Cher Professeur,
Je pourrais très bien commencer par citer "Adieu Monsieur le Professeur", vous savez cette chanson d'Hugues Aufray, mais je vous vois déjà en train de me regarder par dessus vos lunettes en me disant: "c'est cheap!".
Alors, je ne prendrai pas le risque.
Néanmoins, ce début de lettre me fait étrangement penser à mon début de commentaire d'arrêt, l'arrêt Khachnaoui; probablement l'un des commentaires les plus réussi que j'ai pu faire. Ou, plutôt, le seul commentaire d'arrêt que j'ai pu réussir.
D'ailleurs, je ne sais même plus s'il était réussi. Mais, je me souviens de vos remarques.
Puis, surtout, je me souviens de la manière avec laquelle vous m'aviez dit "rien ne passe avant mes étudiants", quand je vous ai dit que vous étiez sans doute trop pris pour avoir le temps de corriger mon travail.
J'ai pris l'habitude de noter toutes les phrases marquantes que vous disiez. Il y en a une que j'affectionne particulièrement et que je dirai à mes étudiants, le jour où je pourrai, à mon tour, enseigner le droit.
"Prenons un exemple très loin du droit: la mécanique automobile. Généralement vous allez avoir deux types de profils. Il y a d'abord ce monsieur que vous allez voir quand vous avez un petit pépin ; il va se pencher sous la voiture et probablement resserrer un joint. Vous lui donnez vingt dinars, vous lui tapotez sur l'épaule et vous lui dites: 'au prochain pépin!'.
À coté vous avez un homme ou une femme qui rentre dans son bureau, prend une très grande feuille et dessine le nouveau modèle de Lamborghini.
C'est à vous de choisir si vous voulez resserrer des joints ou dessiner des Lamborghini. It depends on you! Les deux font de la mécanique automobile".
Une fois, vous m'aviez sévèrement reproché de ne pas "arrondir les bouts", "à votre âge vous êtes trop carrée" m'aviez-vous dit. Alors, je vais vous écouter, et je ne serai pas carrée.
Même si je sais qu'en janvier, j'entrerai dans la salle 15 où vous ne serez pas. Il n'y aura pas de droit administratif de la concurrence, cet enseignement qui me tenait personnellement à cœur vu qu'il regroupe les deux parties du droit qui me fascinent le plus.
Il n'y aura pas de droit administratif de la concurrence et la salle 15 ne connaitra plus les interrogations tripartites posées par Mustapha, Ismail et moi.
Alors, je vais arrondir les bouts.
Aujourd'hui vous désertez la salle 15 de la Faculté des Sciences Juridiques pour porter haut le pays et le représenter à l'UNESCO.
Car en plus de votre amour du droit, votre amour de la Tunisie est contagieux. Alors, on finit par croire que c'est pour la bonne cause comme qui dirait.
Car, quelque part vous nous appreniez à "mieux" aimer la Tunisie et même l'idée de l'administration malgré les gens qui y travaillent, l'ambiance paresseuse, le "système fiscal inique".
Et, vous vous adressiez à nos cerveaux et non à nos poignets. Et vous disiez: "Indiscutablement vous êtes l'avenir du pays et c'est pour cela que vous former est la meilleure manière de servir le pays".
Il serait vraiment farfelu d'essayer de dresser une liste exhaustive de ce que vous nous avez appris.
Mais, je tiens par dessus tout à vous remercier de m'avoir appris à croire en moi, et en mes rêves de "jeune publiciste" ou "jeune administrativiste" comme vous le dites si bien, à être une "éponge imbibée", à prendre la connaissance puis à faire le tri. A repenser ma carrière éventuelle comme le bonheur, car même notre vision du bonheur vous intéressait ; ce qui me permet de m'interroger sur mon bonheur juridique.
Vous souvenez-vous de la première chose que vous nous aviez dite?
"Je vais changer votre vie. Et, à défaut de changer votre vie, je changerai votre perception du droit. Vous êtes étudiants en deuxième année de licence fondamentale en droit public. C'est la meilleure chose que vous puissiez faire".
Et, oui, vous avez changé ma vie, ma perception du droit et cette deuxième année de droit public a été la meilleure chose que je puisse faire. Quoique ma phrase paraisse nombriliste, elle s'applique à une grande partie des étudiants de ma promotion sinon tous les étudiants ayant lustré les chaises de la salle 15 dans votre cours de droit administratif.
Le plus étrange reste la "mauvaise réputation" du droit administratif, qu'on accuse d'être une matière rébarbative car trop prétorienne, et complexe. Parlons-nous de la même matière?
Parlons-nous le même langage? Car, avec vous le droit administratif est plus qu'un enseignement. C'est presque un style de vie. La couche sucrée du mille feuille. C'est un langage que les "techniciens du droit" ne parlent pas.
"Nous ne faisons pas de juridisme. Ici, nous faisons du Droit, du Grand droit." Et, moi, comme beaucoup de vos étudiants, je consacrerai ma vie à faire du Droit, du Grand Droit.
Puissiez-vous, cher professeur, trouver en ces quelques mots l'expression de mon éternelle reconnaissance.
Je pourrais très bien commencer par citer "Adieu Monsieur le Professeur", vous savez cette chanson d'Hugues Aufray, mais je vous vois déjà en train de me regarder par dessus vos lunettes en me disant: "c'est cheap!".
Alors, je ne prendrai pas le risque.
Néanmoins, ce début de lettre me fait étrangement penser à mon début de commentaire d'arrêt, l'arrêt Khachnaoui; probablement l'un des commentaires les plus réussi que j'ai pu faire. Ou, plutôt, le seul commentaire d'arrêt que j'ai pu réussir.
D'ailleurs, je ne sais même plus s'il était réussi. Mais, je me souviens de vos remarques.
Puis, surtout, je me souviens de la manière avec laquelle vous m'aviez dit "rien ne passe avant mes étudiants", quand je vous ai dit que vous étiez sans doute trop pris pour avoir le temps de corriger mon travail.
J'ai pris l'habitude de noter toutes les phrases marquantes que vous disiez. Il y en a une que j'affectionne particulièrement et que je dirai à mes étudiants, le jour où je pourrai, à mon tour, enseigner le droit.
"Prenons un exemple très loin du droit: la mécanique automobile. Généralement vous allez avoir deux types de profils. Il y a d'abord ce monsieur que vous allez voir quand vous avez un petit pépin ; il va se pencher sous la voiture et probablement resserrer un joint. Vous lui donnez vingt dinars, vous lui tapotez sur l'épaule et vous lui dites: 'au prochain pépin!'.
À coté vous avez un homme ou une femme qui rentre dans son bureau, prend une très grande feuille et dessine le nouveau modèle de Lamborghini.
C'est à vous de choisir si vous voulez resserrer des joints ou dessiner des Lamborghini. It depends on you! Les deux font de la mécanique automobile".
Une fois, vous m'aviez sévèrement reproché de ne pas "arrondir les bouts", "à votre âge vous êtes trop carrée" m'aviez-vous dit. Alors, je vais vous écouter, et je ne serai pas carrée.
Même si je sais qu'en janvier, j'entrerai dans la salle 15 où vous ne serez pas. Il n'y aura pas de droit administratif de la concurrence, cet enseignement qui me tenait personnellement à cœur vu qu'il regroupe les deux parties du droit qui me fascinent le plus.
Il n'y aura pas de droit administratif de la concurrence et la salle 15 ne connaitra plus les interrogations tripartites posées par Mustapha, Ismail et moi.
Alors, je vais arrondir les bouts.
Aujourd'hui vous désertez la salle 15 de la Faculté des Sciences Juridiques pour porter haut le pays et le représenter à l'UNESCO.
Car en plus de votre amour du droit, votre amour de la Tunisie est contagieux. Alors, on finit par croire que c'est pour la bonne cause comme qui dirait.
Car, quelque part vous nous appreniez à "mieux" aimer la Tunisie et même l'idée de l'administration malgré les gens qui y travaillent, l'ambiance paresseuse, le "système fiscal inique".
Et, vous vous adressiez à nos cerveaux et non à nos poignets. Et vous disiez: "Indiscutablement vous êtes l'avenir du pays et c'est pour cela que vous former est la meilleure manière de servir le pays".
Il serait vraiment farfelu d'essayer de dresser une liste exhaustive de ce que vous nous avez appris.
Mais, je tiens par dessus tout à vous remercier de m'avoir appris à croire en moi, et en mes rêves de "jeune publiciste" ou "jeune administrativiste" comme vous le dites si bien, à être une "éponge imbibée", à prendre la connaissance puis à faire le tri. A repenser ma carrière éventuelle comme le bonheur, car même notre vision du bonheur vous intéressait ; ce qui me permet de m'interroger sur mon bonheur juridique.
Vous souvenez-vous de la première chose que vous nous aviez dite?
"Je vais changer votre vie. Et, à défaut de changer votre vie, je changerai votre perception du droit. Vous êtes étudiants en deuxième année de licence fondamentale en droit public. C'est la meilleure chose que vous puissiez faire".
Et, oui, vous avez changé ma vie, ma perception du droit et cette deuxième année de droit public a été la meilleure chose que je puisse faire. Quoique ma phrase paraisse nombriliste, elle s'applique à une grande partie des étudiants de ma promotion sinon tous les étudiants ayant lustré les chaises de la salle 15 dans votre cours de droit administratif.
Le plus étrange reste la "mauvaise réputation" du droit administratif, qu'on accuse d'être une matière rébarbative car trop prétorienne, et complexe. Parlons-nous de la même matière?
Parlons-nous le même langage? Car, avec vous le droit administratif est plus qu'un enseignement. C'est presque un style de vie. La couche sucrée du mille feuille. C'est un langage que les "techniciens du droit" ne parlent pas.
"Nous ne faisons pas de juridisme. Ici, nous faisons du Droit, du Grand droit." Et, moi, comme beaucoup de vos étudiants, je consacrerai ma vie à faire du Droit, du Grand Droit.
Puissiez-vous, cher professeur, trouver en ces quelques mots l'expression de mon éternelle reconnaissance.
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