BCT - Quels statuts pour la Banque centrale de Tunisie? La banque des banques, actuellement responsable devant le président de la République et l'Assemblée des Représentants du Peuple, doit, selon le projet de loi du gouvernement, agir en pleine indépendance.
Mais la question a divisé la majorité parlementaire samedi 9 avril dernier, mettant le gouvernement en minorité, avant que l'exécutif ne fasse revenir les députés sur l'essentiel de leur vote ce lundi 11 avril.
Un vote contraire à l'avis du gouvernement... vidé de sa substance
Le député Mohamed Fadhel Ben Omrane, chef du bloc parlementaire Nida Tounes, a en effet déposé samedi un amendement restreignant fortement l'indépendance prévue par le projet de loi du gouvernement. Il souhaitait soumettre au contrôle de l'Assemblée des Représentants du Peuple (ARP) la Banque centrale. Une majorité de parlementaires a voté pour son amendement, trouvant un appui auprès d'autres formations de la majorité comme Afek Tounes.
Karim Hellali, député de ce parti, a ainsi justifié au HuffPost Tunisie qu'on "ne pouvait pas passer d'un statut très pesant au statut inverse": "il faut trouver un équilibre (...), l'Etat doit être concerné par l'action de la Banque centrale de Tunisie, sans pour autant s'immiscer dans sa vie quotidienne". Le contrôle non du pouvoir exécutif mais du pouvoir législatif semblait ainsi constituer ce point d'équilibre pour une majorité de parlementaires samedi.
Mais lundi, la mesure a finalement été écartée, à l'issue d'une procédure de recherche de compromis entre le projet gouvernemental et la majorité parlementaire. Pour Mehdi Ben Gharbia, député indépendant (siégeant dans le bloc parlementaire des sociaux-démocrates) contacté par le HuffPost Tunisie, "l'exécutif a refusé cet amendement, car dès lors, la loi ne voulait plus rien dire". En mettant tout son poids dans la balance: "Le gouvernement comme le gouverneur de la Banque centrale ont demandé à ce qu'on revote", ajoute-t-il. Nida Tounes s'est alors uni derrière le compromis proposé par Slim Chaker, ministre des Finances.
Mais pour Mohamed Fadhel Ben Omrane, le compromis préserve l'essentiel: "On a trouvé l'équilibre entre ce que demande la Banque centrale et ce que demandent les députés", assure-t-il. En effet, tous les six mois, la Banque centrale présentera tous les six mois sa politique à l'ARP lors de séances de "suivi et de redevabilité", qui seront "non coercitives", explique Mohamed Fadhel Ben Omrane, qui se réjouit de voir des "indicateurs de performance quantitatifs et qualitatifs" intégrés à l'ordre du jour de ces séances de suivi.
La peur de la planche à billet
L'enjeu majeur des débats était lié à l'utilisation politicienne de la Banque centrale, à qui revient la politique monétaire du pays. "On craint que cela ne signifie le recours à la machine à billet par chaque gouvernement à l'approche des élections", explique Mehdi Ben Gharbia, pour qui "[ce contrôle politique sur la Banque centrale] ne poserait en revanche pas de problème dans une démocratie installée". Le risque était donc de voir des poussées d'inflation à chaque excès de générosité de la part d'un gouvernement désireux d'être réélu.
Mais pour Fethi Chemkhi (Front populaire), il s'agit d'un argument "bête et stupide". Au HuffPost Tunisie, il explique que les statuts de la Banque centrale, "déjà réécrits par le FMI", limitaient déjà l'autofinancement de l'Etat par la Banque centrale de façon stricte. Désormais, l'article 25 de la loi l'empêche complètement. "Le FMI vise à laisser l'Etat tunisien dépendant financièrement", regrette-t-il.
Faut-il en conclure que le vote de l'amendement de Mohamed Fadhel Ben Omrane signifie un sursaut interventionniste contre une ligne économique d'inspiration libérale? Pour Mehdi Ben Gharbia, là n'est pas la meilleure lecture des événements: "C'est beaucoup plus un combat de pouvoir au sein des partis", notamment parce que fondamentalement, selon lui, "à part le Front populaire, toutes les composantes de la majorité et de l'opposition sont plutôt libérales", et que certains, à Nida Tounes, n'étaient pas très contents de Chadly Ayari, le gouverneur de la Banque centrale.
Redistribution des cartes au sein de la majorité
De son côté, Fethi Chamkhi livre une analyse loin d'être incompatible: si Ennahdha a soutenu Nida Tounes sur leur projet d'indépendance des statuts de la Banque centrale, c'était en contrepartie d'un article sur la finance islamique, car "le gouvernement actuel est essentiellement soutenu par Ennahdha, désormais premier parti de la coalition, et les institutions internationales".
"Seuls Nida Tounes et Ennahdha, au sein de la majorité, ont soutenu cet article sur la finance islamique, tandis qu'Afek Tounes, l'UPL étaient contre, aux côtés d'Al Horra".
Mais le chef de file du bloc parlementaire de Nida Tounes à l'ARP conteste toutefois cette analyse, minimisant la dimension religieuse de l'article relatif à la finance islamique; pour Mohamed Fadhel Ben Omrane, "il ne s'agit que de donner à la BCT un rôle de contrôle sur les produits financiers estampillés finance islamique, l'objectif est purement commercial", avance-t-il.
Après ces âpres débats, l'examen du projet de loi doit encore se poursuivre. Mohamed Fadhel Ben Omrane prognostique encore quelques joutes musclées à l'ARP: "On doit encore discuter de la question du parachute doré pour le gouverneur et le vice-gouverneur. Cette fois, à Nida Tounes on est avec le Front populaire sur cela".
Lire aussi: En vue d'obtenir un prêt du FMI, la Tunisie tente d'accélérer ses réformes économiques
Mais la question a divisé la majorité parlementaire samedi 9 avril dernier, mettant le gouvernement en minorité, avant que l'exécutif ne fasse revenir les députés sur l'essentiel de leur vote ce lundi 11 avril.
Un vote contraire à l'avis du gouvernement... vidé de sa substance
Le député Mohamed Fadhel Ben Omrane, chef du bloc parlementaire Nida Tounes, a en effet déposé samedi un amendement restreignant fortement l'indépendance prévue par le projet de loi du gouvernement. Il souhaitait soumettre au contrôle de l'Assemblée des Représentants du Peuple (ARP) la Banque centrale. Une majorité de parlementaires a voté pour son amendement, trouvant un appui auprès d'autres formations de la majorité comme Afek Tounes.
Karim Hellali, député de ce parti, a ainsi justifié au HuffPost Tunisie qu'on "ne pouvait pas passer d'un statut très pesant au statut inverse": "il faut trouver un équilibre (...), l'Etat doit être concerné par l'action de la Banque centrale de Tunisie, sans pour autant s'immiscer dans sa vie quotidienne". Le contrôle non du pouvoir exécutif mais du pouvoir législatif semblait ainsi constituer ce point d'équilibre pour une majorité de parlementaires samedi.
Mais lundi, la mesure a finalement été écartée, à l'issue d'une procédure de recherche de compromis entre le projet gouvernemental et la majorité parlementaire. Pour Mehdi Ben Gharbia, député indépendant (siégeant dans le bloc parlementaire des sociaux-démocrates) contacté par le HuffPost Tunisie, "l'exécutif a refusé cet amendement, car dès lors, la loi ne voulait plus rien dire". En mettant tout son poids dans la balance: "Le gouvernement comme le gouverneur de la Banque centrale ont demandé à ce qu'on revote", ajoute-t-il. Nida Tounes s'est alors uni derrière le compromis proposé par Slim Chaker, ministre des Finances.
Mais pour Mohamed Fadhel Ben Omrane, le compromis préserve l'essentiel: "On a trouvé l'équilibre entre ce que demande la Banque centrale et ce que demandent les députés", assure-t-il. En effet, tous les six mois, la Banque centrale présentera tous les six mois sa politique à l'ARP lors de séances de "suivi et de redevabilité", qui seront "non coercitives", explique Mohamed Fadhel Ben Omrane, qui se réjouit de voir des "indicateurs de performance quantitatifs et qualitatifs" intégrés à l'ordre du jour de ces séances de suivi.
La peur de la planche à billet
L'enjeu majeur des débats était lié à l'utilisation politicienne de la Banque centrale, à qui revient la politique monétaire du pays. "On craint que cela ne signifie le recours à la machine à billet par chaque gouvernement à l'approche des élections", explique Mehdi Ben Gharbia, pour qui "[ce contrôle politique sur la Banque centrale] ne poserait en revanche pas de problème dans une démocratie installée". Le risque était donc de voir des poussées d'inflation à chaque excès de générosité de la part d'un gouvernement désireux d'être réélu.
Mais pour Fethi Chemkhi (Front populaire), il s'agit d'un argument "bête et stupide". Au HuffPost Tunisie, il explique que les statuts de la Banque centrale, "déjà réécrits par le FMI", limitaient déjà l'autofinancement de l'Etat par la Banque centrale de façon stricte. Désormais, l'article 25 de la loi l'empêche complètement. "Le FMI vise à laisser l'Etat tunisien dépendant financièrement", regrette-t-il.
Faut-il en conclure que le vote de l'amendement de Mohamed Fadhel Ben Omrane signifie un sursaut interventionniste contre une ligne économique d'inspiration libérale? Pour Mehdi Ben Gharbia, là n'est pas la meilleure lecture des événements: "C'est beaucoup plus un combat de pouvoir au sein des partis", notamment parce que fondamentalement, selon lui, "à part le Front populaire, toutes les composantes de la majorité et de l'opposition sont plutôt libérales", et que certains, à Nida Tounes, n'étaient pas très contents de Chadly Ayari, le gouverneur de la Banque centrale.
Redistribution des cartes au sein de la majorité
De son côté, Fethi Chamkhi livre une analyse loin d'être incompatible: si Ennahdha a soutenu Nida Tounes sur leur projet d'indépendance des statuts de la Banque centrale, c'était en contrepartie d'un article sur la finance islamique, car "le gouvernement actuel est essentiellement soutenu par Ennahdha, désormais premier parti de la coalition, et les institutions internationales".
"Seuls Nida Tounes et Ennahdha, au sein de la majorité, ont soutenu cet article sur la finance islamique, tandis qu'Afek Tounes, l'UPL étaient contre, aux côtés d'Al Horra".
Mais le chef de file du bloc parlementaire de Nida Tounes à l'ARP conteste toutefois cette analyse, minimisant la dimension religieuse de l'article relatif à la finance islamique; pour Mohamed Fadhel Ben Omrane, "il ne s'agit que de donner à la BCT un rôle de contrôle sur les produits financiers estampillés finance islamique, l'objectif est purement commercial", avance-t-il.
Après ces âpres débats, l'examen du projet de loi doit encore se poursuivre. Mohamed Fadhel Ben Omrane prognostique encore quelques joutes musclées à l'ARP: "On doit encore discuter de la question du parachute doré pour le gouverneur et le vice-gouverneur. Cette fois, à Nida Tounes on est avec le Front populaire sur cela".
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