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L'opportunisme des uns ne doit pas nous faire oublier la souffrance des autres et la justesse de la cause

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Le corps inerte, la respiration saccadée sous l'effet de l'intubation... il est dans le coma et une mère en sanglots, criant le nom de son fils, nous livre sa peine, cherche un brin de soulagement dans nos regards.

Inutile de chercher, les visages blêmes et les regards attristés. Notre malheur est un. J'avais envie de la blâmer autant que de la prendre dans mes bras. Inutile aussi, elle se charge elle-même de se blâmer, rongée par les regrets. Elle explique, se justifie, ses raisons se nichent dans une société sans pitié autant pour Ahmed que pour sa famille, dans l'ignorance, dans une éducation qui réfute la différence. Elle clame son amour, se souvient des moments de bonheur partagés, de leur complicité.

Combien encore de fils et de filles en danger de mort et combien de mères tiraillées entre leur amour maternel et le joug des arriérés?

Est-ce la faute seulement à cette mère?

Osons un mea-culpa, nous qui avons propulsé dans les médias (même avec son consentement explicite) un jeune homme de 19 ans, qui découvre autant le vent de la liberté de la capitale que ses dangers. Nous avons cru, j'avais cru, qu'il suffisait de courage pour défendre la dignité, la cause d'une partie de Tunisiens, stigmatisée, jetée dans les prisons pour leur sexualité.

L'admiration du courage d'Ahmed et des autres nous a éblouis, sans avoir esquissé les retombées de l'hyper médiatisation. Les retombées sont: des insultes quotidiennes, du harcèlement... Combien faut-il de courage pour un jeune homme de 19 ans pour les supporter? pour vivre avec?

L'admiration nous a bernés, nous avons cru à tort, sans faire exprès, dans les moments d'enthousiasme, qu'il s'agissait d'un combat dans un pays civilisé et non dans un État et une société sans pitié, une semi-théocratie.

Je parle des médias de bonne foi. Je ne parle pas des autres, de ceux qui cherchaient le buzz en traitant l'homosexualité, sans se soucier des conséquences d'une telle frénésie derrière le sensationnel, en l'occurrence: jeter en pâture des personnes innocentes, les fragiliser encore plus.

Enfin, je connais pleins d'opportunistes dans cette société civile tunisienne, dans le milieu LGBT tunisien mais l'opportunisme des uns ne doit pas faire oublier la justesse des valeurs qu'on défend.

Ahmed n'a pas tenté de se suicider pour attirer les regards -excessivement braqués sur lui- ou les sympathies des ambassades comme disent certains, il les a déjà. Il aurait pu dans ses multiples voyages en France ou ailleurs rester et ne pas revenir en demandant un droit d'asile.

Et méfiez vous des apparences, derrières ses joyeuses photos sur les réseaux sociaux, derrière ses ironies et ses sarcasmes, dernière son humour que nous chérissons tant, pour ceux qui le connaissent personnellement, il y a un jeune homme déjà meurtri à 19 ans, et qui a de l'expérience, d'amères expériences.

Un homme capable de te faire rire, et te faire pleurer l'instant d'après.

Moi qui avais rendez vous avec lui, pour faire la fête, pour "changer d'air" comme nous l'avions prévu... C'était une demie heure avant sa deuxième tentative de suicide, ne peux désormais qu'espérer...

Courage, à un ami dont nous craignons la perte - ce qui serait tout simplement un gâchis-, d'un homme brillant dont j'admire la sensibilité, la vivacité d'esprit et l'intelligence émotionnelle, rarement vue chez un garçon de son âge!

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