Les grands conflits politiques qui ont marqué la Première République en Tunisie ont certainement laissé des traces qui, quelques soixante ans plus tard, sont toujours visibles parmi nous. C'est pourquoi l'établissement de la vérité sur les violations des droits de l'Homme intervenues entre 1956 et 2011, la détermination des responsabilités institutionnelles, l'indemnisation et la réhabilitation des victimes semble un devoir national.
Mais cette obsession pour la vérité a conduit certains responsables de l'Instance Vérité et Dignité (IVD) à confondre trois notions distinctes: la justice, la mémoire et l'histoire.
Cette confusion est éclatante avec la notion de plus en plus prégnante du "devoir de mémoire", ou comment la nécessité de connaître ou de se remémorer les tragédies de la dictature s'est transformée en injonction impérieuse et permanente, partie prenante d'un nouveau système de références morales.
Une fois encore, cette équation du rapport entre justice, mémoire et histoire vient perturber les fondements de l'historien professionnel qui n'a pas d'autres choix que se sentir démuni méthodologiquement devant les souvenirs personnels télévisés, devant les témoignages de la mémoire individuelle et devant une justice appelée à écrire l'histoire en s'accaparant de la mémoire des victimes pour agir comme historienne officielle.
Il est vrai que cette démarche n'est pas monnaie courante. Elle est avant tout caractéristique de sociétés traversées par des crimes graves, souvent commis par l'État, lui-même associé à un ancien régime dictatorial. C'est alors le nouveau régime, démocratique, qui met en place ce recours à la mémoire. Il faut donc qu'il y ait eu passage vers un État de droit.
C'est par volonté de rupture avec le passé pour établir de nouvelles bases démocratiques que le nouvel État institue de telles démarches. C'est aussi pour permettre aux milliers de victimes laissées sans voix de pouvoir obtenir enfin une forme de justice. L'histoire des torts subis, exprimée par le témoignage, peut alors s'écrire et quitter la simple mémoire collective pour trouver sa place au sein de l'Histoire. Donc, l'équation du rapport entre la justice, la mémoire collective et l'Histoire fait partie de cette justice transitionnelle dans laquelle le concept de subjectivité intervient avec force.
Ce dernier introduit une dimension historiographique. Mais la question de l'utilisation de l'Histoire et de la mémoire collective pour des fins juridiques et vice-versa de la justice pour des fins historiographiques n'est pas simple. Des problèmes méthodologiques, épistémologiques et éthiques traversent ces rapports à un point tel qu'ils menacent l'essence même de ces champs d'action et de connaissance.
En effet, l'histoire universelle représente pour certain un panier d'exemples puisque le recours à la mémoire subjective pour des fins juridiques et/ou politiques ne date pas d'hier car on trouve des traces qui peuvent remonter jusqu'à la Grèce antique, et des expressions comme le "tribunal de l'histoire" reflètent une vision du rôle de l'historien qui n'a plus sa place aujourd'hui alors que ce dernier, dans son rôle de scientifique, cherche plutôt à comprendre qu'à porter des jugements.
La démarche historiographique se veut avant tout critique et a-morale contrairement au travail sur mémoire qui vise, entre autres, à comprendre et illustrer pourquoi il en est ainsi grâce à l'étude de cas particulièrement éclairants.
Néanmoins, si on prend le cas de drames tels que nous l'avons découvert dans les premières auditions publiques des victimes organisées par IVD, l'historien se retrouve bien à écrire une histoire dont la dimension morale est intimement présente alors qu'il se voit confronté à une représentation et une narration qui ne cadrent plus dans la philosophie de l'histoire dominante.
Cette philosophie est celle où la notion de temps est linéaire et la notion d'histoire est fondée sur une base documentaire variée. De ce phénomène découle maintenant le choc des mémoires émotionnelles ou bien le devoir d'historiciser la mémoire ce qui peut menacer, dans une perspective de longue durée, l'histoire scientifique de la transition tunisienne. C'est pourquoi, la recherche de l'équilibre entre la mémoire, l'histoire et la justice devra être l'un des premières priorités de l'IVD.
La question méthodologique s'impose donc à tous les membres de l'IVD pour pouvoir construire une mémoire collective qui ne se confond pas avec l'histoire savante car si la mémoire a toujours consisté à juger le passé, la démarche historique cherche maintenant à rendre le passé présent mais à travers une méthodologique objective et scientifique.
Mais cette obsession pour la vérité a conduit certains responsables de l'Instance Vérité et Dignité (IVD) à confondre trois notions distinctes: la justice, la mémoire et l'histoire.
Cette confusion est éclatante avec la notion de plus en plus prégnante du "devoir de mémoire", ou comment la nécessité de connaître ou de se remémorer les tragédies de la dictature s'est transformée en injonction impérieuse et permanente, partie prenante d'un nouveau système de références morales.
Une fois encore, cette équation du rapport entre justice, mémoire et histoire vient perturber les fondements de l'historien professionnel qui n'a pas d'autres choix que se sentir démuni méthodologiquement devant les souvenirs personnels télévisés, devant les témoignages de la mémoire individuelle et devant une justice appelée à écrire l'histoire en s'accaparant de la mémoire des victimes pour agir comme historienne officielle.
Il est vrai que cette démarche n'est pas monnaie courante. Elle est avant tout caractéristique de sociétés traversées par des crimes graves, souvent commis par l'État, lui-même associé à un ancien régime dictatorial. C'est alors le nouveau régime, démocratique, qui met en place ce recours à la mémoire. Il faut donc qu'il y ait eu passage vers un État de droit.
C'est par volonté de rupture avec le passé pour établir de nouvelles bases démocratiques que le nouvel État institue de telles démarches. C'est aussi pour permettre aux milliers de victimes laissées sans voix de pouvoir obtenir enfin une forme de justice. L'histoire des torts subis, exprimée par le témoignage, peut alors s'écrire et quitter la simple mémoire collective pour trouver sa place au sein de l'Histoire. Donc, l'équation du rapport entre la justice, la mémoire collective et l'Histoire fait partie de cette justice transitionnelle dans laquelle le concept de subjectivité intervient avec force.
Ce dernier introduit une dimension historiographique. Mais la question de l'utilisation de l'Histoire et de la mémoire collective pour des fins juridiques et vice-versa de la justice pour des fins historiographiques n'est pas simple. Des problèmes méthodologiques, épistémologiques et éthiques traversent ces rapports à un point tel qu'ils menacent l'essence même de ces champs d'action et de connaissance.
En effet, l'histoire universelle représente pour certain un panier d'exemples puisque le recours à la mémoire subjective pour des fins juridiques et/ou politiques ne date pas d'hier car on trouve des traces qui peuvent remonter jusqu'à la Grèce antique, et des expressions comme le "tribunal de l'histoire" reflètent une vision du rôle de l'historien qui n'a plus sa place aujourd'hui alors que ce dernier, dans son rôle de scientifique, cherche plutôt à comprendre qu'à porter des jugements.
La démarche historiographique se veut avant tout critique et a-morale contrairement au travail sur mémoire qui vise, entre autres, à comprendre et illustrer pourquoi il en est ainsi grâce à l'étude de cas particulièrement éclairants.
Néanmoins, si on prend le cas de drames tels que nous l'avons découvert dans les premières auditions publiques des victimes organisées par IVD, l'historien se retrouve bien à écrire une histoire dont la dimension morale est intimement présente alors qu'il se voit confronté à une représentation et une narration qui ne cadrent plus dans la philosophie de l'histoire dominante.
Cette philosophie est celle où la notion de temps est linéaire et la notion d'histoire est fondée sur une base documentaire variée. De ce phénomène découle maintenant le choc des mémoires émotionnelles ou bien le devoir d'historiciser la mémoire ce qui peut menacer, dans une perspective de longue durée, l'histoire scientifique de la transition tunisienne. C'est pourquoi, la recherche de l'équilibre entre la mémoire, l'histoire et la justice devra être l'un des premières priorités de l'IVD.
La question méthodologique s'impose donc à tous les membres de l'IVD pour pouvoir construire une mémoire collective qui ne se confond pas avec l'histoire savante car si la mémoire a toujours consisté à juger le passé, la démarche historique cherche maintenant à rendre le passé présent mais à travers une méthodologique objective et scientifique.
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