
Né à Akouda en 1981, Fakhri El Ghezal est un plasticien tunisien qui s'exprime principalement à travers la photographie. Située entre fiction et documentaire, son œuvre explore à la fois la politique et l'intime.
Fakhri El Ghezal a exposé ses travaux lors de plusieurs importantes manifestations comme les Rencontres Africaines de la photographie à Bamako et dans des institutions de renommée internationale telles que le NEW MUSEUM à New York, le Mucem à Marseille ou encore le Beirut Art Center.
À l'occasion de Dream City, l'artiste tunisien propose cette année, un parcours inédit intitulé "Héni éltéli" ("Je suis derrière") arpentant davantage les territoires de l'intime et de la fiction, il en dit plus au HuffPost Tunisie.
HuffPost Tunisie Pouvez-vous présenter votre travail pour Dream City cette année?
Fakhri El Ghezal: En fait j'ai filmé pendant trois ans, avec mon téléphone, des bribes de quotidien, j'ai filmé ma solitude.
L'année dernière j'allais faire le montage final de tout ça, ça n'a pas abouti. Là j'installe mon travail à la Asfouria qui est à El Attarine. La Asfouria est une bibliothèque, c'est très administratif, c'est un endroit où il y a un espace ouvert.
Il y aura en tout cinq espaces, dans chacun d'eux il y a aura entre une et trois vidéos. La première vidéo est un plan fixe, en boucle, sur une caméra de surveillance de 360°. La deuxième je l'ai appelée "Bit el mouta" ("Chambre des morts") car j'ai fait trois vidéos en hommage à trois personnes qui ont disparu, qui étaient des proches. L'une d'elle est appelée "Aslema Oum Ahlima" qui est ma grand-mère, un autre par rapport à un cousin qui s'appelle Anis et un autre par rapport à une tante.
Il y a une autre chambre où j'ai filmé dans des bars et des restaurants que je connais, j'habite entre Chott Meriem et Sousse, pas à Tunis. Il y a deux vidéos dans la même salle. C'est très personnel, c'est mon quotidien, ma solitude.
La dernière vidéo qui sera sur vidéo projecteur – non pas sur écran comme la plupart – dure 9min30 donc est assez longue. Le spectateur va s'asseoir devant cette vidéo, alors que j'ai mis les autres en hauteur pour que ça circule.
Vos travaux explorent généralement l'intime, celui-ci particulièrement…
Oui c'est très intime, très personnel, c'est autobiographique, peut-être même trop!
J'ai même parlé de mon passage en prison. J'ai fait un mois et demi de taule pour le shit, j'ai parlé de ça dans ma vidéo. À un moment donné, j'ai filmé mon départ vers Nabeul où j'ai été arrêté avec des potes et j'ai mis vingt secondes d'écran noir par rapport au timing où j'étais en taule.
Je propose un angle de vue, une expérience personnelle. Le fait d'exposer a été assez difficile, j'étais hésitant à présenter ce travail! Un moment je vacille entre l'intime, le personnel et en même temps le côté plastique. Je me suis finalement décidé à le faire car mon travail suit souvent cette ligne. Je travaille sur l'intime, la trace, la mémoire en général, les séries photographiques parlent de moi, de ma famille, de mon expérience, des territoires où je vis à ceux vers lesquels je vais.
C'est aussi sensoriel en même temps. Dans les espaces il y a deux, trois ou une seule vidéo. J'ai mis des baffles au lieu d'opter pour des casques pour ajouter un son à cette expérience visuelle, c'est assez immersif!

Vos travaux photographiques ont fait parler de vous, ici vous proposez des vidéos, c'est quelque chose de nouveau dans votre travail?
Oui, en fait la plupart du temps je travaille avec une mémoire argentique. Là c'est ma troisième expérience avec la vidéo.
Ici, cette œuvre vidéo a été produite par Dream City mais pas spécialement pour la médina. J'ai fait mon travail à côté mais je l'ai installé par rapport à l'espace que j'avais.
Justement, tu as déjà participé à Dream City. Quel bilan tires-tu de cette expérience jusqu'ici?
C'est ma troisième édition. Ça s'agrandit! Je n'ai pas fait la première qui était apparemment assez underground, mais ça s'agrandit.
Pour ma première exposition dans le festival, j'avais fait une installation dans un chantier, maintenant on a plus de moyen. C'est Dream City qui produit le montage, j'ai fait appel à un créateur sonore qui s'appelle Tarek El Wati pour cette édition, pour l'autre il n'y avait pas de création sonore. Donc mon travail s'adapte par rapport à ça et j'ai eu plus de temps et de moyen, j'ai vraiment fait comme j'ai voulu. J'avais carte blanche!

Qu'est ce que tu espères susciter chez le visiteur avec ce travail en particulier?
Mon installation est un peu morbide et le lieu est très administratif, rectiligne, il y a une correspondance entre le lieu et mes travaux.
C'est clair que les gens vont être curieux, se poser des questions, surtout concernant la dernière vidéo de 9min30. J'ai installé une certaine routine, ma routine à moi, mon va-et-vient à la cafète à côté de chez moi. En plus, la vidéo est faite de séquences prises le jour et la nuit, il y a une sorte de rotation et de lassitude. Cette vidéo résume en quelque sorte les trois années de ce captage.
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