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L'amour dure trois ans, la révolution a duré une semaine

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Six ans après les évènements de Janvier 2011, la Tunisie aura probablement vécu une seule semaine révolutionnaire depuis cet hiver-là; précisément la toute première suivant le départ du dictateur. La suite n'ayant été qu'un ensemble d'avancées libertaires et sociales pour certains, professionnelles pour d'autres, ou parfois encore des régressions, économiques ou sécuritaires.

La semaine du quatorze au vingt-et-un (ou un peu plus, ou un peu moins), parce qu'elle a porté un changement de valeurs palpable, positif total et complet dans l'esprit de nos concitoyens est la plus révolutionnaire et la plus aboutie des trois cents douze qui l'ont suivies jusqu'à ce jour.

Malgré la terreur, malgré les incertitudes et les quelques pillages, jamais les Tunisiens n'auront été plus courtois en conduisant, plus disciplinés en faisant la queue, plus attentionnés envers leurs proches, jamais en réalité ils n'auront porté, dans leur histoire moderne, un rêve aussi puissant que durant ces sept premiers jours, jamais ils n'auront eu une telle volonté de changement intérieur, jamais ils n'auront autant porté en eux un amour aussi sincère et désintéressé pour la nation alors que rien ne les forçait à le faire, et du moins pas l'Etat, jadis si fort et à cet instant-là frappé d'une soudaine stupeur.

Mais le rêve puissant était aussi lourd à porter, contraignant, et les descendants de l'armée d'Hannibal se sont laissé à leur tour tenter de nouveau, comme jadis leurs aïeux, par les petits plaisirs des klaxons bruyants, des feux brûlés et du slalom dans les queues des boulangeries, échouant après avoir traversé en plein hiver les rudes montagnes que d'aucun ne pensait franchissables, échouant à prendre Rome la révolutionnaire au printemps.

La révolution du quatorze Janvier a donc duré une semaine. Il s'en est suivi une cascade d'épisodes et les vents tantôt hostiles tantôt cléments ont poussé le navire vers des terres incertaines. Mais où va donc la galère Tunisie alors que tous les chemins devraient mener à Rome?

Pour y répondre, posons-nous la question élémentaire: qui mène la barque? Tout le monde et personne à la fois, lit-on dans la constitution de 2014. Le système politique actuel fait que le pouvoir est distribué entre les différents protagonistes pour qu'il n'émerge aucun homme fort. Le président de la République s'est vu attribuer des prérogatives limitées et le chef du gouvernement est dépeint comme un fusible qui saute à chaque saute d'humeur d'un conclave de partis qui ne se mouillent pas. Les parlementaires, eux, quand ils ne s'absentent pas, tergiversent de longs mois sur des sujets pour lesquels ils ne sont pas forcément qualifiés avant de pouvoir pondre la moindre loi.

C'est la peur qui gouverne l'Ère du Consensus. La peur au sein des partis qui nomment un gouvernement pour ne pas le soutenir, la peur au sein du gouvernement d'un syndicat surpuissant, la peur au sein de la population qu'un bord ou l'autre prenne les rênes tout seul.

Au final, nous ne nous sommes pas distribué le pouvoir mais nous nous sommes partagés les freins. Et au moment où il faudra passer à la caisse, il n'y aura personne pour payer. Au moment de voter, tout le monde sera équitablement responsable. Qui sanctionner et qui récompenser?

Les partis auront pris leurs distances des politiques d'un gouvernement qu'ils n'auront jamais sérieusement soutenu, le président de la République arguera qu'il n'avait pas plus de prérogatives que cela et le(s) chef(s) du gouvernement se plaindra(ont) d'avoir eu à mener tout seul(s) la bataille. Il n'y a pas de responsable clair et désigné, un homme qui mène sa politique jusqu'au bout pour assumer ses résultats, pas même un parti responsable puisqu'aucun d'eux n'obtiendra la majorité absolue pour gouverner. La faute est désormais collective. Faudra-t-il alors qu'on élise un nouveau peuple? Peut-être pas, mais il faudra urgemment qu'on se nomme une nouvelle conscience pour enfin gagner la quatrième guerre punique.

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