Il était une fois, les artisans de la médina étaient les maîtres de l'activité commerciale qui y régnait. Cinq mots peuvent décrire la manière dont le système des artisans est organisé:
L' "Orf"; c'est l'ensemble de ce qui doit être fait et ce qui doit être évité dans chacun des métiers artisanaux. L' "Orf" régit aussi bien la qualité de production, les spécificités des produits ainsi que les comportements commerciaux.
Il y a bien évidemment le "Souk", c'est l'espace physique où les artisans d'une même catégorie peuvent produire et commercialiser leurs produits.
L' "Amine", quant à lui, est un maître artisan nommé ou élu à la tête du métier. Il décide de qui peut être introduit au secteur, s'assure que l' "Orf est respecté", résout les conflits et gère le commerce au sein du Souk regroupant les artisans d'une même spécialité.
Ensuite, il y a le "Mâallem", un maître artisan qui connaît tous les rouages de la production. Il a fait preuve au cours des années d'une forte expérience ainsi que du sens de qualité, d'éthique et de leadership pour atteindre ce statut.
Enfin, le "Sanaâ", ou apprenti, produit au nom du "Mâallem" et apprends le métier de ce dernier. Si le "Sanaâ" est chanceux, il peut un jour devenir "Mâallem".
Ce modèle, basé sur les personnes précédemment citées, était respecté depuis des centaines d'années dans les pays dont l'industrie se basait essentiellement sur l'artisanat. Il régissait en effet l'économie des villes historiques.
De nous jours, les changements socio-économiques ont créé un écart entre les attentes des maîtres artisans, qui sont à l'aise avec le schéma traditionnel, et les jeunes artisans qui veulent révolutionner l' "Orf" et sortir de ce cadre. Ils refusent d'être "Sanaâ" et entrent en compétition avec les "Mâallems". Les jeunes artisans préfèrent apprendre vite, trouver de nouvelles opportunités, utiliser les techniques traditionnelles pour innover; chose qui ennuie les "Amines" des différents métiers.
Il fût un temps où on ne pouvait apprendre quelque chose d'utile dans la vie que grâce au travail avec un maître artisan. A cette époque, les familles ne voyaient pas d'inconvénient à interrompre la scolarité de leur fils de 12 ans pour qu'il apprenne chez un artisan un métier lui offrant dans le futur un bon niveau de vie. De nos jours, on peut tout apprendre de YouTube; recruter un enfant de 12 ans est considéré comme un abus et les maîtres artisans ne sont pas les personnes qui connaissent le mieux la vie, l'artisanat et le travail.
Quand j'ai interviewé quelques maîtres artisans, ces caciques du système traditionnel étaient surpris par le fait que les jeunes apprentis de nos jours demandent combien vont-ils être payés avant de commencer à travailler. Selon leurs dires, ils considéraient auparavant que travailler en tant qu'apprentis était une aubaine et trouvent ridicule le fait de demander à être payé.
En effet, la relation traditionnelle entre "Mâallem" et "Sanaâ" était paternelle et imprégnée de loyauté; on peut même dire que le "Mâallem" possédait le "Sanaâ". Dans ce cas, changer de "Mâallem" fréquemment pouvait nuire à la réputation du "Sanaâ". Ceci avait du sens lorsque le "Mâallem" gagnait assez sa vie pour assurer de bonnes conditions de travail au "Sanaâ" et que tout le monde produisait le même type de produits en conformité avec l' "Orf". Mais dans un monde caractérisé par les difficultés économiques et la compétition, pourquoi un "Sanaâ" mal payé n'essaierait-il pas autre chose? Les "Mâallems" ont même du mal à obtenir de leurs propres fils l'engagement qu'ils attendent d'eux; ces derniers ayant trouvés d'autres sources de revenu.
Les quelques "Amines" et "Mâallems" qui survivent au rétrécissement progressif des Souks suivent toujours un système patriarcal basé sur une hiérarchie stricte. Ceux en haut de l'échelle fixent les règles visant à protéger leurs Souks respectifs, les produits et le commerce des intrus et de tout changement risquant de porter atteinte à la tradition du métier. La corporation a créée un monopole collectif avec des barrières à l'entrée limitant l'accès au Souk. L' "Amine" prenait ses décisions suite aux conseils des "Mâallems" qui privilégiaient leurs propres enfants. Ce système est gérable et les concurrents font tous partie du cercle d'amis. L'environnement de travail est certes anti-entrepreneurial, mais parfait pour protéger les traditions.
Les gens qui veulent être artisans aujourd'hui sont en dehors des cercles d'amis et sont surtout entrepreneurs. Les métiers et leurs "Amines" n'ont pas empêché les nouveaux artisans-entrepreneurs de travailler dans des maisons abandonnées de la médina, alors que les maîtres artisans pensent que ceci n'est pas éthique.
Ces "nouveaux venus" ont créé une économie de partage différente du système hiérarchique. C'est un système horizontal où les artisans externalisent une partie de la production entre eux et où chacun excelle dans ce qu'il réussit le mieux. Ces derniers ne sont plus "Sanaâ", ils viennent d'une société individualiste où se distinguer est nécessaire pour survivre.
Ils considèrent l' "Orf", qui gèle les caractéristiques du produit, comme étant fatal dans le libre marché. Ils ne font plus les règles du marché mais écoutent leurs clients qui ont un pouvoir d'achat. Par conséquent, leurs produits sont de qualité moindre puisqu'ils utilisent des matières premières bon marché. Ainsi faisant, ils se créent du travail, chose "héroïque" dans le contexte actuel. Par contre, ils sont malheureusement non protégés et mis de côté vu qu'ils ne respectent pas les règles du Souk.
Tout ceci me laisse perplexe, et ces questions me viennent à l'esprit: "A quel point la corporation traditionnelle peut-elle protéger les artisans? Comment est-ce que la médina peut être plus ouverte aux artisans-entrepreneurs? Le Gel d'un produit ayant une valeur historique est-il bénéfique alors qu'il est vital de créer de nouvelles opportunités économiques?
D'un autre côté, est-ce bénéfique à une nation qui rencontre des problèmes de chômage de mettre des barrières à ceux qui veulent être leurs propres patrons? Quelle est la meilleure alternative du modèle 'Mâallem-Sanaâ' qui permettrait de transmettre la connaissance à la jeune génération? A quel point le système traditionnel est-il durable dans le libre marché?"
De nos jours, les artisans, piliers de la survie des métiers traditionnels, sont en train de redonner un nouveau souffle à la médina. Les corporations d'artisans se doivent de faire face à la nouvelle donne socio-économique et être ouverts au changement dont le marché en a désespérément besoin. Des réformes doivent être mises en place pour permettre aux jeunes de jouer un rôle actif dans la création d'un système ouvert et basé sur l'économie de partage.
L' "Orf"; c'est l'ensemble de ce qui doit être fait et ce qui doit être évité dans chacun des métiers artisanaux. L' "Orf" régit aussi bien la qualité de production, les spécificités des produits ainsi que les comportements commerciaux.
Il y a bien évidemment le "Souk", c'est l'espace physique où les artisans d'une même catégorie peuvent produire et commercialiser leurs produits.
L' "Amine", quant à lui, est un maître artisan nommé ou élu à la tête du métier. Il décide de qui peut être introduit au secteur, s'assure que l' "Orf est respecté", résout les conflits et gère le commerce au sein du Souk regroupant les artisans d'une même spécialité.
Ensuite, il y a le "Mâallem", un maître artisan qui connaît tous les rouages de la production. Il a fait preuve au cours des années d'une forte expérience ainsi que du sens de qualité, d'éthique et de leadership pour atteindre ce statut.
Enfin, le "Sanaâ", ou apprenti, produit au nom du "Mâallem" et apprends le métier de ce dernier. Si le "Sanaâ" est chanceux, il peut un jour devenir "Mâallem".
Ce modèle, basé sur les personnes précédemment citées, était respecté depuis des centaines d'années dans les pays dont l'industrie se basait essentiellement sur l'artisanat. Il régissait en effet l'économie des villes historiques.
De nous jours, les changements socio-économiques ont créé un écart entre les attentes des maîtres artisans, qui sont à l'aise avec le schéma traditionnel, et les jeunes artisans qui veulent révolutionner l' "Orf" et sortir de ce cadre. Ils refusent d'être "Sanaâ" et entrent en compétition avec les "Mâallems". Les jeunes artisans préfèrent apprendre vite, trouver de nouvelles opportunités, utiliser les techniques traditionnelles pour innover; chose qui ennuie les "Amines" des différents métiers.
Il fût un temps où on ne pouvait apprendre quelque chose d'utile dans la vie que grâce au travail avec un maître artisan. A cette époque, les familles ne voyaient pas d'inconvénient à interrompre la scolarité de leur fils de 12 ans pour qu'il apprenne chez un artisan un métier lui offrant dans le futur un bon niveau de vie. De nos jours, on peut tout apprendre de YouTube; recruter un enfant de 12 ans est considéré comme un abus et les maîtres artisans ne sont pas les personnes qui connaissent le mieux la vie, l'artisanat et le travail.
Quand j'ai interviewé quelques maîtres artisans, ces caciques du système traditionnel étaient surpris par le fait que les jeunes apprentis de nos jours demandent combien vont-ils être payés avant de commencer à travailler. Selon leurs dires, ils considéraient auparavant que travailler en tant qu'apprentis était une aubaine et trouvent ridicule le fait de demander à être payé.
En effet, la relation traditionnelle entre "Mâallem" et "Sanaâ" était paternelle et imprégnée de loyauté; on peut même dire que le "Mâallem" possédait le "Sanaâ". Dans ce cas, changer de "Mâallem" fréquemment pouvait nuire à la réputation du "Sanaâ". Ceci avait du sens lorsque le "Mâallem" gagnait assez sa vie pour assurer de bonnes conditions de travail au "Sanaâ" et que tout le monde produisait le même type de produits en conformité avec l' "Orf". Mais dans un monde caractérisé par les difficultés économiques et la compétition, pourquoi un "Sanaâ" mal payé n'essaierait-il pas autre chose? Les "Mâallems" ont même du mal à obtenir de leurs propres fils l'engagement qu'ils attendent d'eux; ces derniers ayant trouvés d'autres sources de revenu.
Les quelques "Amines" et "Mâallems" qui survivent au rétrécissement progressif des Souks suivent toujours un système patriarcal basé sur une hiérarchie stricte. Ceux en haut de l'échelle fixent les règles visant à protéger leurs Souks respectifs, les produits et le commerce des intrus et de tout changement risquant de porter atteinte à la tradition du métier. La corporation a créée un monopole collectif avec des barrières à l'entrée limitant l'accès au Souk. L' "Amine" prenait ses décisions suite aux conseils des "Mâallems" qui privilégiaient leurs propres enfants. Ce système est gérable et les concurrents font tous partie du cercle d'amis. L'environnement de travail est certes anti-entrepreneurial, mais parfait pour protéger les traditions.
Les gens qui veulent être artisans aujourd'hui sont en dehors des cercles d'amis et sont surtout entrepreneurs. Les métiers et leurs "Amines" n'ont pas empêché les nouveaux artisans-entrepreneurs de travailler dans des maisons abandonnées de la médina, alors que les maîtres artisans pensent que ceci n'est pas éthique.
Ces "nouveaux venus" ont créé une économie de partage différente du système hiérarchique. C'est un système horizontal où les artisans externalisent une partie de la production entre eux et où chacun excelle dans ce qu'il réussit le mieux. Ces derniers ne sont plus "Sanaâ", ils viennent d'une société individualiste où se distinguer est nécessaire pour survivre.
Ils considèrent l' "Orf", qui gèle les caractéristiques du produit, comme étant fatal dans le libre marché. Ils ne font plus les règles du marché mais écoutent leurs clients qui ont un pouvoir d'achat. Par conséquent, leurs produits sont de qualité moindre puisqu'ils utilisent des matières premières bon marché. Ainsi faisant, ils se créent du travail, chose "héroïque" dans le contexte actuel. Par contre, ils sont malheureusement non protégés et mis de côté vu qu'ils ne respectent pas les règles du Souk.
Tout ceci me laisse perplexe, et ces questions me viennent à l'esprit: "A quel point la corporation traditionnelle peut-elle protéger les artisans? Comment est-ce que la médina peut être plus ouverte aux artisans-entrepreneurs? Le Gel d'un produit ayant une valeur historique est-il bénéfique alors qu'il est vital de créer de nouvelles opportunités économiques?
D'un autre côté, est-ce bénéfique à une nation qui rencontre des problèmes de chômage de mettre des barrières à ceux qui veulent être leurs propres patrons? Quelle est la meilleure alternative du modèle 'Mâallem-Sanaâ' qui permettrait de transmettre la connaissance à la jeune génération? A quel point le système traditionnel est-il durable dans le libre marché?"
De nos jours, les artisans, piliers de la survie des métiers traditionnels, sont en train de redonner un nouveau souffle à la médina. Les corporations d'artisans se doivent de faire face à la nouvelle donne socio-économique et être ouverts au changement dont le marché en a désespérément besoin. Des réformes doivent être mises en place pour permettre aux jeunes de jouer un rôle actif dans la création d'un système ouvert et basé sur l'économie de partage.
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