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Hommage À Prince: Une chronique de "Musicology"

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En hommage à Prince, un artiste complet et d'une grande élégance, je partage avec vous la critique que j'avais publié sur son album Musicology au moment de sa sortie en avril 2004.... C'était du temps où je faisais de la critique musicale...

L'essoufflement de la vague Disco à la fin des années 70 allait nous amener sur la scène mondiale une nouvelle tendance qui sera au cœur des mélomanes dans les années 80. Il s'agit de la vague funk avec des jeunes comme Michaël Jackson, sorti fraîchement de la tribu familiale des "Jackson Five", de Prince et de moins jeunes sortis pour certains de l'anonymat dans lequel ils sont retombés pour servir la nouvelle tendance à la mode comme Donna Summer, le vieux James Brown, qui a près de quatre vingt ans est toujours aussi bon pour le grand écart, Barry White, Marvin Gaye, Lionel Richie, Diana Ross ou Gloria Gaynor et bien d'autres chanteurs noirs qui manient aussi bien le chant que la danse élégante et sensuelle et aussi certains groupes comme les fameux Village People.

Le funk sera la mode des années 80 et ces chanteurs seront les nouveaux prophètes du dialogue avec les sens et de la recherche de l'harmonie avec soi. Mais, un dialogue bien particulier et une écriture musicale qui se différencie avec celle des années 70. Le funk des années 80 cherchera à allier la rythmique de la musique occidentale avec la sensualité et le ravissement des tonalités et des sons des musiques noires américaines comme le jazz ou le blues. Il s'agit en quelque sorte d'une révision de ses airs traditionnels flâneurs et charnels en leur incorporant une nouvelle rythmique plus véloce afin de les rapprocher de l'air du temps et de leur donner une intonation plus corporelle et parfois même érotique.

Le pas, contrairement au Disco des années 70, ne privilégie pas la performance physique mais plutôt la démarche voluptueuse et jouisseuse. Ainsi, avons-nous vécu les années 80 ensorcelés par les airs de "Love to Love baby", "Last Dance" et "Hot Stuff" de Donna Summer, "Billie Jean", "Thriller" et "Beat it" de Michaël Jackson "Let the music play" de Barry White...

Mais, en dépit de cet envoûtement, on sentait que la vague funk des années 80 avait un air de déjà vu. Les grandes compagnies de disque commençaient déjà à développer des stratégies globales et les nouveaux producteurs visaient des tubes qui pouvaient plaire et faire danser les jeunes de New York à Paris, du Caire à Karachi et de Dakar à Sao Paolo. Le marketing avait pris le pas depuis des années sur la création chez les grandes multinationales du disque. On ne cherchait plus les écritures fragiles et délicates des poètes maudits mais plutôt quelques refrains simples et faciles à fredonner par des millions de jeunes à travers la planète. L'écriture musicale abandonne la créativité et l'envoûtement de poètes frêles et à fleur de peau pour se morfondre dans les contours des stratégies de marketing et des millions de dollars récoltés au lancement de chaque nouveau tube. La vague funk avait du mal à nous emporter au-delà de ses moments d'allégresse à l'écoute d'un des tubes de cette période ou à la vue de certains chanteurs, comme Prince ou Michaël Jackson, qui ont érigé la danse au statut d'un art absolu.

Mais, une fois le morceau passé, la fièvre retombe laissant place à l'oubli et à l'amnésie. Car la musique funk des années 80 ne cherchait pas l'éternité ou l'absolu comme le faisait les jazzmen des années 40 et 50 mais plutôt l'instant présent et l'immédiateté. Au moment où la musique éternelle cherche à dialoguer avec notre entendement, la musique de marketing privilégie nos sens et notre instinct. Alors, si l'une reste et elle est transmise de générations en générations, l'autre part et disparaît aussi vite qu'un éclair de lune dans un ciel assombri par les nuages ! Et en effet, quelques années plus tard les porteurs de cette mode funk ont tous sombré. Les uns dans la drogue, d'autres dans la boulimie et d'autres encore dans de tristes histoires de pédophilie!

Ne sont restés de cette vague que les grandes multinationales, la Warner, Sony, ou Columbia et bien d'autres qui, imperturbables, continuent à lancer des modes pour les oublier quelques années plus tard au gré de leurs stratégies globales de marketing!

Est resté également de cette vague le chanteur américain Prince qui a traversé les années 80 et les années 90 et nous revient aujourd'hui après une longue traversée du désert avec un nouveau chef d'œuvre intitulé "Musicology".

Ce musicien exceptionnel est né le 7 juin 1958 à Minneapolis aux Etats-Unis. Celui qu'on appelle le Kid de Minneapolis et de son vrai nom Prince Rogers Nelson se distingue dès son jeune âge comme un musicien hors pair. Il sort son premier album funk "Pop for you" à l'âge de vingt ans.

Moins d'une année plus tard, il sort un nouvel album "Prince" qui est bien accueilli par les critiques. En 1980, il sort l'album "Dirty Mind" qui sera un énorme succès musical avec des mélanges réussis entre funk, pop, rock et soul. Un mélange et un dialogue entre différentes traditions musicales maîtrisé d'une main de maître par celui qui n'était encore qu'un gamin!

Mais, un gamin avec un génie exceptionnel qui lui permet de traverser les années 80 avec fulgurance et éclat. Les albums se suivent alors et les succès commerciaux aussi!

En 1984 il sort l'album "Purple rain" avec le groupe "The Revolution". D'autres albums vont paraître comme "Around the world in a day", "Parade" et surtout "Batman", la bande originale du film du même nom finiront par faire de Prince une star mondiale. Une renommée qui n'a pas été sans influence sur l'attitude du musicien. Le talent immense et le succès commercial ont rendu le petit kid de Minneapolis prétentieux et un tantinet imbu de sa personnalité et de sa science musicologique. Mais qu'importe les attitudes et les comportements de ces nouveaux chantres du beau pourvu qu'ils rapportent des millions. Et, la Warner, qui était à l'époque la maison de disque de Prince, pouvait fermer les yeux sur ses folies des grandeurs pourvu qu'il continue à enchaîner les succès et qu'elle continue à engranger les bénéfices.

Mais, voilà que l'air du temps tourne et les grandes compagnies délaissent le funk des années 80 qui ne dégage plus les mêmes rentrées que par le passé. Et, les conflits entre les portes drapeaux de cette vague et leurs maisons de disques ne feront que commencer. Comme les autres Prince se fait reprocher par la Warner la baisse des revenus de ces ventes de disque. Rentabilité en baisse répondent des mangers peu enclins à écouter notre musicien lorsque celui-ci évoque art et création. La rupture est alors prononcée entre la plupart des chanteurs funk et leurs maisons de disque qui partent à la recherche de nouvelles modes et de nouvelles sources de profit. Tous les chanteurs vont sombrer dans l'abîme!

Seul Prince résistera! Car à la différence des autres, il n'est pas une pure une création de cette mode funk même s'il en a été un des porte-drapeaux les plus brillants. Prince n'est pas simplement une voix cool doublé d'un pas de danse voluptueux. Prince, c'est aussi un des musiciens les plus brillants de sa génération. Il joue avec une facilité déconcertante avec beaucoup d'instruments. Il est aussi un virtuose et a un grand talent d'arrangeur ! Des qualités qui lui ont permis de tenir au moment où il a été lâché par sa maison de disques et ou d'autres avaient sombré dans l'oubli, la folie ou le vice ! Ainsi, Prince fera de la résistance!

Il créera son propre label NPG Records et enregistrera une série d'albums dont "The most beautiful girl in the world", "Come", "The black album", "Emancipation", "The Rainbow children", "Rave Un2 the Joy fantastic".

Prince n'a jamais été aussi prolifique que depuis sa rupture avec sa maison de disque! Une manière pour lui de montrer qu'il n'est pas qu'un simple produit marketing mais qu'il est un véritable créateur. Prince conduira sa résistance jusqu'au bout en refusant également de passer par des maisons de distribution et en passant par Internet pour distribuer ses albums. Mais, le plus grand pied de nez au système des multinationales dans l'industrie des disques est probablement son projet instrumental jazz-fusion qui sortira en 2003 sous l'intitulé "N.E.W.S".

Avec "Musicology", qui vient de sortir il y a quelques semaines, Prince semble avoir retrouvé la sérénité de ses débuts. Il faut dire qu'entre-temps, il a renoué avec une grande maison de production, la Sony, qui semble d'accord pour laisser des marges de liberté à ce créateur hors pair!

Alors on retrouve dans ce dernier album le Prince que nous avons aimé dans les années 80. Un mélange entre expérimentation et morceaux funk plus classiques s'enchaînent à merveille!

Mais, au-delà de cet enchaînement, reste la voix soyeuse et ce timbre satiné qui a fait distinguer ce chanteur de charme de tous ses pairs des années 80 et qui le fait traverser les deux dernières décennies avec autant de classe et de virtuosité!

Dernier conseil, il faut écouter la musique luxurieuse de Prince. Une musique faite de silence mais aussi de rythmes et de volupté. Mais, évitez de vous attarder sur les paroles sournoises, de lire ses interviews empreintes de mégalomanie et encore moins d'écouter les atermoiements existentiels de ce nouveau converti à la secte des témoins de Jéhovah! Prince s'entend mais ne s'écoute pas!

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