Selon le baromètre politique de SIGMA Conseil du mois de Juin (publie par le journal Al-Maghreb), basé entre-autres sur l'indicateur de satisfaction vis-à-vis des différentes personnalités politiques tunisiennes, plus de 38% des Tunisiens se déclarent insatisfaits par la présidence de Béji Caïd Essebsi. 25% d'entre eux se déclarent "pas du tout satisfait". Une popularité en perte de vitesse qui vient fragiliser une Tunisie déjà fortement affaiblie par la crise économique annonciatrice d'une profonde crise politique.
Certains pointent du doigt l'échec politique d'une présidence, qui peine à affirmer la politique du renouveau, d'autres parlent d'un simple échec communicationnel d'un Président qui "n'imprime" plus dans l'opinion publique et a du mal à convaincre et à séduire comme pouvait le faire en son temps le candidat.
Pourquoi? Comment comprendre un tel renversement de l'image?
Les promesses "oubliées"
Les premières explications tiennent bien évidement à un constat d'échec en grande partie lié à des promesses électorales non tenues et un écart entre les convictions affichées du président et ses réalisations.
Les manœuvres politiques engagées peu avant le début de son mandat pour un partage du pouvoir et une protection mutuelle avec le parti islamiste sur fond de réhabilitation des "azlams" (les "restes" de l'ancien régime) , y compris son propre rejeton, ont été peu appréciées par l'opinion publique et sont venu casser la crédibilité d'une institution qui a décidément du mal à s'en relever.
Une communication sans ambition
Une autre explication peu évoquée tiendrait surtout à une carence manifeste dans la communication du palais de Carthage qui ne parvient pas à présenter la fonction présidentielle sous une image nouvelle, moderne et alignée sur une politique de changement.
Pourtant au cœur de l'action des communicants du palais tient la stratégie d' "un nouveau style de présidence pour une nouvelle république".
D'abord soucieux de faire taire les rumeurs sur l'état de santé du Président ou ses capacités (vu son âge) dans la fonction, les communicants du palais ont misé sur la fabrication d'un personnage de premier plan: un président dynamique, omniprésent, au courant de tout, qui commente tout et surtout, un "Raïs" ("Président") dont on parle.
Malgré ses 90 ans, le président a visiblement un agenda fort chargé, il multiplie les rencontres, les visites, les interviews et discours et donne les signes d'une activité intense.
Où est le mal? Il le serait dans la nouvelle architecture institutionnelle: une présidence qui perd de sa pertinence décisionnelle et qui semble gérer douloureusement une frustration politico institutionnelle dans la mesure où le régime mixte prive "Siyadet erraïs" ("Monsieur le président") de ces prérogatives décisionnelles bien inscrites dans la culture politique des tunisiens depuis l'indépendance. Et par conséquent, des attributs du "guide" omniprésent et omnipotent.
Cependant, on notera quelques tentatives pour valoriser l'image de l'instance présidentielle: lors de ses voyages et des rencontres, on voit un Béji Caïd Essebsi rajeuni, adoptant une bonne prestance vestimentaire, une posture élégante, une démarche sure, un front bien haut, une bonne alternance des lunettes claire et des lunettes de soleil (dites "Bourguibienne") et un ton de voix et des sourires étudiés.
Pourtant, seule "la communication" manque car cela reste un travail d'impression aussi ordinaire qu'éphémère, et qui dans le fond semble traiter à contrecœur avec les concepts de révolution, démocratie et de participation à la décision.
Toutefois ce qui était censé dynamiser l'image du président et moderniser son institution, a en fait produit l'inverse.
L'objectif quasi obsessionnel de faire de Béji Caïd Essebsi un personnage de premier plan a plutôt tourné au gavage communicationnel.
L'usage des réseaux sociaux dans la communication présidentielle est à ce titre exemplaire.
Sa page Facebook et son comptes Twitter, principaux outils de sa communication, couvrent ses moindres fait et gestes tous les jours et plusieurs fois par jour en photo, en audio et en vidéo.
Parce que le président est trop visible, parle trop souvent pour dire ce qu'il pense de telle ou telle affaire, l'information relayée pas ses communicants est devenue excessive, répétitive et maigre en matière informationnelle.
Une moyenne de 8 articles sur 10 sur le président de la République ne dépassent pas les 5 lignes et se limitent à un bref compte rendu sur la forme de son activité plutôt que son fond.
Le résultat n'est pas probant car il aboutit à une banalisation du locuteur et la dissipation de toute curiosité par le citoyen à l'égard de la symbolicité de la fonction présidentielle.
Si le président est moins fascinant et moins convaincant que le candidat, c'est parce son image est devenue banale, ronde et sans aspérités. C'est justement cette banalisation qui a fait couter à sa présidence l'échec lamentable de sa proposition de loi sur la réconciliation, la faible mobilisation pour le fond de la lutte antiterroriste et sa peine grandissante à mener à bon port son projet de gouvernement d'union nationale qu'il présenta aux tunisiens comme une option décisive.
Une Communication routinière
Une deuxième explication possible et complémentaire a la première tient au style de la communication: L'activité présidentielle est présentée au Tunisien comme un récit qui ne change jamais de forme, répétitif et qui informe peu.
Hormis les rares grandes apparitions publiques du président, la couverture de ses activités se résume à un bref spot générique, une poignée de main, beaucoup de musique, de photos sous tous les angles mais très peu de substance.
Les rares déclarations qui suivent ne sont qu'un prolongement d'un style communicationnel banal, pompeux et sans aucune valeur informationnelle.
Nous sommes encore très loin des pratiques des démocraties avancées, là où les fines joutes verbales entre journalistes et responsables politiques sont devenus un rituel indispensable de la communication gouvernementale, et là où la presse s'approprie la tâche de livrer l'actualité, de commenter ses happenings narratifs dans un style qui éveille les sens et la curiosité.
A Carthage l'information semble catégorisée, mise dans des cases et traitées machinalement selon un schéma procédural digne des vielles administrations publiques et ne laissant que très peu de place à l'originalité et l'innovation sensée éveiller les esprits, canaliser le débat et atténuer les inquiétudes.
Béji le "sage", le "charismatique", le "fin politicien", n'impacte plus du fait d'une communication d'un autre temps.
Un temps où l'on s'assurait de rester au pouvoir par les combinaisons politiques et un garnissage communicationnel condescendant avec une "pédagogie" autoritariste.
Tant que persiste cette bureaucratie communicationnelle peu ou pas ouverte aux normes et rituels démocratiques régis par le dialogue, la transparence et la consistance, tout ce qui sera orchestré en matière de communication présidentielle, interviews, rencontres et déplacements sera inutile et vain.
Et de la disgrâce naitra le rejet. Car, tout est dans l'image, et si l'image est peu crédible c'est que la communication que l'équipe du président à mise en place est loin d'être suffisante.
Des réussites... mitigées
Il n'en reste pas moins qu'un petit nombre de "coups" communicationnels ont quelque peu servi cette phase historique sans que les conseillers de Béji Caïd Essebsi en soient nécessairement les auteurs volontaires.
Un première "réussite" communicationnelle aurait été l'usurpation réussie de Béji Caïd Essebsi du statut de Sheikh au gourou islamiste dont les adeptes stigmatisaient la candidature à la présidence vu son âge avancé.
Rappelons le, c'est bien "Bajbouj" (le doux surnom donné Béji Caïd Essebsi qui n'est plus de mise dans cette crise politique et communicationnelle) d'avant les élections a bien cloué le bec a ses adversaires islamistes sur leur propre "terrain" en exhibant des versets coraniques et des hadiths bien plus à propos que ceux des responsables islamistes qui ont déjà bel et bien mis en veilleuse leurs codes langagiers religieux et leur érudition charaîque.
Au final le "peuple" aura été plus touché par les mots et les citations "musulmanes" du vieux Béji plutôt que son passé politique controversé et le discours rauque et mesuré des dirigeants islamistes.
Un autre "petit- grand coup communicationnel" aurait été semble-t-il l'annonce du retour des statues de Bourguiba. Un acte que..."l'avenir de la Tunisie impose" (dixit Béji Caïd Essebsi lui-même dans un raccourci laconique et peu enclin à expliciter son analyse). Un "coup" sociopolitique d'autant plus réussi que les détracteurs de cet acte symbolique ont fait comme s'ils n'avaient rien vu. Certaines figures supposées hostiles, se sont retenues et ont même acquiescé sans crainte de verser dans le ridicule. En politique bien calculée, "la rougeur à la figure" est de bonne guerre!
Béji, le "beldi" bien mis et beau parleur a bien eu le tour de force (naturel, diront certains) d'associer la "Tunisianité" et le nom de Bourguiba dans un jeu d'image liés à l'État, son prestige et son aura.
Une carence communicationnelle partagée
Toutefois, Il faut admettre qu'en dehors de Carthage et sa politique spécifique, la communication post révolutionnaire en général dans ce contexte démocratique et dans un jeu ouvert entre la classe politique, la société civile et les médias, semble souffrir d'une carence manifeste même si l'on peut identifier quelques "ilots de pertinence" et de professionnalisme. Le sit -in du bardo, le dialogue national impliquant le Quartet, en auront été les moments majeurs.
Face aux médias, les partis politiques et leurs leaders se cantonnent en effet, a un jeu communicationnel des plus sommaires, limité aux apparitions télévisuelles et à quelques phrases bien ficelées (dans un arabe littéraire précieux) sur un ton militant et dans la posture de l'activiste indigné, qui en sait trop, et brandissant souvent la menace de révéler "a la première occasion" un "scandale étouffé".
L'indignation alarmiste a certes ses raisons objectives mais son style reste pauvre. L'allusion à un scandale finit par faire oublier les autres et le vide prédomine jusqu'à l'usure collective et la perte d'intérêt.
Les papillonnages sur les réseaux sociaux ne font qu'amplifier cette lassitude en l'inscrivant dans la banalité et le doute chronique: tout ou presque y est à la fois très vraisemblable mais foncièrement douteux.
Voilà que les joutes politiques s'essoufflent vite et perdent de leur crédibilité. Et l'opinion de perdre le fil des idées et de l'action.
Les idées et les valeurs se diluent. Mais aussi le désir de "suivre les événements": objectif ultime de la communication sociale et politique, faut-il le rappeler!
Une communication politique cohérente pour une Tunisie heureuse
La mission du président de la deuxième République est en effet particulièrement sensible au plan de la communication et des images en jeu dans la société civile: l'enjeu; comment faire oublier les traits du président dictateur omnipotent et omni-violent, mais aussi réhabiliter l'image de l'État qu'un président provisoire a terni de toutes ses forces.
Béji Caïd Essebsi doit se sentir frustré d'être un président plus proche du profil d'un Marzouki (amélioré) que d'un Bourguiba (récupéré) et de savoir que sa communication en est l'unique cause.
Et si elle l'est, c'est parce qu'elle se résume à une synthèse entre l'héritage communicationnel RCDiste de Ben Ali, et l'obsession constante de reproduire au détail près l'image de Bourguiba.
Elle se cantonne dans l'apparence et le superficiel, omettant ainsi l'essentiel de ce qui a fait un Bourguiba au-delà des aléas politiques: un discours fort, un projet de société, un désir de changement et un rêve partagé.
La Tunisie de Béji Caid Essebsi a absolument besoin d'une communication stratégique intelligente, flexible et adaptable, face à cette phase de transition démocratique. Car Béji doit saisir que nous vivons une phase de mutations et d'accélération de l'Histoire dont on doit lui souhaite de vivre d'autres moments plus heureux pour la Tunisie.
A défaut d'une communication présidentielle captivante, on se contentera de cette parenthèse politique qui ne tiendra pas les promesses de ses débuts. Toutefois,
L'histoire ne notera pas que Béji Caïd Essebsi n'était pas comme un président sans communication mais plutôt un président sans place dans l'histoire.
Certains pointent du doigt l'échec politique d'une présidence, qui peine à affirmer la politique du renouveau, d'autres parlent d'un simple échec communicationnel d'un Président qui "n'imprime" plus dans l'opinion publique et a du mal à convaincre et à séduire comme pouvait le faire en son temps le candidat.
Pourquoi? Comment comprendre un tel renversement de l'image?
Les promesses "oubliées"
Les premières explications tiennent bien évidement à un constat d'échec en grande partie lié à des promesses électorales non tenues et un écart entre les convictions affichées du président et ses réalisations.
Les manœuvres politiques engagées peu avant le début de son mandat pour un partage du pouvoir et une protection mutuelle avec le parti islamiste sur fond de réhabilitation des "azlams" (les "restes" de l'ancien régime) , y compris son propre rejeton, ont été peu appréciées par l'opinion publique et sont venu casser la crédibilité d'une institution qui a décidément du mal à s'en relever.
Une communication sans ambition
Une autre explication peu évoquée tiendrait surtout à une carence manifeste dans la communication du palais de Carthage qui ne parvient pas à présenter la fonction présidentielle sous une image nouvelle, moderne et alignée sur une politique de changement.
Pourtant au cœur de l'action des communicants du palais tient la stratégie d' "un nouveau style de présidence pour une nouvelle république".
D'abord soucieux de faire taire les rumeurs sur l'état de santé du Président ou ses capacités (vu son âge) dans la fonction, les communicants du palais ont misé sur la fabrication d'un personnage de premier plan: un président dynamique, omniprésent, au courant de tout, qui commente tout et surtout, un "Raïs" ("Président") dont on parle.
Malgré ses 90 ans, le président a visiblement un agenda fort chargé, il multiplie les rencontres, les visites, les interviews et discours et donne les signes d'une activité intense.
Où est le mal? Il le serait dans la nouvelle architecture institutionnelle: une présidence qui perd de sa pertinence décisionnelle et qui semble gérer douloureusement une frustration politico institutionnelle dans la mesure où le régime mixte prive "Siyadet erraïs" ("Monsieur le président") de ces prérogatives décisionnelles bien inscrites dans la culture politique des tunisiens depuis l'indépendance. Et par conséquent, des attributs du "guide" omniprésent et omnipotent.
Cependant, on notera quelques tentatives pour valoriser l'image de l'instance présidentielle: lors de ses voyages et des rencontres, on voit un Béji Caïd Essebsi rajeuni, adoptant une bonne prestance vestimentaire, une posture élégante, une démarche sure, un front bien haut, une bonne alternance des lunettes claire et des lunettes de soleil (dites "Bourguibienne") et un ton de voix et des sourires étudiés.
Pourtant, seule "la communication" manque car cela reste un travail d'impression aussi ordinaire qu'éphémère, et qui dans le fond semble traiter à contrecœur avec les concepts de révolution, démocratie et de participation à la décision.
Toutefois ce qui était censé dynamiser l'image du président et moderniser son institution, a en fait produit l'inverse.
L'objectif quasi obsessionnel de faire de Béji Caïd Essebsi un personnage de premier plan a plutôt tourné au gavage communicationnel.
L'usage des réseaux sociaux dans la communication présidentielle est à ce titre exemplaire.
Sa page Facebook et son comptes Twitter, principaux outils de sa communication, couvrent ses moindres fait et gestes tous les jours et plusieurs fois par jour en photo, en audio et en vidéo.
Parce que le président est trop visible, parle trop souvent pour dire ce qu'il pense de telle ou telle affaire, l'information relayée pas ses communicants est devenue excessive, répétitive et maigre en matière informationnelle.
Une moyenne de 8 articles sur 10 sur le président de la République ne dépassent pas les 5 lignes et se limitent à un bref compte rendu sur la forme de son activité plutôt que son fond.
Le résultat n'est pas probant car il aboutit à une banalisation du locuteur et la dissipation de toute curiosité par le citoyen à l'égard de la symbolicité de la fonction présidentielle.
Si le président est moins fascinant et moins convaincant que le candidat, c'est parce son image est devenue banale, ronde et sans aspérités. C'est justement cette banalisation qui a fait couter à sa présidence l'échec lamentable de sa proposition de loi sur la réconciliation, la faible mobilisation pour le fond de la lutte antiterroriste et sa peine grandissante à mener à bon port son projet de gouvernement d'union nationale qu'il présenta aux tunisiens comme une option décisive.
Une Communication routinière
Une deuxième explication possible et complémentaire a la première tient au style de la communication: L'activité présidentielle est présentée au Tunisien comme un récit qui ne change jamais de forme, répétitif et qui informe peu.
Hormis les rares grandes apparitions publiques du président, la couverture de ses activités se résume à un bref spot générique, une poignée de main, beaucoup de musique, de photos sous tous les angles mais très peu de substance.
Les rares déclarations qui suivent ne sont qu'un prolongement d'un style communicationnel banal, pompeux et sans aucune valeur informationnelle.
Nous sommes encore très loin des pratiques des démocraties avancées, là où les fines joutes verbales entre journalistes et responsables politiques sont devenus un rituel indispensable de la communication gouvernementale, et là où la presse s'approprie la tâche de livrer l'actualité, de commenter ses happenings narratifs dans un style qui éveille les sens et la curiosité.
A Carthage l'information semble catégorisée, mise dans des cases et traitées machinalement selon un schéma procédural digne des vielles administrations publiques et ne laissant que très peu de place à l'originalité et l'innovation sensée éveiller les esprits, canaliser le débat et atténuer les inquiétudes.
Béji le "sage", le "charismatique", le "fin politicien", n'impacte plus du fait d'une communication d'un autre temps.
Un temps où l'on s'assurait de rester au pouvoir par les combinaisons politiques et un garnissage communicationnel condescendant avec une "pédagogie" autoritariste.
Tant que persiste cette bureaucratie communicationnelle peu ou pas ouverte aux normes et rituels démocratiques régis par le dialogue, la transparence et la consistance, tout ce qui sera orchestré en matière de communication présidentielle, interviews, rencontres et déplacements sera inutile et vain.
Et de la disgrâce naitra le rejet. Car, tout est dans l'image, et si l'image est peu crédible c'est que la communication que l'équipe du président à mise en place est loin d'être suffisante.
Des réussites... mitigées
Il n'en reste pas moins qu'un petit nombre de "coups" communicationnels ont quelque peu servi cette phase historique sans que les conseillers de Béji Caïd Essebsi en soient nécessairement les auteurs volontaires.
Un première "réussite" communicationnelle aurait été l'usurpation réussie de Béji Caïd Essebsi du statut de Sheikh au gourou islamiste dont les adeptes stigmatisaient la candidature à la présidence vu son âge avancé.
Rappelons le, c'est bien "Bajbouj" (le doux surnom donné Béji Caïd Essebsi qui n'est plus de mise dans cette crise politique et communicationnelle) d'avant les élections a bien cloué le bec a ses adversaires islamistes sur leur propre "terrain" en exhibant des versets coraniques et des hadiths bien plus à propos que ceux des responsables islamistes qui ont déjà bel et bien mis en veilleuse leurs codes langagiers religieux et leur érudition charaîque.
Au final le "peuple" aura été plus touché par les mots et les citations "musulmanes" du vieux Béji plutôt que son passé politique controversé et le discours rauque et mesuré des dirigeants islamistes.
Un autre "petit- grand coup communicationnel" aurait été semble-t-il l'annonce du retour des statues de Bourguiba. Un acte que..."l'avenir de la Tunisie impose" (dixit Béji Caïd Essebsi lui-même dans un raccourci laconique et peu enclin à expliciter son analyse). Un "coup" sociopolitique d'autant plus réussi que les détracteurs de cet acte symbolique ont fait comme s'ils n'avaient rien vu. Certaines figures supposées hostiles, se sont retenues et ont même acquiescé sans crainte de verser dans le ridicule. En politique bien calculée, "la rougeur à la figure" est de bonne guerre!
Béji, le "beldi" bien mis et beau parleur a bien eu le tour de force (naturel, diront certains) d'associer la "Tunisianité" et le nom de Bourguiba dans un jeu d'image liés à l'État, son prestige et son aura.
Une carence communicationnelle partagée
Toutefois, Il faut admettre qu'en dehors de Carthage et sa politique spécifique, la communication post révolutionnaire en général dans ce contexte démocratique et dans un jeu ouvert entre la classe politique, la société civile et les médias, semble souffrir d'une carence manifeste même si l'on peut identifier quelques "ilots de pertinence" et de professionnalisme. Le sit -in du bardo, le dialogue national impliquant le Quartet, en auront été les moments majeurs.
Face aux médias, les partis politiques et leurs leaders se cantonnent en effet, a un jeu communicationnel des plus sommaires, limité aux apparitions télévisuelles et à quelques phrases bien ficelées (dans un arabe littéraire précieux) sur un ton militant et dans la posture de l'activiste indigné, qui en sait trop, et brandissant souvent la menace de révéler "a la première occasion" un "scandale étouffé".
L'indignation alarmiste a certes ses raisons objectives mais son style reste pauvre. L'allusion à un scandale finit par faire oublier les autres et le vide prédomine jusqu'à l'usure collective et la perte d'intérêt.
Les papillonnages sur les réseaux sociaux ne font qu'amplifier cette lassitude en l'inscrivant dans la banalité et le doute chronique: tout ou presque y est à la fois très vraisemblable mais foncièrement douteux.
Voilà que les joutes politiques s'essoufflent vite et perdent de leur crédibilité. Et l'opinion de perdre le fil des idées et de l'action.
Les idées et les valeurs se diluent. Mais aussi le désir de "suivre les événements": objectif ultime de la communication sociale et politique, faut-il le rappeler!
Une communication politique cohérente pour une Tunisie heureuse
La mission du président de la deuxième République est en effet particulièrement sensible au plan de la communication et des images en jeu dans la société civile: l'enjeu; comment faire oublier les traits du président dictateur omnipotent et omni-violent, mais aussi réhabiliter l'image de l'État qu'un président provisoire a terni de toutes ses forces.
Béji Caïd Essebsi doit se sentir frustré d'être un président plus proche du profil d'un Marzouki (amélioré) que d'un Bourguiba (récupéré) et de savoir que sa communication en est l'unique cause.
Et si elle l'est, c'est parce qu'elle se résume à une synthèse entre l'héritage communicationnel RCDiste de Ben Ali, et l'obsession constante de reproduire au détail près l'image de Bourguiba.
Elle se cantonne dans l'apparence et le superficiel, omettant ainsi l'essentiel de ce qui a fait un Bourguiba au-delà des aléas politiques: un discours fort, un projet de société, un désir de changement et un rêve partagé.
La Tunisie de Béji Caid Essebsi a absolument besoin d'une communication stratégique intelligente, flexible et adaptable, face à cette phase de transition démocratique. Car Béji doit saisir que nous vivons une phase de mutations et d'accélération de l'Histoire dont on doit lui souhaite de vivre d'autres moments plus heureux pour la Tunisie.
A défaut d'une communication présidentielle captivante, on se contentera de cette parenthèse politique qui ne tiendra pas les promesses de ses débuts. Toutefois,
L'histoire ne notera pas que Béji Caïd Essebsi n'était pas comme un président sans communication mais plutôt un président sans place dans l'histoire.
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