Alors que le traumatisme de l'attentat de Nice, qui a provoqué la mort de 86 personnes le 14 juillet dernier, est encore très vif, la question du port du "burkini" (contraction des mots "burqa" et "bikini"), maillot de bain d'inspiration religieuse, sur les plages publiques françaises a fait des vagues, très vite transformées en petite houle quand le Conseil d'État a replacé cette affaire dans son cadre réel.
Retour sur le cas "Burkini"
Le maire de Cannes a été le premier à prendre le 28 juillet un arrêté interdisant sur les plages cannoises les tenues de plage "manifestant de manière ostentatoire une appartenance religieuse".
Le 5 août une autre commune, Villeneuve-Loubet (Alpes-Maritimes) a pris un arrêté similaire interdisant la baignade à "toute personne ne disposant pas d'une tenue correcte, respectueuse des bonnes mœurs et du principe de laïcité, et respectant les règles d'hygiène et de sécurité adaptées au domaine public maritime".
Le 16 août, le maire de Sisco (Corse) leur emboite le pas suite à une violente rixe ayant éclaté entre des jeunes corses et des familles d'origine maghrébine lorsque plusieurs femmes qui se baignaient en burkini étaient prises en photo par des touristes.
La photo qui a fait le tour du monde
La scène s'est déroulée à quelques encablures du lieu du sanglant attentat du 14 juillet. Quatre policiers se sont approchés d'une femme en burkini, l'ont entourée et l'ont forcée à enlever son maillot de bain islamique. Les photos de l'interpellation ont provoqué une vague de critiques sur les réseaux sociaux suscitant incompréhension et stupéfaction à l'étranger.
Le tribunal administratif de Nice valide l'arrêté anti-"burkini"
Le Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF), association de lutte contre les actes antimusulmans, et trois particuliers ont introduit un recours en référé tendant à suspendre l'arrêté pris par la mairie de Cannes interdisant le port du burkini sur les plages.
Le même recours a été introduit par le CCIF allié, cette fois, à la Ligue des Droits de l'Homme (LDH) contre un arrêté similaire du maire de Villeneuve-Loubet.
Le Tribunal administratif de Nice persiste et valide les arrêtés des maires en question en rejetant les recours déposés dans des décisions longuement motivées. Le tribunal estime que dans le "contexte" de l'attentat de Nice le 14 Juillet et de celui de l'assassinat du prêtre le 26 Juillet "qui a directement visé la religion chrétienne", cette mesure d'interdiction du port du "burkini" est "nécessaire, adaptée et proportionnée" pour éviter des troubles à l'ordre public.
Il observe que "quelle que soit la religion, les plages ne constituent pas un lieu adéquat pour exprimer de façon ostentatoire ses convictions religieuses. Elles n'ont pas vocations à être érigées en lieu de culte et doivent au contraire rester un lieu de neutralité religieuse".
Enfin, le tribunal ajoute même que cette tenue peut également être analysée comme "l'expression d'un effacement" de la femme et d' "un abaissement de sa place qui n'est pas conforme à son statut dans une société démocratique".
Le tribunal administratif semble fonder ses arguments non pas sur le droit mais sur des appréciations morales et contextuelles.
Décision du Conseil d'État: un exemple de sagesse
Après le rejet par le tribunal administratif de sa demande de suspension de l'arrêté municipal, le CCIF a déposé un recours devant la plus haute juridiction administrative demandant aux juges de "s'abstraire de la polémique politique pour dire le droit".
Le Conseil d'État a finalement décidé de suspendre l'arrêté de la commune de Villeneuve-Loubet (Alpes-Maritimes) considérant, entre autres, que "l'arrêt contesté a porté une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales que sont la liberté d'aller et venir, la liberté de conscience et la liberté personnelle".
Selon le Conseil d'État "les restrictions qu'il [le maire] apporte aux libertés doivent être justifiées par des risques avérés d'atteinte à l'ordre public".
En invalidant l'arrêté en question, cette décision aura désormais valeur de jurisprudence. Certes les arrêtés pris dans les autres communes concernées restent en vigueur jusqu'à ce qu'ils soient contestés en justice, mais cette décision permettra d'affirmer qu'en cas de recours dans d'autres communes, les autres arrêtés seront eux aussi suspendus.
Bras de fer de Nicolas Sarkozy, l'ONU intervient
Trois jours après la décision du Conseil d'État, l'ancien président de la république, Nicolas Sarkozy, a étrangement déclaré qu'il demande "une loi qui interdirait spécifiquement le port du burkini sur une plage et dans les piscines".
Interrogé sur le caractère anticonstitutionnel d'une pareille loi, il s'est dit prêt à "changer la Constitution s'il le faut".
Si les arrêtés "anti-burkini" pris au nom de l'irrespect des bonnes mœurs et du principe de laïcité ont été suspendus par la plus haute juridiction administrative française pour "atteintes" aux libertés fondamentales et "absence d'atteinte" à l'ordre public, une telle déclaration de l'ancien chef d'état n'alimenterait-elle pas l'intolérance religieuse et la stigmatisation des femmes de confession musulmane en France?
Face à cette position aggravant les tensions et annihilant les efforts destinés à combattre l'extrémisme violent, le Haut-Commissariat aux droits de l'homme de l'ONU est intervenu pour remettre les pendules à l'heure en fustigeant les élus français pour incitation à la haine et considérant les arrêtés comme "hautement discriminatoires".
Tunisie: le burkini a-t-il bien trouvé sa place sur les plages tunisiennes?
En sillonnant les plages tunisiennes nous constatons, depuis la révolution, une évolution considérable de tenues de plus en plus pudiques: bermuda, bas de survêtement, short en jean, djebba, robe parfois transparente plus suggestive qu'un maillot classique... et quelques burkinis.
Naturellement, les bikinis et autres maillots de bain sont toujours présents. Toutes les déclinaisons de maillots sont aussi répandues qu'autorisées.
Certes des incidents d'intolérance ont été enregistrés, mais la Tunisie a choisi de prôner la liberté vestimentaire.
Tunisie: quelles limites à la liberté vestimentaire?
Ces incidents, quels qu'ils soient, doivent toujours - avec sagesse et argumentaire juridique - être replacés dans l'espace qu'ils ne doivent jamais quitter: celui du droit.
C'est ainsi que le Tribunal Administratif a rejeté le recours d'une étudiante contre l'administration de la faculté des lettres de Sousse pour avoir été empêchée de s'inscrire car elle portait le voile intégral "Niqab" refusant ainsi de se découvrir le visage.
Son recours a été introduit sur la base de l'atteinte à la liberté vestimentaire. L'administration y a répondu par la nécessité de dévoiler le visage pour des soucis pédagogiques et le devoir de respecter les règlements au sein de tout établissement universitaire auxquels sont assujettis les étudiants.
L'article 20 du règlement intérieur est clair: "Tout étudiant doit décliner son identité et montrer son visage à chaque fois qu'on le lui demande: lors de son inscription, pendant les cours, la durée des examens, et le temps qu'il faut pendant la tenue de son mémoire ou de sa thèse ou s'il est encore convoqué à répondre devant un conseil de discipline".
Le tribunal administratif a estimé dans sa décision que le recours n'était pas fondé et que l'intéressée devait se plier au règlement intérieur de la faculté, prescrivant que l'étudiant désireux d'accomplir les formalités d'inscription doit se présenter à visage découvert pour être reconnu.
C'est la force du droit qui doit l'emporter
La controverse du burkini qui a frisé l'hystérie a été finalement clôturée comme il se doit en démocratie: c'est le droit qui régit l'exercice de la liberté et de la laïcité.
LIRE AUSSI:La Tunisie condamne avec fermeté l'attentat de Nice
Retour sur le cas "Burkini"
Le maire de Cannes a été le premier à prendre le 28 juillet un arrêté interdisant sur les plages cannoises les tenues de plage "manifestant de manière ostentatoire une appartenance religieuse".
Le 5 août une autre commune, Villeneuve-Loubet (Alpes-Maritimes) a pris un arrêté similaire interdisant la baignade à "toute personne ne disposant pas d'une tenue correcte, respectueuse des bonnes mœurs et du principe de laïcité, et respectant les règles d'hygiène et de sécurité adaptées au domaine public maritime".
Le 16 août, le maire de Sisco (Corse) leur emboite le pas suite à une violente rixe ayant éclaté entre des jeunes corses et des familles d'origine maghrébine lorsque plusieurs femmes qui se baignaient en burkini étaient prises en photo par des touristes.
La photo qui a fait le tour du monde
La scène s'est déroulée à quelques encablures du lieu du sanglant attentat du 14 juillet. Quatre policiers se sont approchés d'une femme en burkini, l'ont entourée et l'ont forcée à enlever son maillot de bain islamique. Les photos de l'interpellation ont provoqué une vague de critiques sur les réseaux sociaux suscitant incompréhension et stupéfaction à l'étranger.
LIRE AUSSI:Burkini: La puissance des images, la violence des faits
Le tribunal administratif de Nice valide l'arrêté anti-"burkini"
Le Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF), association de lutte contre les actes antimusulmans, et trois particuliers ont introduit un recours en référé tendant à suspendre l'arrêté pris par la mairie de Cannes interdisant le port du burkini sur les plages.
Le même recours a été introduit par le CCIF allié, cette fois, à la Ligue des Droits de l'Homme (LDH) contre un arrêté similaire du maire de Villeneuve-Loubet.
Le Tribunal administratif de Nice persiste et valide les arrêtés des maires en question en rejetant les recours déposés dans des décisions longuement motivées. Le tribunal estime que dans le "contexte" de l'attentat de Nice le 14 Juillet et de celui de l'assassinat du prêtre le 26 Juillet "qui a directement visé la religion chrétienne", cette mesure d'interdiction du port du "burkini" est "nécessaire, adaptée et proportionnée" pour éviter des troubles à l'ordre public.
Il observe que "quelle que soit la religion, les plages ne constituent pas un lieu adéquat pour exprimer de façon ostentatoire ses convictions religieuses. Elles n'ont pas vocations à être érigées en lieu de culte et doivent au contraire rester un lieu de neutralité religieuse".
Enfin, le tribunal ajoute même que cette tenue peut également être analysée comme "l'expression d'un effacement" de la femme et d' "un abaissement de sa place qui n'est pas conforme à son statut dans une société démocratique".
Le tribunal administratif semble fonder ses arguments non pas sur le droit mais sur des appréciations morales et contextuelles.
Décision du Conseil d'État: un exemple de sagesse
Après le rejet par le tribunal administratif de sa demande de suspension de l'arrêté municipal, le CCIF a déposé un recours devant la plus haute juridiction administrative demandant aux juges de "s'abstraire de la polémique politique pour dire le droit".
Le Conseil d'État a finalement décidé de suspendre l'arrêté de la commune de Villeneuve-Loubet (Alpes-Maritimes) considérant, entre autres, que "l'arrêt contesté a porté une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales que sont la liberté d'aller et venir, la liberté de conscience et la liberté personnelle".
Selon le Conseil d'État "les restrictions qu'il [le maire] apporte aux libertés doivent être justifiées par des risques avérés d'atteinte à l'ordre public".
En invalidant l'arrêté en question, cette décision aura désormais valeur de jurisprudence. Certes les arrêtés pris dans les autres communes concernées restent en vigueur jusqu'à ce qu'ils soient contestés en justice, mais cette décision permettra d'affirmer qu'en cas de recours dans d'autres communes, les autres arrêtés seront eux aussi suspendus.
Bras de fer de Nicolas Sarkozy, l'ONU intervient
Trois jours après la décision du Conseil d'État, l'ancien président de la république, Nicolas Sarkozy, a étrangement déclaré qu'il demande "une loi qui interdirait spécifiquement le port du burkini sur une plage et dans les piscines".
Interrogé sur le caractère anticonstitutionnel d'une pareille loi, il s'est dit prêt à "changer la Constitution s'il le faut".
Si les arrêtés "anti-burkini" pris au nom de l'irrespect des bonnes mœurs et du principe de laïcité ont été suspendus par la plus haute juridiction administrative française pour "atteintes" aux libertés fondamentales et "absence d'atteinte" à l'ordre public, une telle déclaration de l'ancien chef d'état n'alimenterait-elle pas l'intolérance religieuse et la stigmatisation des femmes de confession musulmane en France?
Face à cette position aggravant les tensions et annihilant les efforts destinés à combattre l'extrémisme violent, le Haut-Commissariat aux droits de l'homme de l'ONU est intervenu pour remettre les pendules à l'heure en fustigeant les élus français pour incitation à la haine et considérant les arrêtés comme "hautement discriminatoires".
Tunisie: le burkini a-t-il bien trouvé sa place sur les plages tunisiennes?
En sillonnant les plages tunisiennes nous constatons, depuis la révolution, une évolution considérable de tenues de plus en plus pudiques: bermuda, bas de survêtement, short en jean, djebba, robe parfois transparente plus suggestive qu'un maillot classique... et quelques burkinis.
Naturellement, les bikinis et autres maillots de bain sont toujours présents. Toutes les déclinaisons de maillots sont aussi répandues qu'autorisées.
LIRE AUSSI:Pourquoi le burkini est interdit dans quelques piscines d'hôtels en Tunisie?
Certes des incidents d'intolérance ont été enregistrés, mais la Tunisie a choisi de prôner la liberté vestimentaire.
Tunisie: quelles limites à la liberté vestimentaire?
Ces incidents, quels qu'ils soient, doivent toujours - avec sagesse et argumentaire juridique - être replacés dans l'espace qu'ils ne doivent jamais quitter: celui du droit.
C'est ainsi que le Tribunal Administratif a rejeté le recours d'une étudiante contre l'administration de la faculté des lettres de Sousse pour avoir été empêchée de s'inscrire car elle portait le voile intégral "Niqab" refusant ainsi de se découvrir le visage.
Son recours a été introduit sur la base de l'atteinte à la liberté vestimentaire. L'administration y a répondu par la nécessité de dévoiler le visage pour des soucis pédagogiques et le devoir de respecter les règlements au sein de tout établissement universitaire auxquels sont assujettis les étudiants.
L'article 20 du règlement intérieur est clair: "Tout étudiant doit décliner son identité et montrer son visage à chaque fois qu'on le lui demande: lors de son inscription, pendant les cours, la durée des examens, et le temps qu'il faut pendant la tenue de son mémoire ou de sa thèse ou s'il est encore convoqué à répondre devant un conseil de discipline".
Le tribunal administratif a estimé dans sa décision que le recours n'était pas fondé et que l'intéressée devait se plier au règlement intérieur de la faculté, prescrivant que l'étudiant désireux d'accomplir les formalités d'inscription doit se présenter à visage découvert pour être reconnu.
C'est la force du droit qui doit l'emporter
La controverse du burkini qui a frisé l'hystérie a été finalement clôturée comme il se doit en démocratie: c'est le droit qui régit l'exercice de la liberté et de la laïcité.
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