La sexualité demeure un tabou en Pakistan, notamment quand il s'agit de violences sexuelles contres les enfants. Ceux qui osent en parler sont pointés de doigt, marginalisés.
"Je ne regrette pas d'avoir parlé, mais depuis, les gens me regardent de travers." Six mois après un retentissant scandale de pédophilie au Pakistan, les jeunes victimes ayant bravé le tabou ne sont pas sûres d'obtenir justice et encore moins de pouvoir se reconstruire.
Face à l'indignation de l'opinion publique pakistanaise, 37 personnes ont finalement été arrêtées, dont 20 doivent être jugées.
De plus en plus de familles osent dénoncer les abus dont les enfants sont victimes, mais la lutte contre les prédateurs sexuels reste balbutiante au Pakistan. De puissants tabous, des lois lacunaires et le manque de prévention alimentent un phénomène longtemps invisible mais ancré dans la société.
Dans les ruelles tortueuses de Hussain Khan Wala, gros bourg du Pendjab rural, Irfan traîne son mal-être, comme d'autres adolescents stigmatisés et sans soutien après des années d'abus.
"Je me sens très mal quand mes amis me regardent. Je sais ce qu'ils pensent, marmonne-t-il. Mes camarades de classe et mes enseignants me méprisent, j'ai arrêté d'aller à l'école."
Il a fallu que des heurts éclatent entre police et plaignants en août, avec des dizaines de blessés, pour que les politiques, craignant que l'affaire ne ternisse leur image, s'en saisissent et ordonnent un vaste coup de filet.
Livrés en pâture
Familles et victimes ont alors été livrées en pâture aux médias, et des responsables locaux ont avancé le chiffre de 280 enfants abusés, sur fond de règlement de comptes entre clans.
Six mois plus tard, l'enquête a établi que 20 jeunes avaient été victimes de viols et de sodomie, les deux seuls crimes sexuels reconnus par la loi pakistanaise. Le code pénal ne condamne ni les agressions sexuelles sans pénétration, ni la pédopornographie, ni l'exploitation sexuelle à fins commerciales des enfants.
"Cette affaire montre qu'il n'y a pas de structure institutionnelle pour prendre en charge les agressions sexuelles ni pour protéger les enfants", souligne Valérie Khan, directrice du Group Development Pakistan, une ONG locale qui milite pour des réformes légales.
Une loi criminalisant les agressions sexuelles sur les enfants est en cours de discussion au Sénat.
Ces réformes sont d'autant plus urgentes qu'un nombre croissant d'abus sexuels sur enfants sont mis au jour, selon l'ONG Sahil, qui les répertorie en s'appuyant sur la presse, en l'absence de statistiques officielles.
Pour la militante des droits de l'Homme Hina Jilani, ces abus sexuels "sont de plus en plus dénoncés".
"C'est une bonne chose, mais cela doit être fait avec sensibilité", souligne la militante, déplorant l'absence de personnes formées pour interroger les enfants, et le manque d'enthousiasme de la police pour enquêter sur des crimes sexuels.
Un gros travail de sensibilisation reste à faire dans un pays ultraconservateur où même les familles rechignent à intervenir.
"L'importance accordée à l'honneur et la réputation pousse les parents à ne pas dénoncer les agressions sexuelles", déplore Mme Jilani.
'Coupable et non victime'
Ces difficultés ont précipité la jeune Sonia, 18 ans, vers la prostitution.
"Si je l'avais dit à ma famille, personne n'aurait voulu porter plainte", explique la frêle jeune fille, car le viol est "insultant".
Difficile pour elle de porter plainte seule, "car il n'y a pas de femme policier au commissariat", dit-elle.
Ayant perdu son emploi, elle s'est mise à se prostituer par l'intermédiaire d'un salon de beauté pour faire vivre sa famille.
Maquillage léger, tenue moderne mais discrète, elle a tout d'une lycéenne sans histoires -si ce n'est qu'elle marche seule dans la rue en pleine nuit.
Elle n'accepte de raconter cet engrenage infernal que dans un lieu neutre, entièrement voilée et sous un prénom d'emprunt car elle sait qu'elle risque gros, la prostitution étant sévèrement punie au Pakistan.
"Si je dénonce tout cela, je n'aurai aucun soutien, je serai considérée comme coupable (de prostitution) et non victime", souligne-t-elle, d'autant qu'elle n'est protégée par aucun âge limite de consentement sexuel.
Elle risque donc la prison -surtout vu son origine sociale et son niveau d'éducation trop élevés pour qu'on lui trouve des circonstances atténuantes.
A Hussain Khan Wala, les parents des enfants abusés n'attendent qu'une seule chose du gouvernement: qu'il aide ces jeunes à refaire leur vie ailleurs.
Pour Muhammad, un ouvrier dont le fils de 17 ans peine à se reconstruire, ils "devraient être envoyés à Islamabad ou à l'étranger, car ils ne peuvent plus étudier ici, il faut les éloigner de cette ambiance".
"Je ne regrette pas d'avoir parlé, mais depuis, les gens me regardent de travers." Six mois après un retentissant scandale de pédophilie au Pakistan, les jeunes victimes ayant bravé le tabou ne sont pas sûres d'obtenir justice et encore moins de pouvoir se reconstruire.
Irfan, 16 ans, a été abusé pendant plus de cinq ans par un groupe de son village. Jusqu'à l'été 2015, ces derniers ont forcé au moins 20 enfants à se livrer à des actes sexuels devant des caméras puis vendu les vidéos ou fait chanter les familles, sans que la police n'intervienne.
Face à l'indignation de l'opinion publique pakistanaise, 37 personnes ont finalement été arrêtées, dont 20 doivent être jugées.
De plus en plus de familles osent dénoncer les abus dont les enfants sont victimes, mais la lutte contre les prédateurs sexuels reste balbutiante au Pakistan. De puissants tabous, des lois lacunaires et le manque de prévention alimentent un phénomène longtemps invisible mais ancré dans la société.
Dans les ruelles tortueuses de Hussain Khan Wala, gros bourg du Pendjab rural, Irfan traîne son mal-être, comme d'autres adolescents stigmatisés et sans soutien après des années d'abus.
"Je me sens très mal quand mes amis me regardent. Je sais ce qu'ils pensent, marmonne-t-il. Mes camarades de classe et mes enseignants me méprisent, j'ai arrêté d'aller à l'école."
Lorsque des familles, confrontées aux images insoutenables, ont fini par dénoncer les agresseurs en juillet, les policiers ont fait la sourde oreille, "faisant preuve de négligence criminelle voire de connivence" avec les accusés, dont certains étaient issus de familles influentes, déplore l'organisme gouvernemental pour les droits de l'Homme.
Il a fallu que des heurts éclatent entre police et plaignants en août, avec des dizaines de blessés, pour que les politiques, craignant que l'affaire ne ternisse leur image, s'en saisissent et ordonnent un vaste coup de filet.
Livrés en pâture
Familles et victimes ont alors été livrées en pâture aux médias, et des responsables locaux ont avancé le chiffre de 280 enfants abusés, sur fond de règlement de comptes entre clans.
Six mois plus tard, l'enquête a établi que 20 jeunes avaient été victimes de viols et de sodomie, les deux seuls crimes sexuels reconnus par la loi pakistanaise. Le code pénal ne condamne ni les agressions sexuelles sans pénétration, ni la pédopornographie, ni l'exploitation sexuelle à fins commerciales des enfants.
"Cette affaire montre qu'il n'y a pas de structure institutionnelle pour prendre en charge les agressions sexuelles ni pour protéger les enfants", souligne Valérie Khan, directrice du Group Development Pakistan, une ONG locale qui milite pour des réformes légales.
Une loi criminalisant les agressions sexuelles sur les enfants est en cours de discussion au Sénat.
Ces réformes sont d'autant plus urgentes qu'un nombre croissant d'abus sexuels sur enfants sont mis au jour, selon l'ONG Sahil, qui les répertorie en s'appuyant sur la presse, en l'absence de statistiques officielles.
Sahil, qui constatait moins de 2.000 cas en 2008, en a dénombré plus de 3.500 en 2014, une augmentation "qui reflète une prise de conscience du problème par la société".
Pour la militante des droits de l'Homme Hina Jilani, ces abus sexuels "sont de plus en plus dénoncés".
"C'est une bonne chose, mais cela doit être fait avec sensibilité", souligne la militante, déplorant l'absence de personnes formées pour interroger les enfants, et le manque d'enthousiasme de la police pour enquêter sur des crimes sexuels.
Un gros travail de sensibilisation reste à faire dans un pays ultraconservateur où même les familles rechignent à intervenir.
"L'importance accordée à l'honneur et la réputation pousse les parents à ne pas dénoncer les agressions sexuelles", déplore Mme Jilani.
'Coupable et non victime'
Ces difficultés ont précipité la jeune Sonia, 18 ans, vers la prostitution.
Contrainte d'abandonner ses études à la mort de son père, elle s'est retrouvée à la merci d'un employeur qui a abusé d'elle lorsqu'elle avait 16 ans, mais qu'elle n'a jamais dénoncé.
"Si je l'avais dit à ma famille, personne n'aurait voulu porter plainte", explique la frêle jeune fille, car le viol est "insultant".
Difficile pour elle de porter plainte seule, "car il n'y a pas de femme policier au commissariat", dit-elle.
Ayant perdu son emploi, elle s'est mise à se prostituer par l'intermédiaire d'un salon de beauté pour faire vivre sa famille.
Maquillage léger, tenue moderne mais discrète, elle a tout d'une lycéenne sans histoires -si ce n'est qu'elle marche seule dans la rue en pleine nuit.
Elle n'accepte de raconter cet engrenage infernal que dans un lieu neutre, entièrement voilée et sous un prénom d'emprunt car elle sait qu'elle risque gros, la prostitution étant sévèrement punie au Pakistan.
"Si je dénonce tout cela, je n'aurai aucun soutien, je serai considérée comme coupable (de prostitution) et non victime", souligne-t-elle, d'autant qu'elle n'est protégée par aucun âge limite de consentement sexuel.
Elle risque donc la prison -surtout vu son origine sociale et son niveau d'éducation trop élevés pour qu'on lui trouve des circonstances atténuantes.
Nombre d'enfants abusés et prostitués sont, eux, issus de familles très défavorisées. Garçons à tout faire dans les auberges, jeunes masseurs exerçant en plein air, danseuses animant les soirées, petites mains dans les services de transport sont particulièrement vulnérables, soulignent les ONG, d'autant que les pouvoirs publics se désintéressent de leur sort.
A Hussain Khan Wala, les parents des enfants abusés n'attendent qu'une seule chose du gouvernement: qu'il aide ces jeunes à refaire leur vie ailleurs.
Pour Muhammad, un ouvrier dont le fils de 17 ans peine à se reconstruire, ils "devraient être envoyés à Islamabad ou à l'étranger, car ils ne peuvent plus étudier ici, il faut les éloigner de cette ambiance".
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