Dans notre pays, comme dans tout pays indépendant, les systèmes d'enseignement du primaire au supérieur devraient être le produit de transformations continuellement construites en tenant compte des développements culturels, politiques, techniques et scientifiques mondiaux, et en adaptant à nos propres particularités les meilleurs systèmes didactiques dont nous pouvons avoir connaissance.
Malheureusement en Tunisie, pendant le protectorat et au moment de l'indépendance, nous avons importé un système d'enseignement français, sans tenir compte de notre histoire précédente et en rupture avec elle.
Ce coup de massue porté à notre système d'enseignement a entraîné un résultat: les nouvelles générations, amnésiques du passé, sont largement convaincues que la connaissance est de nationalité française, et ne peut s'acquérir qu'en langue française.
Il en découle immédiatement que dans notre pays la majorité des chefs d'entreprises n'arrivent pas à imaginer une créativité locale. Ils n'envisagent que le commerce d'importation, ou le montage sur place de pièces importées auxquelles ils n'ajoutent aucune plus-value.
Parmi l'ensemble des questions liées à la décolonisation économique, figure cette règle: aucun pays n'a acquis la maitrise de la technologie mondiale, afin d'être capable de concevoir et d'innover, sans maîtriser les termes techniques dans sa langue nationale, sa langue de culture et d'éducation. Notre pays en est l'illustration parfaite.
Chez nous, techniciens et ouvriers qualifiés subissent leur formation en langue française, donnée par des formateurs qui ne maitrisent pas bien la langue. Pour en donner une illustration comique - ou sinistre, au choix - qu'est-ce qu'une "valeur misérable" en physique et en technologie? A l'élève de deviner (?) qu'il s'agit d'une valeur mesurable.
Ce système développe la mentalité de l'à-peu-près chez les nouvelles générations, une mentalité contraire à tout développement technologique, qui ne permet même pas d'exécuter correctement des tâches techniques basiques. Et que dire de l'esprit ascientifique engendré de la même manière par l'à-peu-près linguistique des élèves et des professeurs dans l'enseignement des sciences et des mathématiques au lycée.
La pédagogie des mathématiques repose pour une part sur l'emploi d'un ensemble d'images véhiculées par la langue pour approcher des notions totalement abstraites. Ces images sont utiles au départ pour aborder des concepts inconnus, et pour mettre en place un paysage intuitif. Quelle personne sensée pourra admettre qu'un professeur tunisien, qui ne maitrise pas suffisamment bien le français comme langue de culture et tente de l'utiliser devant des élèves compatriotes qui ne le maitrisent pas du tout, au lieu d'utiliser l'arabe, arrivera à remplir au mieux son rôle de pédagogue?
Sur un socle mal maîtrisé de connaissances approximatives acquises dans l'enseignement secondaire, nos enfants sont les champions du "répondre juste" à l'examen sans avoir rien compris au fond. Ils récitent par cœur abracadabra. Le résultat est visible à l'œil nu, aussi bien au cours de l'enseignement universitaire s'ils s'y dirigent, que dans le monde du travail. Tout le monde s'en plaint. Et il est à noter que la plus grande densité d'échec scolaire se produit en première année secondaire, là où la langue d'enseignement des mathématiques passe de l'arabe au français. Les élèves décrochent.
Au contraire, illustrons notre propos par des exemples positifs. Les pays arriérés ou très arriérés sur le plan industriel et de la recherche scientifique et technologique dans les années soixante, et qui ont réussi à émerger, sont ceux qui utilisent leur langue nationale: Corée du Sud, Iran, Turquie, Indonésie et même, le Vietnam.
La Slovaquie, pays minuscule de 5 millions et demi d'habitants, dont la langue nationale n'est parlée par aucun autre peuple, attire l'attention, car dans ce pays la langue utilisée jusque dans l'enseignement universitaire est le slovaque; les étudiants disposent des (meilleurs) livres universitaires américains traduits en slovaque, et les universités slovaques sont mieux reconnues au niveau international que les universités tunisiennes.
De son côté l'université hébraïque de Jérusalem, créée en 1925, enseigne toutes les matières, y compris la médecine, en hébreux et elle est classée parmi les 100 premières dans le classement de Shanghai. Le slovaque ou l'hébreu seraient-elles des langues plus aptes à intégrer de nouveaux lexiques techniques que la langue arabe?
Dans les années soixante, la Tunisie était au même niveau de sous-développement que la Corée du Sud. Imitons les Coréens! Enseignons la médecine dans la langue que maitrisent les étudiants et que comprennent les patients, l'arabe.
La France propose une aide bienvenue pour améliorer l'enseignement du français dans nos collèges et lycées. Elle y gagnera la diffusion de sa culture à l'étranger, nous y gagnerons une meilleure maîtrise de cette langue. Ces accords peuvent être "gagnant-gagnant" à condition que nous utilisions notre maîtrise de la langue française pour mieux étudier l'expérience française en matière de didactique des disciplines scientifiques: tirons exemple de la France, où ces disciplines s'enseignent bien entendu en français, pour mieux concevoir leur enseignement chez nous, bien entendu en ... arabe.
Le gouvernement tunisien arrivera-t-il à résister à certaines pressions politiques françaises néocoloniales et à ceux qui, chez nous, souhaitent imposer le maintien du français comme langue d'enseignement élémentaire des sciences et des techniques? Après la Révolution, on peut l'espérer, et tendre vers l'indépendance culturelle, base de notre souveraineté et source de créativité, de développement et de plus d'égalité dans l'amitié et le partenariat avec de la France.
Malheureusement en Tunisie, pendant le protectorat et au moment de l'indépendance, nous avons importé un système d'enseignement français, sans tenir compte de notre histoire précédente et en rupture avec elle.
Ce coup de massue porté à notre système d'enseignement a entraîné un résultat: les nouvelles générations, amnésiques du passé, sont largement convaincues que la connaissance est de nationalité française, et ne peut s'acquérir qu'en langue française.
Il en découle immédiatement que dans notre pays la majorité des chefs d'entreprises n'arrivent pas à imaginer une créativité locale. Ils n'envisagent que le commerce d'importation, ou le montage sur place de pièces importées auxquelles ils n'ajoutent aucune plus-value.
Parmi l'ensemble des questions liées à la décolonisation économique, figure cette règle: aucun pays n'a acquis la maitrise de la technologie mondiale, afin d'être capable de concevoir et d'innover, sans maîtriser les termes techniques dans sa langue nationale, sa langue de culture et d'éducation. Notre pays en est l'illustration parfaite.
Chez nous, techniciens et ouvriers qualifiés subissent leur formation en langue française, donnée par des formateurs qui ne maitrisent pas bien la langue. Pour en donner une illustration comique - ou sinistre, au choix - qu'est-ce qu'une "valeur misérable" en physique et en technologie? A l'élève de deviner (?) qu'il s'agit d'une valeur mesurable.
Ce système développe la mentalité de l'à-peu-près chez les nouvelles générations, une mentalité contraire à tout développement technologique, qui ne permet même pas d'exécuter correctement des tâches techniques basiques. Et que dire de l'esprit ascientifique engendré de la même manière par l'à-peu-près linguistique des élèves et des professeurs dans l'enseignement des sciences et des mathématiques au lycée.
La pédagogie des mathématiques repose pour une part sur l'emploi d'un ensemble d'images véhiculées par la langue pour approcher des notions totalement abstraites. Ces images sont utiles au départ pour aborder des concepts inconnus, et pour mettre en place un paysage intuitif. Quelle personne sensée pourra admettre qu'un professeur tunisien, qui ne maitrise pas suffisamment bien le français comme langue de culture et tente de l'utiliser devant des élèves compatriotes qui ne le maitrisent pas du tout, au lieu d'utiliser l'arabe, arrivera à remplir au mieux son rôle de pédagogue?
Sur un socle mal maîtrisé de connaissances approximatives acquises dans l'enseignement secondaire, nos enfants sont les champions du "répondre juste" à l'examen sans avoir rien compris au fond. Ils récitent par cœur abracadabra. Le résultat est visible à l'œil nu, aussi bien au cours de l'enseignement universitaire s'ils s'y dirigent, que dans le monde du travail. Tout le monde s'en plaint. Et il est à noter que la plus grande densité d'échec scolaire se produit en première année secondaire, là où la langue d'enseignement des mathématiques passe de l'arabe au français. Les élèves décrochent.
Au contraire, illustrons notre propos par des exemples positifs. Les pays arriérés ou très arriérés sur le plan industriel et de la recherche scientifique et technologique dans les années soixante, et qui ont réussi à émerger, sont ceux qui utilisent leur langue nationale: Corée du Sud, Iran, Turquie, Indonésie et même, le Vietnam.
La Slovaquie, pays minuscule de 5 millions et demi d'habitants, dont la langue nationale n'est parlée par aucun autre peuple, attire l'attention, car dans ce pays la langue utilisée jusque dans l'enseignement universitaire est le slovaque; les étudiants disposent des (meilleurs) livres universitaires américains traduits en slovaque, et les universités slovaques sont mieux reconnues au niveau international que les universités tunisiennes.
De son côté l'université hébraïque de Jérusalem, créée en 1925, enseigne toutes les matières, y compris la médecine, en hébreux et elle est classée parmi les 100 premières dans le classement de Shanghai. Le slovaque ou l'hébreu seraient-elles des langues plus aptes à intégrer de nouveaux lexiques techniques que la langue arabe?
Dans les années soixante, la Tunisie était au même niveau de sous-développement que la Corée du Sud. Imitons les Coréens! Enseignons la médecine dans la langue que maitrisent les étudiants et que comprennent les patients, l'arabe.
La France propose une aide bienvenue pour améliorer l'enseignement du français dans nos collèges et lycées. Elle y gagnera la diffusion de sa culture à l'étranger, nous y gagnerons une meilleure maîtrise de cette langue. Ces accords peuvent être "gagnant-gagnant" à condition que nous utilisions notre maîtrise de la langue française pour mieux étudier l'expérience française en matière de didactique des disciplines scientifiques: tirons exemple de la France, où ces disciplines s'enseignent bien entendu en français, pour mieux concevoir leur enseignement chez nous, bien entendu en ... arabe.
Le gouvernement tunisien arrivera-t-il à résister à certaines pressions politiques françaises néocoloniales et à ceux qui, chez nous, souhaitent imposer le maintien du français comme langue d'enseignement élémentaire des sciences et des techniques? Après la Révolution, on peut l'espérer, et tendre vers l'indépendance culturelle, base de notre souveraineté et source de créativité, de développement et de plus d'égalité dans l'amitié et le partenariat avec de la France.
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