KASSERINE - Jeudi 21 janvier, à la mi-journée, l'avenue Habib Bourguiba à Kasserine est encore calme, mais porte les stigmates des affrontements de la veille, là où l'asphalte est noir de suie et de cendre. La police n'apparait nulle part, sur la longue avenue Bourguiba, ni même devant la mairie.
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Au contraire, la municipalité est comme submergée par une foule compacte, qui s'agglutine à ses trois accès: la porte officielle, la fenêtre quelques mètres à côté, et même la porte de la cour, derrière la grille.
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Un blindé militaire sans soldats a été comme laissé là, témoin impuissant de l'assaut populaire sur la "forteresse" administrative.
Hommes et femmes, de 30 à 50 ans pour la plupart, y arrivent tendus, en ressortent généralement satisfaits, une liasse de documents dûment tamponnés sous le bras (divers documents d'état civil et une lettre de motivation manuscrite).
Dans la cour, un homme répand la sombre nouvelle apportée par "le colonel" après qu'un militaire soit passé.
Ce qui se passe, "c'est la suite de la révolution", assure-t-il, catégorique mais posé.
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Le rétropédalage gouvernemental sur les promesses annoncées par le porte-parole de l'exécutif n'est pas encore arrivée. La cohue générale reste le principal motif d'exaspération. Le ton monte entre les fonctionnaires municipaux qui répondent par la fenêtre à tous ceux qui ont renoncé à pouvoir s'introduire dans le bâtiment; les insultes fusent, et finalement un fonctionnaire municipal claque la fenêtre, excédé.
Pour l'un des chômeurs arrivé trop tard et éconduit sans le précieux sésame administratif, trouver un journaliste reste un lot de consolation, tant il a un message à transmettre : "Vous savez nous ici, on n'est pas des criminels, on n'est pas des voleurs… On veut juste un travail!".
L'homme est préoccupé de voir l'actualité renvoyer une image dégradante de Kasserine, pauvre et revendicatrice.
"On ne veut pas d'histoires ici!", assure-t-il, pour mieux défendre la dignité de la ville.
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Quelques instants après, une clameur monte à quelques centaines de mètres de là, sur l'avenue Bourguiba. Là, c'est un tout autre portrait du soulèvement de Kasserine qui s'expose. Une centaine de jeunes, certains cagoulés, marchent énergiquement, s'arrêtent, se mettent en ligne sous l'instruction de quelques meneurs, puis reprennent leur progression jusque vers le secteur déjà marqué par les affrontements des jours précédents, entre le rond point "Hay Nour" et la station essence Shell.
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Certains y alignent de symboliques barricades à partir du tout-venant, d'autres mettent le feu à des pneus.
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Certains ont à peine 10 ans. Chez ces plus jeunes, le port de la cagoule est encore plus fréquent.
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Beaucoup ont également des lance-pierres. La police, disposée à quelques dizaines de mettre plus bas, au coin de la rue du commissariat, qu'elle défend comme une ultime citadelle, envoie du gaz sur les manifestants.
Ceux-ci, habitués, remontent leurs écharpes sur le nez, les badaux, qui observaient depuis leur pas de porte ou leur commerce, se réfugient à l'intérieur d'une cour privée, d'un restaurant, de tout lieu qui leur permettra de se dissocier de ceux qui sont visiblement venus, avant tout, en découdre avec la police. Par salves bien coordonnées, ils s'élancent jeter des pierres sur la police.
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Tout cela se passe sous les regards attentifs d'une foule d'habitants plus passifs, qui se tiennent à bonne distance dans les deux autres rues de ce carrefour, prête à courir si le spectacle se rapproche.
Au total, l'affrontement avec la police met aux prises une bonne centaine de jeunes, de 10 à 25 ans principalement, avec une douzaine de policiers, dont environ la moitié de policiers anti-émeutes. Un 4x4 sert aux contre-attaques de la police, qui parfois capturent l'un des casseurs les moins rapides à s'échapper. Celui-là a beau se rendre alors, les coups de matraques pleuvent.
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Les journalistes accourent filmer, mais un des cameramen se fait alors molester et emporter par les policiers jusqu'au commissariat tout proche, les agents des forces de l'ordre hurlant, outrés, "il a filmé des policiers !". Un journaliste du HuffPost Tunisie a été empêché de photographier cette interpellation.
Le cameraman en question, qui n'a pas souhaité communiquer son nom et son employeur, a toutefois pu repartir en conservant ses images.
La nuit, malgré le très théorique couvre-feu, les affrontements se prolongent entre policiers et émeutiers sur l'avenue Bourguiba, avec une pluie abondante de cocktails molotov. A plusieurs reprises des coups de feu sont même tirés, les forces de l'ordre paraissant un peu plus nombreuses.
Là encore, les habitants se mettent à bonne distance et assistaient au spectacle. Devant leur maison, en pantoufles, une mère et sa fille grignotent quelques fruits secs.
A Kasserine, chacun trompe l'ennui comme il peut.

Au contraire, la municipalité est comme submergée par une foule compacte, qui s'agglutine à ses trois accès: la porte officielle, la fenêtre quelques mètres à côté, et même la porte de la cour, derrière la grille.

Un blindé militaire sans soldats a été comme laissé là, témoin impuissant de l'assaut populaire sur la "forteresse" administrative.
Hommes et femmes, de 30 à 50 ans pour la plupart, y arrivent tendus, en ressortent généralement satisfaits, une liasse de documents dûment tamponnés sous le bras (divers documents d'état civil et une lettre de motivation manuscrite).
Dans la cour, un homme répand la sombre nouvelle apportée par "le colonel" après qu'un militaire soit passé.
"C'est terminé, il y a trop de monde, ils ne délivrent plus les dossiers! Ni aujourd'hui ni demain !... ". Curieusement, la nouvelle est accueillie avec calme, entre incrédulité et fatalisme. Ridha, chômeur de 30 ans, seulement le bac en poche, épluche son dossier avec une satisfaction réservée: "Avant je n'aurais jamais pu obtenir ces papiers sans piston ; mais maintenant il va falloir suivre ce que deviennent ces promesses".
Ce qui se passe, "c'est la suite de la révolution", assure-t-il, catégorique mais posé.

Le rétropédalage gouvernemental sur les promesses annoncées par le porte-parole de l'exécutif n'est pas encore arrivée. La cohue générale reste le principal motif d'exaspération. Le ton monte entre les fonctionnaires municipaux qui répondent par la fenêtre à tous ceux qui ont renoncé à pouvoir s'introduire dans le bâtiment; les insultes fusent, et finalement un fonctionnaire municipal claque la fenêtre, excédé.
Pour l'un des chômeurs arrivé trop tard et éconduit sans le précieux sésame administratif, trouver un journaliste reste un lot de consolation, tant il a un message à transmettre : "Vous savez nous ici, on n'est pas des criminels, on n'est pas des voleurs… On veut juste un travail!".
L'homme est préoccupé de voir l'actualité renvoyer une image dégradante de Kasserine, pauvre et revendicatrice.
"On ne veut pas d'histoires ici!", assure-t-il, pour mieux défendre la dignité de la ville.

Quelques instants après, une clameur monte à quelques centaines de mètres de là, sur l'avenue Bourguiba. Là, c'est un tout autre portrait du soulèvement de Kasserine qui s'expose. Une centaine de jeunes, certains cagoulés, marchent énergiquement, s'arrêtent, se mettent en ligne sous l'instruction de quelques meneurs, puis reprennent leur progression jusque vers le secteur déjà marqué par les affrontements des jours précédents, entre le rond point "Hay Nour" et la station essence Shell.

Certains y alignent de symboliques barricades à partir du tout-venant, d'autres mettent le feu à des pneus.

Certains ont à peine 10 ans. Chez ces plus jeunes, le port de la cagoule est encore plus fréquent.

Beaucoup ont également des lance-pierres. La police, disposée à quelques dizaines de mettre plus bas, au coin de la rue du commissariat, qu'elle défend comme une ultime citadelle, envoie du gaz sur les manifestants.
Ceux-ci, habitués, remontent leurs écharpes sur le nez, les badaux, qui observaient depuis leur pas de porte ou leur commerce, se réfugient à l'intérieur d'une cour privée, d'un restaurant, de tout lieu qui leur permettra de se dissocier de ceux qui sont visiblement venus, avant tout, en découdre avec la police. Par salves bien coordonnées, ils s'élancent jeter des pierres sur la police.

Tout cela se passe sous les regards attentifs d'une foule d'habitants plus passifs, qui se tiennent à bonne distance dans les deux autres rues de ce carrefour, prête à courir si le spectacle se rapproche.
Au total, l'affrontement avec la police met aux prises une bonne centaine de jeunes, de 10 à 25 ans principalement, avec une douzaine de policiers, dont environ la moitié de policiers anti-émeutes. Un 4x4 sert aux contre-attaques de la police, qui parfois capturent l'un des casseurs les moins rapides à s'échapper. Celui-là a beau se rendre alors, les coups de matraques pleuvent.

Les journalistes accourent filmer, mais un des cameramen se fait alors molester et emporter par les policiers jusqu'au commissariat tout proche, les agents des forces de l'ordre hurlant, outrés, "il a filmé des policiers !". Un journaliste du HuffPost Tunisie a été empêché de photographier cette interpellation.
Le cameraman en question, qui n'a pas souhaité communiquer son nom et son employeur, a toutefois pu repartir en conservant ses images.
La nuit, malgré le très théorique couvre-feu, les affrontements se prolongent entre policiers et émeutiers sur l'avenue Bourguiba, avec une pluie abondante de cocktails molotov. A plusieurs reprises des coups de feu sont même tirés, les forces de l'ordre paraissant un peu plus nombreuses.
Là encore, les habitants se mettent à bonne distance et assistaient au spectacle. Devant leur maison, en pantoufles, une mère et sa fille grignotent quelques fruits secs.
A Kasserine, chacun trompe l'ennui comme il peut.
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