
Je suis italien mais j'ai un mal inguérissable, le mal du "bled". Quand il m'arrive de sentir l'odeur du jasmin je commence à penser au Golfe de Tunis, aux bougainvilliers, à la sortie du Lycée Cailloux quand monsieur "Je-Suis-Là" vendait des Carambars aux étudiants, aux matchs de foot dans les ruelles de Sidi Bou Said avec mes amis du quartier, aux merveilles de Carthage, Dougga et El Jem.
Quand tu te sens tunisien (même si tu ne l'es pas) et tu résides en Europe, tu vis quotidiennement un conflit entre ta vision de la Tunisie, une vision claire et réelle, et la perception déformée que mes concitoyens européens ont du pays.
"La Tunisie est un pays dangereux, affilié à Daech, c'est un pays plein d'extrémismes et d'extrémistes ". Telle est, en moyenne, la perception que les européens ont malheureusement aujourd'hui de la Tunisie et plus généralement du Monde Arabe.
Quand tu regardes la télévision italienne tu vois rarement des reportages sur la Tunisie où l'on montre ses richesses et sa modernité. On ne parle jamais des femmes tunisiennes, de leur rôle primaire au sein de la société, véritables anges gardiens de la démocratie et piliers de la nouvelle constitution. On entend rarement parler du seul pays arabe réellement démocratique, qui a un gouvernement légitimement élu, où tout le monde a le droit d'exprimer son opinion sans avoir peur d'être censuré (même un italien comme moi!).
Les médias ne parlent que de l'immigration clandestine, du petit délinquant maghrébin, des attentats de Sousse et du Bardo. L'image du pays a été souvent détruite, les touristes européens hésitent à visiter la Tunisie et les entrepreneurs qui voudraient investir dans le pays abandonnent leurs projets.
La sensation est donc, qu'après plus de deux mille ans, il y ait encore un large soutien au mot d'ordre de Caton: "Carthago Delenda est" ("Carthage est à détruire! ")
Certes, la Tunisie connait aujourd'hui plusieurs problèmes et nombreux sont les enjeux, que ça soit au niveau économique ou social, mais cinq ans après la révolution et de multiples moments de crise, le pays voit enfin de la lumière au bout du tunnel et il est temps que cet obscurantisme lié à l'image de la Tunisie se dissipe.
Pour ce faire la Tunisie a récemment adopté, au niveau économique, un nouveau code des investissements permettant, on l'espère, de favoriser le climat des affaires dans le pays et un plan quinquennal visant à atteindre, à partir de 2020, un rythme de croissance annuel supérieur à 4 %.
Ces mesures feront l'objet d'une conférence internationale qui aura lieu à Tunis le 29 et 30 novembre 2016 et que le gouvernement a promu, grâce à un road show, dans différents pays européens et aux États-Unis.
Le 20 octobre 2016 le road show est arrivé à Milan, en Italie, le deuxième partenaire économique et commercial de la Tunisie. L'étape milanaise du road show tunisien est celle qui, d'après les organisateurs, a eu le plus de succès, ce qui démontre encore une fois le lien étroit existant entre ces deux pays de la rive nord et sud de la Méditerranée.
La Tunisie était représentée par le Ministre du Développement, de l'Investissement et de la Coopération Internationale, M. Mohamed Fadhel Abdelkefi, le Commissaire de Tunisia 2020, M. Mourad Fradi, le Directeur de FIPA, M. Khalil Laabidi, le nouvel Ambassadeur de Tunisie en Italie, M. Moez Sinaoui, le Chargé des Relations Internationales de UTICA, M. Slim Ghorbel et un illustre délégué de l'industrie tunisienne, M. Chekib Nouira. Etaient aussi présentes différentes personnalités italiennes et tunisiennes parmi lesquelles Mme. Afef Jnifen et la Consule Générale Nadra Rais Drij.
Le road show milanais a marqué un moment important non seulement au niveau économique mais pour l'image de la Tunisie en général. L'impression qui a été donnée est celle d'un pays finalement uni à tous les niveaux (institutionnel, économique mais aussi social) qui est en train de "faire équipe" dans le seul but d'améliorer son propre futur.
Dans ce contexte le nouveau gouvernement aura un rôle fondamental et devra démontrer non seulement qu'il dispose d'une vision claire sur le moyen long terme mais aussi de savoir mettre en pratique ses idées.
A ce sujet il faut cependant être clair: si la mise en pratique des projets ne sera pas accompagnée d'une grande campagne médiatique visant à modifier la fausse perception que les étrangers ont malheureusement du pays, tous les efforts seront vains.
Il faudra dire très clairement, mais surtout faire comprendre, que la Tunisie n'est pas un pays dangereux, que le peuple tunisien est accueillant et a toujours fait de la diversité sa richesse, qu'en Tunisie la femme est autant respectée que dans les pays occidentaux, que la Tunisie est un État de droit, que les touristes et les entreprises étrangères sont les bienvenus, que la religion a certes un rôle fondamental mais qu'en Tunisie, historiquement, les musulmans, chrétiens et juifs tunisiens sont avant tout des tunisiens.
Carthago non delenda est!
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