On a beaucoup écrit sur Hassan Hosni Abdelwahab (1883-1968); sa bibliographie s'allonge tous les ans et témoigne de l'intérêt que lui porte l'école historique maghrébine.
Le chercheur tunisien qui veut se mettre à la suite de ses collègues maghrébins peut néanmoins justifier son entreprise en alléguant qu'aucune étude d'ensemble, sauf celle Jalloul Ridane, n'a été faite sur un historien qui fait partie de notre littérature par beaucoup de ses lettres et par certaines de ses œuvres "mineures".
Il peut aussi faire remarquer que son "Résumé de l'histoire de Tunisie" (Koulassat tarikh tounēs) vient d'être réédité et que le moment est peut-être venu de payer une dette de reconnaissance envers un livre qui témoigne presqu'en chacune de ses pages d'un intérêt pour la culture tunisienne qui ne s'est jamais démenti.
Il était donc opportun, loisible, souhaitable même, de consacrer ces lignes au Maître.
Mais comment conduire cette entreprise? Il apparaît vite que tous les aspects importants de son œuvre et de sa personnalité ont déjà retenu l'attention des chercheurs chevronnés.
Les riches péripéties de sa vie sont désormais connues, sa correspondance magistralement éditée, ses dons d'historiens reconnus, sa méthode critique analysée et discutée par les spécialistes. La tentation est forte, dans ces conditions, de penser que tout est dit et que l'on vient trop tard.
Pourtant on ne peut y céder sans esquisser certaines questions que le "Résumé de l'histoire de la Tunisie" soumet au lecteur d'aujourd'hui avec une certaine insistance.
La plus importante, et d'où découle toutes les autres, peut se résumer en quelques mots: comment expliquer la fortune de ce livres?
En effet, ce livre "révolutionnaire" par sa méthode, édité pour la première fois en 1918, fonde sa réputation sur trois bases: l'érudition, le style, et le thème qu'il annonce dans son titre.
Aucun de ces trois éléments, cependant, ne suffit à en faire un classique: les traités de d'Ibn Abi Dinar, de Hamouda Ibn Abdelaziz, ou de Mohamed Seghir Ben Youssef ne sont plus connus que des spécialistes; les autres mémoires de Hassan Hosni Abdelwahab lui même ont moins de lecteurs que son "Résumé de l'histoire de Tunisie" alors qu'ils sont de la même main. Quant au problème de la tunisianité, d'autres historiens de la fin du 19ème siècle et du début du 20ème siècle en ont traité sans autant passer à la postérité.
Il reste à expliquer comment, en prenant un triple appui sur les bases qui viennent d'être décrites, un historien a pu s'élever au-dessus de son temps, se faire consacrer par ses paires et par le public de la Régence puis par le public de la première République et demeure pour nous l'un des prosateurs marquants de l'historiographie tunisienne.
Il y a en effet quelque chose de paradoxal dans le fait que ce soient les critiques de l'époque bourguibienne qui ont fait de Hassan Hosni Abdelwahab ce qu'il est devenu.
Beaucoup d'historiens lui ont consacré des travaux et l'on peut ajouter à leurs noms ceux des sociologues et des politologues.
Pourtant, le "Résumé de l'histoire de Tunisie" incarne toutes les contradictions et toutes les certitudes de la Tunisie du début du 20ème siècle; cette Tunisie qui se veut nouvelle, différente mais en même temps fière de son passé trois fois millénaire.
Si le public continue à lire ce livre, c'est parce qu'il a capté dans son style les forces vives, les forces profondes de la pensée de son temps.
Mais Hassan Hosni Abdelwahab semble n'avoir vécue que pour un livre.
Son Recueil de l'histoire littéraire tunisienne (Moujmal tarikh el-adab attounoussi), son livre de la vie (Kitab el-omr), ainsi que son Tunisiennes célèbres (Chahirat tounoussiyat), témoignent d'une somme de travail comparable à celle des grands historiens de son époque. Pourtant, son "Résumé" reste le plus vivant.
Le lecteur de ce livre phare s'étonne de voir que la philosophie de l'histoire qui s'en dégage est finalement assez proche du "Précis de l'histoire de France" de Jules Michelet.
Ainsi commence à apparaître, dans la Tunisie du début du 20ème siècle, un sentiment nouveau et sublime de la profondeur, de l'immensité du passé. D'où l'étrange impression ressentie par le lecteur du "Résumé de l'histoire de Tunisie" lorsqu'il y trouve toute l'acuité du rationnel, toute l'amplitude de l'imaginaire, pour que les leçons de l'histoire se nimbent d'une vision de l'histoire.
Le chercheur tunisien qui veut se mettre à la suite de ses collègues maghrébins peut néanmoins justifier son entreprise en alléguant qu'aucune étude d'ensemble, sauf celle Jalloul Ridane, n'a été faite sur un historien qui fait partie de notre littérature par beaucoup de ses lettres et par certaines de ses œuvres "mineures".
Il peut aussi faire remarquer que son "Résumé de l'histoire de Tunisie" (Koulassat tarikh tounēs) vient d'être réédité et que le moment est peut-être venu de payer une dette de reconnaissance envers un livre qui témoigne presqu'en chacune de ses pages d'un intérêt pour la culture tunisienne qui ne s'est jamais démenti.
Il était donc opportun, loisible, souhaitable même, de consacrer ces lignes au Maître.
Mais comment conduire cette entreprise? Il apparaît vite que tous les aspects importants de son œuvre et de sa personnalité ont déjà retenu l'attention des chercheurs chevronnés.
Les riches péripéties de sa vie sont désormais connues, sa correspondance magistralement éditée, ses dons d'historiens reconnus, sa méthode critique analysée et discutée par les spécialistes. La tentation est forte, dans ces conditions, de penser que tout est dit et que l'on vient trop tard.
Pourtant on ne peut y céder sans esquisser certaines questions que le "Résumé de l'histoire de la Tunisie" soumet au lecteur d'aujourd'hui avec une certaine insistance.
La plus importante, et d'où découle toutes les autres, peut se résumer en quelques mots: comment expliquer la fortune de ce livres?
En effet, ce livre "révolutionnaire" par sa méthode, édité pour la première fois en 1918, fonde sa réputation sur trois bases: l'érudition, le style, et le thème qu'il annonce dans son titre.
Aucun de ces trois éléments, cependant, ne suffit à en faire un classique: les traités de d'Ibn Abi Dinar, de Hamouda Ibn Abdelaziz, ou de Mohamed Seghir Ben Youssef ne sont plus connus que des spécialistes; les autres mémoires de Hassan Hosni Abdelwahab lui même ont moins de lecteurs que son "Résumé de l'histoire de Tunisie" alors qu'ils sont de la même main. Quant au problème de la tunisianité, d'autres historiens de la fin du 19ème siècle et du début du 20ème siècle en ont traité sans autant passer à la postérité.
Il reste à expliquer comment, en prenant un triple appui sur les bases qui viennent d'être décrites, un historien a pu s'élever au-dessus de son temps, se faire consacrer par ses paires et par le public de la Régence puis par le public de la première République et demeure pour nous l'un des prosateurs marquants de l'historiographie tunisienne.
Il y a en effet quelque chose de paradoxal dans le fait que ce soient les critiques de l'époque bourguibienne qui ont fait de Hassan Hosni Abdelwahab ce qu'il est devenu.
Beaucoup d'historiens lui ont consacré des travaux et l'on peut ajouter à leurs noms ceux des sociologues et des politologues.
Pourtant, le "Résumé de l'histoire de Tunisie" incarne toutes les contradictions et toutes les certitudes de la Tunisie du début du 20ème siècle; cette Tunisie qui se veut nouvelle, différente mais en même temps fière de son passé trois fois millénaire.
Si le public continue à lire ce livre, c'est parce qu'il a capté dans son style les forces vives, les forces profondes de la pensée de son temps.
Mais Hassan Hosni Abdelwahab semble n'avoir vécue que pour un livre.
Son Recueil de l'histoire littéraire tunisienne (Moujmal tarikh el-adab attounoussi), son livre de la vie (Kitab el-omr), ainsi que son Tunisiennes célèbres (Chahirat tounoussiyat), témoignent d'une somme de travail comparable à celle des grands historiens de son époque. Pourtant, son "Résumé" reste le plus vivant.
Le lecteur de ce livre phare s'étonne de voir que la philosophie de l'histoire qui s'en dégage est finalement assez proche du "Précis de l'histoire de France" de Jules Michelet.
Ainsi commence à apparaître, dans la Tunisie du début du 20ème siècle, un sentiment nouveau et sublime de la profondeur, de l'immensité du passé. D'où l'étrange impression ressentie par le lecteur du "Résumé de l'histoire de Tunisie" lorsqu'il y trouve toute l'acuité du rationnel, toute l'amplitude de l'imaginaire, pour que les leçons de l'histoire se nimbent d'une vision de l'histoire.
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