La violence conjugale est la première cause d'agressions physiques et de décès des femmes âgées entre 16 et 44 ans, selon l'Office National de la Famille et de la Population (ONFP).
Violence psychologique, physique, viol... la violence revêt des formes multiples. Le résultat est le même: on n'en sort jamais indemne. De tous ces témoignages recueillis, jaillit une souffrance encore palpable, même si certaines femmes disent avoir dépassé cette période sombre de leur vie.
Une violence intériorisée
La violence est souvent banalisée comme le montre la vidéo de l'émission "Mazalet el barka" sur Wataniya 1 où une scène de violence entre un couple a été simulée dans la rue. L'homme frappe sa partenaire sous l'indifférence totale des piétons regardant la scène.
Étonnant? "Pas vraiment", pour Leila. Elle raconte au HuffPost Tunisie. pourquoi elle a juré de ne plus intervenir dans "ce genre d'histoires".
Malgré ce déferlement de violence, Leila et son mari s'abstiennent d'intervenir, attendant que le gardien de l'immeuble "qui entendait sûrement ce bruit" passe à l'action ou que les autres voisins proches le fassent.
Mais silence radio du côté des voisins: "Le gardien m'a dit que ce n'était pas ses affaires mais que si le bruit me gênait autant, il pouvait leur dire de faire attention".
"Un jour, la violence a empiré, la femme criait tellement fort que je croyais qu'elle agonisait". Prise de peur et de pitié pour la femme, Leila implore son mari réticent à aller voir ce qui se passe.
Abaissement et dénigrement
Rabeb, originaire de Tunis, est diplômée mais elle est femme au foyer. Mariée depuis dix ans, dont sept sans aucune violence physique, "plutôt verbale et psychologique".
"Je suis tombée enceinte, le premier mois après mon mariage. Ma vie tournait essentiellement autour de mon enfant et de mon couple. Je disais que j'allais chercher un travail mais le temps passait... une deuxième grossesse est survenue. Trouver du travail est devenu difficile".
Le mari de Rabeb, lui n'est pas diplômé, il travaille dans une banque et arrive grâce à l'aide de sa belle-famille à mener un train de vie convenable:
"Mais à chaque dispute ou lorsque je lui demande de l'argent, il me rabaisse, me dit 'tu as rien fait de ton diplôme', 'tu ne sers à rien', tout en m'invitant à observer les autres femmes qui aident leur mari. Pourtant, il aime bien la bonne nourriture, que la maison soit toujours propre, que je m'occupe de l’éducation des enfants".
À un moment, le mari de Rabeb lui demande de se voiler mais "il faisait des remarques incessantes sur le fait que je paraissais plus âgée en portant le voile, tout en me demandant de ne jamais l'enlever".
À cette violence morale, la violence physique n'a pas tardé à venir: "J'avoue qu'il m'agace tellement que je peux être blessante mais me frapper pour ça et devant mes enfants, c'était humiliant, surtout la première fois".
Une première fois, qui s'est succédé de plusieurs autres: "Ma famille m'a soutenue, le grondait à chaque fois, je passais une semaine chez mes parents en attendant qu'il vienne me consoler et rebelote à chaque fois". Pourtant, porter plainte ne lui a jamais "effleuré l'esprit, c'est quand même le père des mes enfants".
Le viol conjugal, un acte vicieux
"Je l'ai connu quand j'avais 23 ans, je l'ai trouvé cultivé, il jouissait d"une certaine aura, il était généreux... j'étais sous le charme, conquise. Dés le début, il m'a expliqué qu'il avait très envie de moi. J'étais jeune, j'avais peur de passer le cap. Un jour, on est sorti déjeuner ensemble, après il m'a invité à aller 'nous reposer' dans son appartement. Je n'étais pas dupe, je voyais ce qu'il voulait, j'ai refusé. Il a vraiment insisté, me jurant qu'il n'y aurait rien entre nous. J'ai cédé. Dès notre arrivée, il a dévoilé ses réelles intentions, j'étais coincée. Je l'ai finalement laissé faire".
Mariem, originaire du gouvernorat de Nabeul, commence son histoire par "cette anecdote", dit-elle avec un sourire nerveux, la gorge serrée: "C'est ridicule de parler de ça, il ne m'a pas obligé à passer à l'acte, j'étais consentante. Je ne comprends pas pourquoi ceci m'a marqué. Je l'ai vécu comme une trahison de sa part. Le rapport sexuel était violent causant une hémorragie. J'étais déjà son objet, son jouet".
Elle dit pourtant l'aimer, et ne tarit pas d'éloges concernant cet homme qui ne l'a jamais "abandonné contrairement aux autres après avoir obtenu ce qu'ils voulaient".
"J'essayais de dépasser ce premier 'faux pas', d'oublier. On est portés tous les deux vers le sexe. On s'aime."
"J'étais aussi quelqu'un de très sensible, de dépressive. Ayant eu des difficultés dans ma vie professionnelle (chômage), je suis passée par une période difficile. Je ne donnais plus beaucoup d'importance à la sexualité. Malgré mon désarroi, il voulait toujours plus. Il commençait souvent par des attouchements, par des bisous volés. Il me faisait comprendre qu'il fallait le faire. Quand, je faisais mine de ne pas comprendre en prétextant d'être occupée par autre chose, il se mettait nu au lit, me demandait de le rejoindre, toujours 'pour se reposer' comme pour notre première fois. Sous son insistance, je le rejoignais, je tournais le dos, espérant qu'il allait me comprendre, il me comprenait tellement en dehors de ça."
Mariem a essayé de faire comprendre à son conjoint que ça n'allait pas, qu'elle se sentait comme un objet, en vain.
"Il me disait qu'il voulait me satisfaire car il savait que j'étais portée vers le sexe. Quand je lui disais que je n'avais pas envie, il me répondait 'tu ne m'aimes plus comme avant'. Je l'aime pourtant... Enfin je ne sais plus."
Autre histoire, autre calvaire, celui de Houda, originaire de la ville du Kef. Houda s'est mariée jeune, elle avait 20 ans à l'époque. Un mariage traditionnel, elle et son mari ne se connaissaient pas avant. Au final, la rencontre ne mènera pas au grand amour, "le mariage non plus".
Notre vie conjugale était routinière: "Coucher ensemble, ça faisait partie d'un besoin vital comme un autre, comme manger ou boire". Houda a eu un enfant de lui. "Rien n'a changé depuis, ça s'est empiré même".
"J'avais 21 ans quand j'ai eu mon enfant, s'occuper de lui n'était pas chose facile pour moi. On habitait dans une ville loin de nos parents, seule, j'étais livrée à moi même, j'étais débordée. Ses crises de colère commençait quand il rentrait à la maison, et ne trouvait pas le dîner prêt ou quand je n'avais pas lavé une chemise qu'il voulait porter le lendemain. Ça a commencé par des gifles, puis des coups de ceinture".
Seule, terrifiée, Houda prenait son mal en silence. "Me gifler devenait aussi pour lui un besoin vital".
La violence a fini par prendre une tournure plus dangereuse: "Il ciblait ma tête, m'arrachait les cheveux, il me traînait par terre, il voulait me rendre folle".
Des scènes d'une violence extrême qui ont laissé des séquelles physiques, mais pas que: "J'ai commencé à avoir des troubles de visions, je tremblais, en proie à des crises d'angoisses terribles".
Sa famille lui disait au départ qu'il fallait être patiente: "Ma mère me disait qu'il fallait que je me fasse belle, que j'entretienne ma maison, que je cuisine bien, que je ne hausse pas le ton quand il rentrait fatigué de son travail."
Violence psychologique, physique, viol... la violence revêt des formes multiples. Le résultat est le même: on n'en sort jamais indemne. De tous ces témoignages recueillis, jaillit une souffrance encore palpable, même si certaines femmes disent avoir dépassé cette période sombre de leur vie.
Une violence intériorisée
La violence est souvent banalisée comme le montre la vidéo de l'émission "Mazalet el barka" sur Wataniya 1 où une scène de violence entre un couple a été simulée dans la rue. L'homme frappe sa partenaire sous l'indifférence totale des piétons regardant la scène.
Étonnant? "Pas vraiment", pour Leila. Elle raconte au HuffPost Tunisie. pourquoi elle a juré de ne plus intervenir dans "ce genre d'histoires".
"J'habite dans un immeuble et un couple habitait juste au dessus de mon appartement. Au départ, on a commencé à entendre leurs disputes mais rien d'anormal. Les jours qui ont suivi, on entendait que les disputes étaient accompagnées de gifles, la femme criait fort".
Malgré ce déferlement de violence, Leila et son mari s'abstiennent d'intervenir, attendant que le gardien de l'immeuble "qui entendait sûrement ce bruit" passe à l'action ou que les autres voisins proches le fassent.
Mais silence radio du côté des voisins: "Le gardien m'a dit que ce n'était pas ses affaires mais que si le bruit me gênait autant, il pouvait leur dire de faire attention".
"Un jour, la violence a empiré, la femme criait tellement fort que je croyais qu'elle agonisait". Prise de peur et de pitié pour la femme, Leila implore son mari réticent à aller voir ce qui se passe.
"Le mari lui a ouvert la porte, il était en sueur mais calme, alors que sa femme continuait à l'injurier de loin. Quand mon mari lui a demandé d'arrêter de violenter sa femme, il l'a accablé de reproches, lui disait qu'elle lui faisait honte avec ses cris incessants. L'épouse en sanglots interpelle alors mon mari pour lui demander: 'de quoi tu te mêles?', 'Est ce qu'on vient frapper à ta porte pour te dire, 'tu fais quoi à ta compagne??'".
Abaissement et dénigrement
Rabeb, originaire de Tunis, est diplômée mais elle est femme au foyer. Mariée depuis dix ans, dont sept sans aucune violence physique, "plutôt verbale et psychologique".
"Je suis tombée enceinte, le premier mois après mon mariage. Ma vie tournait essentiellement autour de mon enfant et de mon couple. Je disais que j'allais chercher un travail mais le temps passait... une deuxième grossesse est survenue. Trouver du travail est devenu difficile".
Le mari de Rabeb, lui n'est pas diplômé, il travaille dans une banque et arrive grâce à l'aide de sa belle-famille à mener un train de vie convenable:
"Mais à chaque dispute ou lorsque je lui demande de l'argent, il me rabaisse, me dit 'tu as rien fait de ton diplôme', 'tu ne sers à rien', tout en m'invitant à observer les autres femmes qui aident leur mari. Pourtant, il aime bien la bonne nourriture, que la maison soit toujours propre, que je m'occupe de l’éducation des enfants".
À un moment, le mari de Rabeb lui demande de se voiler mais "il faisait des remarques incessantes sur le fait que je paraissais plus âgée en portant le voile, tout en me demandant de ne jamais l'enlever".
À cette violence morale, la violence physique n'a pas tardé à venir: "J'avoue qu'il m'agace tellement que je peux être blessante mais me frapper pour ça et devant mes enfants, c'était humiliant, surtout la première fois".
Une première fois, qui s'est succédé de plusieurs autres: "Ma famille m'a soutenue, le grondait à chaque fois, je passais une semaine chez mes parents en attendant qu'il vienne me consoler et rebelote à chaque fois". Pourtant, porter plainte ne lui a jamais "effleuré l'esprit, c'est quand même le père des mes enfants".
Le viol conjugal, un acte vicieux
"Je l'ai connu quand j'avais 23 ans, je l'ai trouvé cultivé, il jouissait d"une certaine aura, il était généreux... j'étais sous le charme, conquise. Dés le début, il m'a expliqué qu'il avait très envie de moi. J'étais jeune, j'avais peur de passer le cap. Un jour, on est sorti déjeuner ensemble, après il m'a invité à aller 'nous reposer' dans son appartement. Je n'étais pas dupe, je voyais ce qu'il voulait, j'ai refusé. Il a vraiment insisté, me jurant qu'il n'y aurait rien entre nous. J'ai cédé. Dès notre arrivée, il a dévoilé ses réelles intentions, j'étais coincée. Je l'ai finalement laissé faire".
Mariem, originaire du gouvernorat de Nabeul, commence son histoire par "cette anecdote", dit-elle avec un sourire nerveux, la gorge serrée: "C'est ridicule de parler de ça, il ne m'a pas obligé à passer à l'acte, j'étais consentante. Je ne comprends pas pourquoi ceci m'a marqué. Je l'ai vécu comme une trahison de sa part. Le rapport sexuel était violent causant une hémorragie. J'étais déjà son objet, son jouet".
Elle dit pourtant l'aimer, et ne tarit pas d'éloges concernant cet homme qui ne l'a jamais "abandonné contrairement aux autres après avoir obtenu ce qu'ils voulaient".
"J'essayais de dépasser ce premier 'faux pas', d'oublier. On est portés tous les deux vers le sexe. On s'aime."
"J'étais aussi quelqu'un de très sensible, de dépressive. Ayant eu des difficultés dans ma vie professionnelle (chômage), je suis passée par une période difficile. Je ne donnais plus beaucoup d'importance à la sexualité. Malgré mon désarroi, il voulait toujours plus. Il commençait souvent par des attouchements, par des bisous volés. Il me faisait comprendre qu'il fallait le faire. Quand, je faisais mine de ne pas comprendre en prétextant d'être occupée par autre chose, il se mettait nu au lit, me demandait de le rejoindre, toujours 'pour se reposer' comme pour notre première fois. Sous son insistance, je le rejoignais, je tournais le dos, espérant qu'il allait me comprendre, il me comprenait tellement en dehors de ça."
" Il finissait toujours par avoir ce qu'il voulait. Il se masturbait en me touchant les fesses avec son sexe, ça me dégoutait. Je me retournais vers lui pour l'arrêter... J'ai l'impression qu'il savait comment m'agacer pour que je cède. Ce qui m'exaspérait surtout, c'est qu'il ne se contentait pas de la pénétration. Parfois, il me réveillait d'un profond sommeil, je sentais juste la pénétration, lasse, épuisée, j'attendais impatiemment qu'il finisse".
Mariem a essayé de faire comprendre à son conjoint que ça n'allait pas, qu'elle se sentait comme un objet, en vain.
"Il me disait qu'il voulait me satisfaire car il savait que j'étais portée vers le sexe. Quand je lui disais que je n'avais pas envie, il me répondait 'tu ne m'aimes plus comme avant'. Je l'aime pourtant... Enfin je ne sais plus."
Autre histoire, autre calvaire, celui de Houda, originaire de la ville du Kef. Houda s'est mariée jeune, elle avait 20 ans à l'époque. Un mariage traditionnel, elle et son mari ne se connaissaient pas avant. Au final, la rencontre ne mènera pas au grand amour, "le mariage non plus".
Notre vie conjugale était routinière: "Coucher ensemble, ça faisait partie d'un besoin vital comme un autre, comme manger ou boire". Houda a eu un enfant de lui. "Rien n'a changé depuis, ça s'est empiré même".
"J'avais 21 ans quand j'ai eu mon enfant, s'occuper de lui n'était pas chose facile pour moi. On habitait dans une ville loin de nos parents, seule, j'étais livrée à moi même, j'étais débordée. Ses crises de colère commençait quand il rentrait à la maison, et ne trouvait pas le dîner prêt ou quand je n'avais pas lavé une chemise qu'il voulait porter le lendemain. Ça a commencé par des gifles, puis des coups de ceinture".
Seule, terrifiée, Houda prenait son mal en silence. "Me gifler devenait aussi pour lui un besoin vital".
La violence a fini par prendre une tournure plus dangereuse: "Il ciblait ma tête, m'arrachait les cheveux, il me traînait par terre, il voulait me rendre folle".
Des scènes d'une violence extrême qui ont laissé des séquelles physiques, mais pas que: "J'ai commencé à avoir des troubles de visions, je tremblais, en proie à des crises d'angoisses terribles".
Sa famille lui disait au départ qu'il fallait être patiente: "Ma mère me disait qu'il fallait que je me fasse belle, que j'entretienne ma maison, que je cuisine bien, que je ne hausse pas le ton quand il rentrait fatigué de son travail."
Toutefois, alarmée par l'évolution de la situation, sa mère voyant sa fille sombrer dans la dépression, l'a emmenée pour consulter un psychiatre: "Je devenais insensible, morte à l'intérieur, délaissant mon enfant, dans les vapes. Depuis, j'ai demandé le divorce. Divorcée, médicalement assistée car vivant sous anti-dépresseurs, mais libérée".
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