plus chère et si ce n'était pas le chômage que l'on nous refusait, il s'agissait alors des réponses négatives à nos candidatures que l'on recevait. Aussi, comment garantir un avenir et un bien être pour nous et pour nos familles, si nous n'avons pas les moyens de subvenir à leur besoin? Comment s'investir dans notre pays, si personne ne souhaite nous tendre la main?
Les échanges pour agir concrètement à des changements dans notre société ont commencé sur les réseaux sociaux et croyez-moi, nous étions tellement nombreux à subir cette vie précaire.
Isolés, nous nous sentions si mal, si abandonnés, mais ensemble, nous nous sommes rendus compte que le problème ne venait pas forcément du bas, mais de là-haut. Nous n'étions au départ que des personnes anonymes, qui partageaient les difficultés au sein de la réalité Bruxelloise et Wallonne. Mais c'est lors des attentats à Paris et les décisions qui se sont prises les jours qui suivaient ce malheureux événement, que nous nous sommes décidés à faire quelque chose de concret: construire notre société idéale. Oui, il n'était plus possible d'accepter ce qui était entrain de se passer.
Qui étions-nous? Nous étions de simples citoyens. Des belges d'origines différentes. Nous étions surtout des personnes qui n'avaient plus rien à perdre, et qui souhaitaient établir des alternatives.
Nous avions donc décidé de nous réunir afin d'établir une liste des éléments à réaliser au plus vite. Les principaux points étaient les suivants:
1. Les ONG qui défendent les droits de l'Homme, des animaux et de la flore seront dorénavant les politiciens de demain. Les difficultés de cohésion sociale, d'inégalité sociale, de discrimination, de l'absence d'emplois pour les jeunes seront réglées grâce à ceux qui connaissent ces réalités et qui les défendent au quotidien. Aussi, les politiciens seront tous invités à rentrer chez eux et à chercher un autre emploi car ils ont très clairement échoué.
2. Pour garantir la sécurité chez nous, il va falloir comprendre que nous ne pouvons pas alimenter les crises et la guerre dans d'autres pays. Pour se faire, les interventions étrangères vont devoir cesser mais aussi la vente d'armes et leur fabrication limitée, au sein des entreprises wallonnes notamment. Aussi, la sécurité ne pourra jamais limiter les libertés individuelles et collectives. Jamais.
3. Pour éviter une augmentation de la précarité et du chômage, le nouveau gouvernement s'engage à créer des emplois ainsi que d'aider dans une situation d'urgence, les personnes dans le besoin et à la rue. Le budget à ce propos va devoir augmenter, nous pensons commencer par les 400 millions d'euros qui seront retirés de l'enveloppe de la sécurité. La priorité: l'emploi!
4. Le peuple sera à chaque fois entendu par notre biais et par la présence de chercheurs sur le terrain qui développeront des études sur la société et sur ce qui pose problème. De cette manière, personne ne se sentira exclu ou pas entendu.
Durant cette réunion, nous avions quelques désaccords sur d'autres points à mettre en avant mais, sur ces quatre éléments, nous étions unanimes. La question était de savoir: comment arriver à réaliser cela sans pour autant utiliser la violence? En effet, actuellement, les forces de l'ordre sont déjà dans les rues de Bruxelles, il serait impossible d'arriver à réaliser un changement sans avoir une confrontation avec eux. Comment allions-nous réaliser ce projet?
Les réseaux sociaux. C'était le moyen le plus certains pour rallier à notre cause la majorité de la population belge. Nous étions au courant que plusieurs étaient encore dévoués à ce système et à ces sbires qui le géraient, mais nous savions également que la précarité des humains, poussent beaucoup d'entre eux à essayer des alternatives. Pourquoi? Parce qu'il n'y avait pas d'autres choix que d'essayer ce que l'on proposait de nouveau et surtout parce que ceux en place n'arrivaient pas à résoudre les problèmes. Les directeurs des différentes associations pour les droits de l'Homme, des animaux et de la flore étaient déjà avec nous, certains syndicalistes aussi, les fermiers et les agricultures étaient évidemment partant, des personnes travaillant dans l'administration, des professeurs et d'autres groupes de professionnels qui ne se sentaient pas considérés, nous on rejoint pour changer radicalement ce que nous subissions depuis bien trop longtemps. Oui, nous comptions être radicaux à ce sujet.
Nous avions également pu observer que les régions du pays qui étaient intéressées par notre message se situaient beaucoup plus sur Bruxelles et en Wallonie. Était-ce le problème de la langue qui limita l'implication des flamands à notre cause? Ou vivaient-ils dans de meilleures conditions que nous? Peu importait, s'il fallait diviser le pays, nous étions prêt à tout pour réaliser notre société avec nos propres règles.
En quelques semaines, notre page Facebook comptait plus de 5 millions d'adhérents, et après plusieurs mois de recherches afin de créer notre propre Etat, nous en sommes même arrivés à collaborer avec certaines personnes de la gendarmerie. Nous leur avions aussi promis le maintien de leur place et même l'augmentation de leur salaire et de leur position afin qu'ils nous soutiennent en temps voulu. Certains parmi eux voulaient également du changement, et d'autres se limitaient à nous informer qu'ils ne nous attaqueraient pas. Mais tous dans ces policiers n'étaient pas au courant de ce que nous souhaitions réaliser, il fallait donc s'attendre à ce que nous subissions quelques formes de violences, comme ce fut le cas lors des printemps arabes, là-bas, dans ces pays lointain.
Les préparatifs ont duré plusieurs mois, en réalité, presqu'une année. Nous voulions être certains que dans chaque ville en Wallonie, et dans chaque commune à Bruxelles, il y aurait une partie considérable d'habitants qui nous soutiendraient. Ainsi, nous avions envoyé sur place des personnes qui étaient à la base de la création de ce mouvement, de cette manière, il n'était pas possible que ces derniers puissent changer d'avis en dernière minute. Nous étions conscients que toutes les villes et toutes les communes n'étaient pas en notre faveur, à vrai dire, il s'agissait beaucoup plus de plusieurs endroits à l'intérieur des villes défavorisés ou des quartiers pauvres au sein des communes bruxelloises que nos membres étaient les plus importants. Notre avantage? Nous n'avions rien à perdre. Nous étions disposés à tout sacrifier afin de ne plus vivre dans une situation aussi inacceptable, nous voulions récupérer une vie digne, une dignité, notre dignité! Quelle utopie...
Le programme était simple: envoyer à la presse une invitation afin qu'ils puissent couvrir les évènements sur toutes les grandes places des villes et communes en question, mais surtout, de faire passer à la télévision le discours principal qui aura lieu sur la place de Molenbeek. Cette commune ayant vu après les attentats en France la présence de beaucoup de journalistes étrangers, il s'agissait d'une occasion en or pour se faire entendre dans le monde entier.
Nous étions disposés à discuter avant tout, afin que ces politiciens se retirent du gouvernement et nous laissent la place, plus particulièrement à nos défenseurs des droits de l'Homme, des animaux et de la flore. Mais nous n'avions pas en tête de faire marche arrière, cela était impossible, le changement ne pouvait plus se reporter et nous ne pouvions plus accepter des promesses de ces derniers.
Nous n'avions pas dormi cette nuit-la, nous étions trop occupé à nous préparer au pire. Nous avions également préparé des armes, au cas où des altercations devaient avoir lieu. Les agriculteurs étaient disposés à nous prêter leurs tracteurs qu'ils avaient déjà utilisés lors de fameuses manifestations à Bruxelles. Certains employés wallons avaient également su se procurer dans l'usine où ils travaillaient des armes à feu et des pistolets, "made in Belgium". D'autres se disaient n'avoir besoin que d'une batte de baseball ou des pierres à lancer sur les autorités.
Nous étions cependant, tous d'accord: cette violence ne pouvait pas être le premier moyen à utiliser. La première partie du discours avait été écrite par une jeune molenbeekoise, une belge d'origine marocaine, qui aimait écrire, qui s'impliquait dans la société et qui souhaitait également du changement.
Nous n'avions aucun problème à ce que les musulmans nous rejoignent dans cette cause, et avec ce qui se transmettait dans certains médias à leur sujet, il était certain qu'ils se sentaient en danger, montrés du doigt, et surtout vu comme des barbares.
Plus nous étions nombreux et plus nous avions de chance de réussir notre combat. Cette femme est donc venue nous voir et elle nous a expliqué qu'elle en avait assez que l'on pense pour elle, et surtout que l'on condamne sa foi et l'expression religieuse qu'elle s'était appropriée. Elle portait le foulard et en avait assez de se faire stigmatiser à propos de ce "fichu bout de tissu". Elle nous a alors soumis un texte, qui nous avait fort touchés. Ces femmes voilées savaient finalement penser par elles-mêmes. Nous avions alors décidé, de lui laisser la parole, puis, nous expliquerions notre projet aux citoyens et aux politiciens, et tout cela, sera évidemment filmé et retransmis par les médias du monde.
Le jour venu, et comme prévu, tout était en place: des milliers de personnes étaient dans les rues.
Pour ma part, j'étais à Molenbeek et comme promis, c'est sur un podium placé par un groupe de jazz, des amis qui avaient pour habitude de donner des concerts en plein air, qui se proposèrent de se charger des préparatifs afin de communiquer pour le mieux. La jeune femme prit alors la parole, l'idée était d'attirer d'autres personnes qui n'étaient pas forcément au courant de notre mouvement.
Elle dit alors: "Aux politiques, un sourire, j'ai esquissé, les écoutant sur leur bouche formuler. Ils sont tellement décalés, décalés par rapport à nos réalités. Ils ciblent des situations et les remettent en question. Puis, ils attendent de nous du changement, qu'on accepte et maintenant... Laissez-moi expliquer ce qu'il y a en bas, car de là-haut, vous ne voyez pas. Je suis plusieurs choses, l'Histoire du monde en est la cause. Je suis l'accent bruxellois, portant un foulard à petit pois. Je suis la blanche neige, avec du sang du désert beige. Ma présence n'est pas une interrogation, faut faire avec c'est ça la leçon... Venez me questionner sur mon humanité, vous en verrez beaucoup plus que sur vos débats télé! Cessez d'étouffer cette diversité, l'Afrique, l'Asie, c'est devenue Bruxellois vous savez. Pakistanais par ici, Vietnamien par là, Guinéen par ici, Marocain par là. Ils sont tous belges, mais d'origine pas belge. N'ayez pas peur, car sous les vêtements et les couleurs, il y a un grand cœur, qui brisera même votre froideur. Enfin, ne crachez plus sur nos identités, pas même sur notre religiosité, car nous en avons vraiment assez! Chers citoyens, tout est encore possible, nous, le peuple, nous ne connaissons pas l'impossible."
Il y eu des applaudissements, mais aussi de l'incompréhension. En effet, les gens se demandaient pourquoi tant de regroupement autour de nous, et surtout quel était l'objet de ce rassemblement.
C'était à ce moment-là qu'il fallait agir, car le peuple est alors en demande d'informations. J'ai donc pris la parole et je leur ai dis des paroles qui venaient du fond du cœur: "Chers tous! Merci d'être présent aujourd'hui! Messieurs et Mesdames les passants, rejoignez-nous! Nous sommes un mouvement de citoyens provenant de différents quartiers et communes et nous nous sommes décidés à changer le visage triste de notre pays. Pas l'entièreté de la Belgique, mais surtout, une partie de son territoire laissé pour compte. Oui, je parle de la Wallonie et de Bruxelles, car en Flandre, tout va bien, en tout cas, nettement mieux qu'ici. Nous avons décidé de prendre les choses en main puisque nos politiciens n'ont pas réussi à créer de l'emploi pour les jeunes, à permettre à tout un chacun vivant dans la précarité d'avoir accès à des allocations, à dénoncer les discriminations faites aux citoyens belges, et pire que cela, à nous éloigner de la menace terroriste. Non, ce qu'ils ont décidé de faire, c'est d'alimenter encore plus les problèmes dans le monde, en vendant encore plus d'armes à ces dictatures, et en s'étonnant que ces mêmes armes nous reviennent en pleine figure et aux mains de citoyens européens!
La situation est claire: ils ne savent pas gérer ce pays, ils ne prennent pas en compte ce que des associations internationales évoquent sans cessent dans leurs recherches à propos des malheurs de ce monde, alors nous avons décidé de donner le pouvoir aux humanitaires. Les personnes présentes ici, mais aussi partout dans les villes wallonnes, sont conscientes de ces réalités et de ces problèmes. Ces derniers sont les plus à même à apporter du changement concret pour nous, le peuple, qui subissons les lois et décisions de politiques que nous rencontrons que durant les élections ou par le biais des médias! Nous voulons des personnes du peuple, qui travaillent pour le peuple, et qui connaissent nos difficultés. Qui répond au mieux à ces critères, que les associations humanitaires?"
Des centaines de personnes ont applaudi ce discours, et plus ils applaudissaient, plus l'arrivée des forces de l'ordre apparaissait. Les tensions étaient clairement présentes. Très vite, des barrages ont été formés entre nous et les policiers. Et nous étions informés par SMS que partout où il y avait eu mobilisation, une grosse partie des villes étaient encerclées.
Nous nous attendions à cela, et nous nous sommes préparés à ce scénario. Rapidement, nos constructeurs sont arrivés avec leur matériel, de la brique et de l'argile. Nous allions construire un mur entre eux et nous. Nous n'étions pas des démolisseurs mais des constructeurs. Les policiers n'osaient pas franchir la frontière qu'ils avaient créée, et nous tous, sommes partis aidés à construire ce mur.
Dorénavant, il existera un "eux" et un "nous", l'unité de la Belgique n'est plus, elle ne l'a jamais été en vrai, alors nous étions prêts à accomplir ce que ces politiciens n'avaient jamais osé réaliser.
Les murs prenaient de plus en plus forme, à Liège, à Charleroi, à Namur ou encore à Bruxelles.
Nous savions également que certains qui nous suivaient sur les réseaux sociaux n'étaient pas venus au rassemblement, nous nous sommes mis à poster ces photos en directs et à les inviter à nouveau à notre rassemblement et à notre nouvelle nation. Nous n'avions tué personne, et c'était notre plus grande fierté, les leaders humanitaires ne cessaient guère de le souligner aux médias encore présents.
Notre communiqué de presse était déjà écrit depuis bien longtemps, et il fut très vite diffusé par les journalistes. La presse était notre meilleure alliée, elle nous faisait connaître partout dans le monde, au sein des chaumières isolées ainsi qu'à toutes les personnes branchées à leur téléphone, et ce, grâce aux informations transmises à la télévision et sur internet.
Les personnes sur place étaient de plus en plus nombreuses, puis, nous nous sommes accaparés les locaux des différentes communes, et je suis devenu maire de la ville de Molenbeek, tout comme mes autres camarades révolutionnaires dans les autres communes et villes.
Nous souhaitions un système simple afin que le peuple puisse tout comprendre de ce que nous comptions faire, et afin qu'il y ait transparence dans notre travail. Aussi, nous nous sommes décidés à choisir pas un président, mais deux co-présidents. C'était la meilleure solution d'après nous: comment un seul homme pouvait décider pour tout un peuple?
L'un provenait de l'humanitaire afin qu'il éveille chez l'autre qui venait du monde économiste, les réalités à laquelle nous étions, autrefois tous condamnés.
Il fallait une harmonie, une complémentarité entre les gouvernants, mais aussi, la compréhension totale, de ce que vivaient les gouvernés. Et tout cela fut évoqué dans notre communiqué.
Bien sûr, il aurait fallu attendre plusieurs mois avant que notre travail montre ses fruits, mais nous a-t-on laissé le faire? Une grande majorité de la population était de notre coté, nous pouvions le prouver grâce à leur présence sur ces différentes grandes places, nous pouvions le démontrer dans la manière dont nous nous sommes si facilement accaparés les communes, et sans violence.
Puis, la suite, vous la connaissez.
- "Continuez, je vous prie, nous voulons avoir votre version complète de cet évènement par l'un de ses leaders encore en vie."
La suite n'est que cauchemar, il n'aura fallut que quelques heures pour que des chars militaires et des soldats détruisent nos murs, tirent sur les civils qui étaient présents pour contester la destruction des murs dans toutes les villes, mais aussi l'arrestation en masse des leaders de ce mouvement qui aspiraient à de la justice et qu'ils nommaient dorénavant "terroristes". Nous, nous n'étions pas des terroristes, nous voulions du changement et sans tuer personne, ni blesser qui que ce soit. Nous étions désespérés, nous ne pouvions plus supporter de vivre sans un minimum. Nous étions à la recherche d'une dignité.
- "Et votre détention ici, au sein de la nouvelle prison d'Haren, comment s'est-elle passée? "
Les véritables criminels sont en liberté, portant des beaux costumes bien chers, quant à ceux qui ont voulu changer en mieux notre pays, ils ont vu leur liberté s'en aller au nom de la sécurité nationale. Pour la sécurité du peuple belge, nous n'avions plus aucun droit. Connaissez-vous la torture Madame? Avez-vous déjà connue ses souffrances ou l'avez-vous seulement entendu comme un mot évoquant ce qui se passe dans des pays lointain? Oui, ne vous inquiétez pas si mon corps en tremble et si des larmes coulent sur mon visage, c'est parce que la torture laisse des traces physiques et psychologiques.
- "Vous dites que l'on vous a fait subir de la torture? Monsieur? Vous m'entendez?"
Je n'arrive pas à oublier, ce moment en particulier: Ils sont entrés à plusieurs, m'ont retiré ces quelques vêtements que je portais, j'étais entièrement nu, devant des hommes qui me tenaient violemment pendant que d'autres préparaient certains matériaux. Ils venaient dit-on du Maroc, car la France et la Belgique avaient demandé une collaboration avec le gouvernement marocain à propos du terrorisme. Je n'avais pas beaucoup de force en moi, j'ai essayé de me débattre, de garder mes vêtements sur moi, mais la violence physique venait de tous les cotés, je ne pouvais pas me défendre, j'étais seul et isolé. Je ne contrôlais rien de ce qui était entrain de se passer. Je dois rêver, ce n'est pas possible autrement, réveilles-toi, maintenant, car ce sont tes jambes qu'ils sont entrain d'écarter, c'est ton œil droit qui est occupé à saigner, réveilles-toi, je t'en prie, cela me fais souffrir. Mais que me font-ils? Est-ce mes parties intimes qu'ils visent avec cette machine électrique? Non, laissez-moi! J'utilise mes dernières forces pour me retirer de cette place, mais ils sont plusieurs à me retenir. Je m'évanouis. Je ne me suis pas réveillé, je me suis évanoui lorsqu'ils attachèrent et allumèrent à mes testicules ces prises électriques. Je ne rêve pas, il se passe réellement tout cela!
Mon corps, mon pauvre corps, savent-ils au moins ce qu'ils sont entrain de faire? N'ont-ils pas la même chair que moi? Ne sommes-nous pas de la même famille des êtres humains? Mon esprit, reste fort, ne succombe pas à ce qu'ils disent, tu es innocent, laisse-les s'en prendre à mes membres, j'oublie ce qu'ils font, je ne suis plus là, je ne ressens plus rien.
Oh Seigneur, mais que font-ils? Ils m'interdisent de respirer, en plongeant ma tête dans cette bassine d'eau. Je ne peux plus les ignorer, ils perturbent même mon envie de m'évader de ce qu'ils font à mon corps. Mon esprit, tiens le coup, je n'ai plus la force de résister physiquement, je n'en ai plus la force, c'est eux qui contrôle mon corps, ce pauvre corps si limité. Reste fort, reste fort, tu es innocent.
Seigneur, je ne respire plus, mon visage est maintenu dans cette bassine d'eau, je suis toujours nu autour de ces hommes, je ne sais plus sur quoi me concentrer? Sur le fait qu'ils m'aient retiré ma propre dignité humaine? Qu'ils sont entrain de s'en prendre à un innocent? Que je suis impuissant? Et ma famille? Ma famille, Seigneur, où sont-ils? Où est ma mère qui prenait soin de moi? Où est mon père qui me protégeait de mes peurs lorsque j'étais enfant?
J'ai besoin d'eux là, j'ai besoin de la tendresse de ma mère, j'ai besoin de la protection de mon père, car j'ai peur, mon corps en tremble, mon esprit panique, mes larmes coulent, je crie de peur, je crie car j'ai mal, mais est-ce que cela va s'arrêter? Mon épouse où es-tu? Mes chers enfants, votre père ne va pas bien du tout! Qui s'occupe de vous?
Je me souviens alors des caresses de ma femme, du sourire de ma fille, du rire de mon fils. Je m'en souviens, cela a existé, je m'en souviens, j'en suis certain. Je suis un père, je suis un fils, je suis un mari, je suis un frère, je suis un homme, je suis aimé et j'aime aussi, je suis vivant, je suis vivant, je suis innocent, je suis digne.
Puis, ils reprenaient les mêmes actions. Je ne sais combien de fois cela s'est produit, je n'avais plus aucun contrôle: ni de mon corps, ni de mon esprit. Quelle utopie! Nous avons cru contribuer à une meilleure société!
Était-ce quelques mots qui me permettraient de ne plus souffrir? Ils ne comptaient pas s'arrêter, cela faisait toute une nuit et toute une journée. Je n'avais pas en ma présence des humains, ils étaient prêts à tout pour me faire dire que j'étais coupable.
- "Je...".
- "Attendez, il veut dire quelque chose! Continuez à tirer! Alors pourriture, avoue et on te laisse tranquille."
Le leader du groupe s'avança près de mon visage, il mit son pied sur mon front et ajouta: "Cela fait presque 24 heures qu'on s'occupe de toi, si tu veux encore passer une autre journée comme cela, c'est ton choix. Allez parle sale chien! J'ai ma famille à rejoindre! Parle! Parle! Sale chien! Parle!"
Les coups de pieds sur mon visage, les étirements qui ne cessèrent pas me font dire avant de m'évanouir:
- "Je suis coupable".
J'étais presqu'à nouveau inconscient. Ils me détachèrent, me laissant par terre, nu, souffrant, saignant, traumatisé par ce qui venait de se passer. Je pouvais fermer les yeux. Que l'obscurité s'installe dans cette pièce, tout comme elle règne dorénavant sur mon corps et dans ma tête. "Oui, l'obscurité me suffit".
La jeune militante n'osait plus regarder le prisonnier et lui, s'était couché à même le sol et avait fermé les yeux, des yeux qui contenaient encore quelques larmes à laisser couler. Elle s'en alla silencieusement, se promettant d'écrire et de dénoncer ce qui arrivait à des êtres humains.
La jeune femme mit le dictaphone en marche et observa silencieusement la personne en face d'elle. L'homme prit la parole après plusieurs minutes de silence, il dit alors: "Nous nous sommes réunis, afin d'apporter un renouveau dans cette société. Nous n'avions pas le choix, nous nous devions de penser à l'avenir de nos enfants, car le futur avait un visage obscur, saignant, et nuageux."
Qui étions-nous? Nous étions de simples citoyens, des personnes qui en avaient assez de suivre l'actualité et de subir des décisions politiques qui ne correspondaient pas aux priorités que nous attendions. Oui, il n'était plus possible de continuer de la sorte, au sein même de notre foyer, il n'y avait plus de sécurité. A l'intérieur de notre esprit, il y avait du stress, de l'angoisse, de la frustration et même de la peur. Mais tout cela ne résolvait pas les problèmes de notre quotidien, celui de l'absence d'emplois ou de terminer difficilement la fin de chaque mois.
La vie était de plus en plus chère et si ce n'était pas le chômage que l'on nous refusait, il s'agissait alors des réponses négatives à nos candidatures que l'on recevait. Aussi, comment garantir un avenir et un bien être pour nous et pour nos familles, si nous n'avons pas les moyens de subvenir à leur besoin? Comment s'investir dans notre pays, si personne ne souhaite nous tendre la main?
Les échanges pour agir concrètement à des changements dans notre société ont commencé sur les réseaux sociaux et croyez-moi, nous étions tellement nombreux à subir cette vie précaire.
Isolés, nous nous sentions si mal, si abandonnés, mais ensemble, nous nous sommes rendus compte que le problème ne venait pas forcément du bas, mais de là-haut. Nous n'étions au départ que des personnes anonymes, qui partageaient les difficultés au sein de la réalité Bruxelloise et Wallonne. Mais c'est lors des attentats à Paris et les décisions qui se sont prises les jours qui suivaient ce malheureux événement, que nous nous sommes décidés à faire quelque chose de concret: construire notre société idéale. Oui, il n'était plus possible d'accepter ce qui était entrain de se passer.
Qui étions-nous? Nous étions de simples citoyens. Des belges d'origines différentes. Nous étions surtout des personnes qui n'avaient plus rien à perdre, et qui souhaitaient établir des alternatives.
Nous avions donc décidé de nous réunir afin d'établir une liste des éléments à réaliser au plus vite. Les principaux points étaient les suivants:
1. Les ONG qui défendent les droits de l'Homme, des animaux et de la flore seront dorénavant les politiciens de demain. Les difficultés de cohésion sociale, d'inégalité sociale, de discrimination, de l'absence d'emplois pour les jeunes seront réglées grâce à ceux qui connaissent ces réalités et qui les défendent au quotidien. Aussi, les politiciens seront tous invités à rentrer chez eux et à chercher un autre emploi car ils ont très clairement échoué.
2. Pour garantir la sécurité chez nous, il va falloir comprendre que nous ne pouvons pas alimenter les crises et la guerre dans d'autres pays. Pour se faire, les interventions étrangères vont devoir cesser mais aussi la vente d'armes et leur fabrication limitée, au sein des entreprises wallonnes notamment. Aussi, la sécurité ne pourra jamais limiter les libertés individuelles et collectives. Jamais.
3. Pour éviter une augmentation de la précarité et du chômage, le nouveau gouvernement s'engage à créer des emplois ainsi que d'aider dans une situation d'urgence, les personnes dans le besoin et à la rue. Le budget à ce propos va devoir augmenter, nous pensons commencer par les 400 millions d'euros qui seront retirés de l'enveloppe de la sécurité. La priorité: l'emploi!
4. Le peuple sera à chaque fois entendu par notre biais et par la présence de chercheurs sur le terrain qui développeront des études sur la société et sur ce qui pose problème. De cette manière, personne ne se sentira exclu ou pas entendu.
Durant cette réunion, nous avions quelques désaccords sur d'autres points à mettre en avant mais, sur ces quatre éléments, nous étions unanimes. La question était de savoir: comment arriver à réaliser cela sans pour autant utiliser la violence? En effet, actuellement, les forces de l'ordre sont déjà dans les rues de Bruxelles, il serait impossible d'arriver à réaliser un changement sans avoir une confrontation avec eux. Comment allions-nous réaliser ce projet?
Les réseaux sociaux. C'était le moyen le plus certains pour rallier à notre cause la majorité de la population belge. Nous étions au courant que plusieurs étaient encore dévoués à ce système et à ces sbires qui le géraient, mais nous savions également que la précarité des humains, poussent beaucoup d'entre eux à essayer des alternatives. Pourquoi? Parce qu'il n'y avait pas d'autres choix que d'essayer ce que l'on proposait de nouveau et surtout parce que ceux en place n'arrivaient pas à résoudre les problèmes. Les directeurs des différentes associations pour les droits de l'Homme, des animaux et de la flore étaient déjà avec nous, certains syndicalistes aussi, les fermiers et les agricultures étaient évidemment partant, des personnes travaillant dans l'administration, des professeurs et d'autres groupes de professionnels qui ne se sentaient pas considérés, nous on rejoint pour changer radicalement ce que nous subissions depuis bien trop longtemps. Oui, nous comptions être radicaux à ce sujet.
Nous avions également pu observer que les régions du pays qui étaient intéressées par notre message se situaient beaucoup plus sur Bruxelles et en Wallonie. Était-ce le problème de la langue qui limita l'implication des flamands à notre cause? Ou vivaient-ils dans de meilleures conditions que nous? Peu importait, s'il fallait diviser le pays, nous étions prêt à tout pour réaliser notre société avec nos propres règles.
En quelques semaines, notre page Facebook comptait plus de 5 millions d'adhérents, et après plusieurs mois de recherches afin de créer notre propre Etat, nous en sommes même arrivés à collaborer avec certaines personnes de la gendarmerie. Nous leur avions aussi promis le maintien de leur place et même l'augmentation de leur salaire et de leur position afin qu'ils nous soutiennent en temps voulu. Certains parmi eux voulaient également du changement, et d'autres se limitaient à nous informer qu'ils ne nous attaqueraient pas. Mais tous dans ces policiers n'étaient pas au courant de ce que nous souhaitions réaliser, il fallait donc s'attendre à ce que nous subissions quelques formes de violences, comme ce fut le cas lors des printemps arabes, là-bas, dans ces pays lointain.
Les préparatifs ont duré plusieurs mois, en réalité, presqu'une année. Nous voulions être certains que dans chaque ville en Wallonie, et dans chaque commune à Bruxelles, il y aurait une partie considérable d'habitants qui nous soutiendraient. Ainsi, nous avions envoyé sur place des personnes qui étaient à la base de la création de ce mouvement, de cette manière, il n'était pas possible que ces derniers puissent changer d'avis en dernière minute. Nous étions conscients que toutes les villes et toutes les communes n'étaient pas en notre faveur, à vrai dire, il s'agissait beaucoup plus de plusieurs endroits à l'intérieur des villes défavorisés ou des quartiers pauvres au sein des communes bruxelloises que nos membres étaient les plus importants. Notre avantage? Nous n'avions rien à perdre. Nous étions disposés à tout sacrifier afin de ne plus vivre dans une situation aussi inacceptable, nous voulions récupérer une vie digne, une dignité, notre dignité! Quelle utopie...
Le programme était simple: envoyer à la presse une invitation afin qu'ils puissent couvrir les évènements sur toutes les grandes places des villes et communes en question, mais surtout, de faire passer à la télévision le discours principal qui aura lieu sur la place de Molenbeek. Cette commune ayant vu après les attentats en France la présence de beaucoup de journalistes étrangers, il s'agissait d'une occasion en or pour se faire entendre dans le monde entier.
Nous étions disposés à discuter avant tout, afin que ces politiciens se retirent du gouvernement et nous laissent la place, plus particulièrement à nos défenseurs des droits de l'Homme, des animaux et de la flore. Mais nous n'avions pas en tête de faire marche arrière, cela était impossible, le changement ne pouvait plus se reporter et nous ne pouvions plus accepter des promesses de ces derniers.
Nous n'avions pas dormi cette nuit-la, nous étions trop occupé à nous préparer au pire. Nous avions également préparé des armes, au cas où des altercations devaient avoir lieu. Les agriculteurs étaient disposés à nous prêter leurs tracteurs qu'ils avaient déjà utilisés lors de fameuses manifestations à Bruxelles. Certains employés wallons avaient également su se procurer dans l'usine où ils travaillaient des armes à feu et des pistolets, "made in Belgium". D'autres se disaient n'avoir besoin que d'une batte de baseball ou des pierres à lancer sur les autorités.
Nous étions cependant, tous d'accord: cette violence ne pouvait pas être le premier moyen à utiliser. La première partie du discours avait été écrite par une jeune molenbeekoise, une belge d'origine marocaine, qui aimait écrire, qui s'impliquait dans la société et qui souhaitait également du changement.
Nous n'avions aucun problème à ce que les musulmans nous rejoignent dans cette cause, et avec ce qui se transmettait dans certains médias à leur sujet, il était certain qu'ils se sentaient en danger, montrés du doigt, et surtout vu comme des barbares.
Plus nous étions nombreux et plus nous avions de chance de réussir notre combat. Cette femme est donc venue nous voir et elle nous a expliqué qu'elle en avait assez que l'on pense pour elle, et surtout que l'on condamne sa foi et l'expression religieuse qu'elle s'était appropriée. Elle portait le foulard et en avait assez de se faire stigmatiser à propos de ce "fichu bout de tissu". Elle nous a alors soumis un texte, qui nous avait fort touchés. Ces femmes voilées savaient finalement penser par elles-mêmes. Nous avions alors décidé, de lui laisser la parole, puis, nous expliquerions notre projet aux citoyens et aux politiciens, et tout cela, sera évidemment filmé et retransmis par les médias du monde.
Le jour venu, et comme prévu, tout était en place: des milliers de personnes étaient dans les rues.
Pour ma part, j'étais à Molenbeek et comme promis, c'est sur un podium placé par un groupe de jazz, des amis qui avaient pour habitude de donner des concerts en plein air, qui se proposèrent de se charger des préparatifs afin de communiquer pour le mieux. La jeune femme prit alors la parole, l'idée était d'attirer d'autres personnes qui n'étaient pas forcément au courant de notre mouvement.
Elle dit alors: "Aux politiques, un sourire, j'ai esquissé, les écoutant sur leur bouche formuler. Ils sont tellement décalés, décalés par rapport à nos réalités. Ils ciblent des situations et les remettent en question. Puis, ils attendent de nous du changement, qu'on accepte et maintenant... Laissez-moi expliquer ce qu'il y a en bas, car de là-haut, vous ne voyez pas. Je suis plusieurs choses, l'Histoire du monde en est la cause. Je suis l'accent bruxellois, portant un foulard à petit pois. Je suis la blanche neige, avec du sang du désert beige. Ma présence n'est pas une interrogation, faut faire avec c'est ça la leçon... Venez me questionner sur mon humanité, vous en verrez beaucoup plus que sur vos débats télé! Cessez d'étouffer cette diversité, l'Afrique, l'Asie, c'est devenue Bruxellois vous savez. Pakistanais par ici, Vietnamien par là, Guinéen par ici, Marocain par là. Ils sont tous belges, mais d'origine pas belge. N'ayez pas peur, car sous les vêtements et les couleurs, il y a un grand cœur, qui brisera même votre froideur. Enfin, ne crachez plus sur nos identités, pas même sur notre religiosité, car nous en avons vraiment assez! Chers citoyens, tout est encore possible, nous, le peuple, nous ne connaissons pas l'impossible."
Il y eu des applaudissements, mais aussi de l'incompréhension. En effet, les gens se demandaient pourquoi tant de regroupement autour de nous, et surtout quel était l'objet de ce rassemblement.
C'était à ce moment-là qu'il fallait agir, car le peuple est alors en demande d'informations. J'ai donc pris la parole et je leur ai dis des paroles qui venaient du fond du cœur: "Chers tous! Merci d'être présent aujourd'hui! Messieurs et Mesdames les passants, rejoignez-nous! Nous sommes un mouvement de citoyens provenant de différents quartiers et communes et nous nous sommes décidés à changer le visage triste de notre pays. Pas l'entièreté de la Belgique, mais surtout, une partie de son territoire laissé pour compte. Oui, je parle de la Wallonie et de Bruxelles, car en Flandre, tout va bien, en tout cas, nettement mieux qu'ici. Nous avons décidé de prendre les choses en main puisque nos politiciens n'ont pas réussi à créer de l'emploi pour les jeunes, à permettre à tout un chacun vivant dans la précarité d'avoir accès à des allocations, à dénoncer les discriminations faites aux citoyens belges, et pire que cela, à nous éloigner de la menace terroriste. Non, ce qu'ils ont décidé de faire, c'est d'alimenter encore plus les problèmes dans le monde, en vendant encore plus d'armes à ces dictatures, et en s'étonnant que ces mêmes armes nous reviennent en pleine figure et aux mains de citoyens européens!
La situation est claire: ils ne savent pas gérer ce pays, ils ne prennent pas en compte ce que des associations internationales évoquent sans cessent dans leurs recherches à propos des malheurs de ce monde, alors nous avons décidé de donner le pouvoir aux humanitaires. Les personnes présentes ici, mais aussi partout dans les villes wallonnes, sont conscientes de ces réalités et de ces problèmes. Ces derniers sont les plus à même à apporter du changement concret pour nous, le peuple, qui subissons les lois et décisions de politiques que nous rencontrons que durant les élections ou par le biais des médias! Nous voulons des personnes du peuple, qui travaillent pour le peuple, et qui connaissent nos difficultés. Qui répond au mieux à ces critères, que les associations humanitaires?"
Des centaines de personnes ont applaudi ce discours, et plus ils applaudissaient, plus l'arrivée des forces de l'ordre apparaissait. Les tensions étaient clairement présentes. Très vite, des barrages ont été formés entre nous et les policiers. Et nous étions informés par SMS que partout où il y avait eu mobilisation, une grosse partie des villes étaient encerclées.
Nous nous attendions à cela, et nous nous sommes préparés à ce scénario. Rapidement, nos constructeurs sont arrivés avec leur matériel, de la brique et de l'argile. Nous allions construire un mur entre eux et nous. Nous n'étions pas des démolisseurs mais des constructeurs. Les policiers n'osaient pas franchir la frontière qu'ils avaient créée, et nous tous, sommes partis aidés à construire ce mur.
Dorénavant, il existera un "eux" et un "nous", l'unité de la Belgique n'est plus, elle ne l'a jamais été en vrai, alors nous étions prêts à accomplir ce que ces politiciens n'avaient jamais osé réaliser.
Les murs prenaient de plus en plus forme, à Liège, à Charleroi, à Namur ou encore à Bruxelles.
Nous savions également que certains qui nous suivaient sur les réseaux sociaux n'étaient pas venus au rassemblement, nous nous sommes mis à poster ces photos en directs et à les inviter à nouveau à notre rassemblement et à notre nouvelle nation. Nous n'avions tué personne, et c'était notre plus grande fierté, les leaders humanitaires ne cessaient guère de le souligner aux médias encore présents.
Notre communiqué de presse était déjà écrit depuis bien longtemps, et il fut très vite diffusé par les journalistes. La presse était notre meilleure alliée, elle nous faisait connaître partout dans le monde, au sein des chaumières isolées ainsi qu'à toutes les personnes branchées à leur téléphone, et ce, grâce aux informations transmises à la télévision et sur internet.
Les personnes sur place étaient de plus en plus nombreuses, puis, nous nous sommes accaparés les locaux des différentes communes, et je suis devenu maire de la ville de Molenbeek, tout comme mes autres camarades révolutionnaires dans les autres communes et villes.
Nous souhaitions un système simple afin que le peuple puisse tout comprendre de ce que nous comptions faire, et afin qu'il y ait transparence dans notre travail. Aussi, nous nous sommes décidés à choisir pas un président, mais deux co-présidents. C'était la meilleure solution d'après nous: comment un seul homme pouvait décider pour tout un peuple?
L'un provenait de l'humanitaire afin qu'il éveille chez l'autre qui venait du monde économiste, les réalités à laquelle nous étions, autrefois tous condamnés.
Il fallait une harmonie, une complémentarité entre les gouvernants, mais aussi, la compréhension totale, de ce que vivaient les gouvernés. Et tout cela fut évoqué dans notre communiqué.
Bien sûr, il aurait fallu attendre plusieurs mois avant que notre travail montre ses fruits, mais nous a-t-on laissé le faire? Une grande majorité de la population était de notre coté, nous pouvions le prouver grâce à leur présence sur ces différentes grandes places, nous pouvions le démontrer dans la manière dont nous nous sommes si facilement accaparés les communes, et sans violence.
Puis, la suite, vous la connaissez.
- "Continuez, je vous prie, nous voulons avoir votre version complète de cet évènement par l'un de ses leaders encore en vie."
La suite n'est que cauchemar, il n'aura fallut que quelques heures pour que des chars militaires et des soldats détruisent nos murs, tirent sur les civils qui étaient présents pour contester la destruction des murs dans toutes les villes, mais aussi l'arrestation en masse des leaders de ce mouvement qui aspiraient à de la justice et qu'ils nommaient dorénavant "terroristes". Nous, nous n'étions pas des terroristes, nous voulions du changement et sans tuer personne, ni blesser qui que ce soit. Nous étions désespérés, nous ne pouvions plus supporter de vivre sans un minimum. Nous étions à la recherche d'une dignité.
- "Et votre détention ici, au sein de la nouvelle prison d'Haren, comment s'est-elle passée? "
Les véritables criminels sont en liberté, portant des beaux costumes bien chers, quant à ceux qui ont voulu changer en mieux notre pays, ils ont vu leur liberté s'en aller au nom de la sécurité nationale. Pour la sécurité du peuple belge, nous n'avions plus aucun droit. Connaissez-vous la torture Madame? Avez-vous déjà connue ses souffrances ou l'avez-vous seulement entendu comme un mot évoquant ce qui se passe dans des pays lointain? Oui, ne vous inquiétez pas si mon corps en tremble et si des larmes coulent sur mon visage, c'est parce que la torture laisse des traces physiques et psychologiques.
- "Vous dites que l'on vous a fait subir de la torture? Monsieur? Vous m'entendez?"
Je n'arrive pas à oublier, ce moment en particulier: Ils sont entrés à plusieurs, m'ont retiré ces quelques vêtements que je portais, j'étais entièrement nu, devant des hommes qui me tenaient violemment pendant que d'autres préparaient certains matériaux. Ils venaient dit-on du Maroc, car la France et la Belgique avaient demandé une collaboration avec le gouvernement marocain à propos du terrorisme. Je n'avais pas beaucoup de force en moi, j'ai essayé de me débattre, de garder mes vêtements sur moi, mais la violence physique venait de tous les cotés, je ne pouvais pas me défendre, j'étais seul et isolé. Je ne contrôlais rien de ce qui était entrain de se passer. Je dois rêver, ce n'est pas possible autrement, réveilles-toi, maintenant, car ce sont tes jambes qu'ils sont entrain d'écarter, c'est ton œil droit qui est occupé à saigner, réveilles-toi, je t'en prie, cela me fais souffrir. Mais que me font-ils? Est-ce mes parties intimes qu'ils visent avec cette machine électrique? Non, laissez-moi! J'utilise mes dernières forces pour me retirer de cette place, mais ils sont plusieurs à me retenir. Je m'évanouis. Je ne me suis pas réveillé, je me suis évanoui lorsqu'ils attachèrent et allumèrent à mes testicules ces prises électriques. Je ne rêve pas, il se passe réellement tout cela!
Mon corps, mon pauvre corps, savent-ils au moins ce qu'ils sont entrain de faire? N'ont-ils pas la même chair que moi? Ne sommes-nous pas de la même famille des êtres humains? Mon esprit, reste fort, ne succombe pas à ce qu'ils disent, tu es innocent, laisse-les s'en prendre à mes membres, j'oublie ce qu'ils font, je ne suis plus là, je ne ressens plus rien.
Oh Seigneur, mais que font-ils? Ils m'interdisent de respirer, en plongeant ma tête dans cette bassine d'eau. Je ne peux plus les ignorer, ils perturbent même mon envie de m'évader de ce qu'ils font à mon corps. Mon esprit, tiens le coup, je n'ai plus la force de résister physiquement, je n'en ai plus la force, c'est eux qui contrôle mon corps, ce pauvre corps si limité. Reste fort, reste fort, tu es innocent.
Seigneur, je ne respire plus, mon visage est maintenu dans cette bassine d'eau, je suis toujours nu autour de ces hommes, je ne sais plus sur quoi me concentrer? Sur le fait qu'ils m'aient retiré ma propre dignité humaine? Qu'ils sont entrain de s'en prendre à un innocent? Que je suis impuissant? Et ma famille? Ma famille, Seigneur, où sont-ils? Où est ma mère qui prenait soin de moi? Où est mon père qui me protégeait de mes peurs lorsque j'étais enfant?
J'ai besoin d'eux là, j'ai besoin de la tendresse de ma mère, j'ai besoin de la protection de mon père, car j'ai peur, mon corps en tremble, mon esprit panique, mes larmes coulent, je crie de peur, je crie car j'ai mal, mais est-ce que cela va s'arrêter? Mon épouse où es-tu? Mes chers enfants, votre père ne va pas bien du tout! Qui s'occupe de vous?
Je me souviens alors des caresses de ma femme, du sourire de ma fille, du rire de mon fils. Je m'en souviens, cela a existé, je m'en souviens, j'en suis certain. Je suis un père, je suis un fils, je suis un mari, je suis un frère, je suis un homme, je suis aimé et j'aime aussi, je suis vivant, je suis vivant, je suis innocent, je suis digne.
Puis, ils reprenaient les mêmes actions. Je ne sais combien de fois cela s'est produit, je n'avais plus aucun contrôle: ni de mon corps, ni de mon esprit. Quelle utopie! Nous avons cru contribuer à une meilleure société!
Était-ce quelques mots qui me permettraient de ne plus souffrir? Ils ne comptaient pas s'arrêter, cela faisait toute une nuit et toute une journée. Je n'avais pas en ma présence des humains, ils étaient prêts à tout pour me faire dire que j'étais coupable.
- "Je...".
- "Attendez, il veut dire quelque chose! Continuez à tirer! Alors pourriture, avoue et on te laisse tranquille."
Le leader du groupe s'avança près de mon visage, il mit son pied sur mon front et ajouta: "Cela fait presque 24 heures qu'on s'occupe de toi, si tu veux encore passer une autre journée comme cela, c'est ton choix. Allez parle sale chien! J'ai ma famille à rejoindre! Parle! Parle! Sale chien! Parle!"
Les coups de pieds sur mon visage, les étirements qui ne cessèrent pas me font dire avant de m'évanouir:
- "Je suis coupable".
J'étais presqu'à nouveau inconscient. Ils me détachèrent, me laissant par terre, nu, souffrant, saignant, traumatisé par ce qui venait de se passer. Je pouvais fermer les yeux. Que l'obscurité s'installe dans cette pièce, tout comme elle règne dorénavant sur mon corps et dans ma tête. "Oui, l'obscurité me suffit".
La jeune militante n'osait plus regarder le prisonnier et lui, s'était couché à même le sol et avait fermé les yeux, des yeux qui contenaient encore quelques larmes à laisser couler. Elle s'en alla silencieusement, se promettant d'écrire et de dénoncer ce qui arrivait à des êtres humains.
Retrouvez les articles du HuffPost Tunisie sur notre page Facebook.